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Cuba-Espagne

Une visite délicate pour Moratinos

Miguel Angel Moratinos (gauche) avec son homologue Felipe Perez Roque. 

		(Photo : Reuters)
Miguel Angel Moratinos (gauche) avec son homologue Felipe Perez Roque.
(Photo : Reuters)
L’Espagnol Miguel Angel Moratinos est le premier ministre des Affaires étrangères européen à se rendre à Cuba depuis 2003. Un voyage destiné à améliorer davantage les relations bilatérales entre Madrid et La Havane, mais aussi à normaliser les échanges entre l’île socialiste et l’Union européenne, même si les 26 partenaires du gouvernement Zapatero ne partagent pas tous la démarche espagnole sur ce dossier.

«Je suis très heureux d’être à Cuba», a déclaré Miguel Angel Moratinos dimanche soir en arrivant sur le sol cubain, à l’aéroport international Jose Marti. Ces mots du chef de la diplomatie espagnole ont donné le signal du départ - et probablement le ton - d’une visite qui devrait durer deux jours. Jusqu’à mardi soir, M. Moratinos devrait rencontrer Raul Castro, frère et actuel remplaçant «provisoire» du Lider maximo à la tête du pays.

Mais pour commencer, le ministre espagnol des Affaires étrangères a été reçu, à La Havane, par son homologue Felipe Perez Roque. Entre les deux hommes, le courant passe, et il passe même bien : au cours de la visite du ministre cubain à Madrid, le 17 mars dernier, les deux chefs de la diplomatie avaient qualifié les relations bilatérales entre Cuba et l’Espagne de «très bonnes».

Mais ni le large sourire, ni l’optimisme affiché par Miguel Angel Moratinos à son arrivée à La Havane n’ont fait oublier que ce voyage se déroule dans un contexte particulier : il s’agit en effet de la première visite d’un ministre des Affaires étrangères européen depuis les sanctions de l’Union contre le régime castriste, en 2003.

C’est en effet en mars 2003 que Fidel Castro lance une vague de répression sans précédent au cours de laquelle 75 dissidents et journalistes sont arrêtés, puis condamnés à des peines de prison allant jusqu’à 28 ans de détention. L’Union européenne condamne alors fermement le mépris des droits de l’homme sur l’île socialiste et lance, en juin 2003, des sanctions contre le régime du Líder maximo.

Mais ces sanctions consistent uniquement en un gel des échanges diplomatiques. Seule conséquence : la suspension totale de tout contact politique officiel entre les partenaires européens et La Havane. Même les adversaires les plus convaincus du régime cubain ne sont pas satisfaits de ce résultat. Conséquence : les Européens s’interrogent ouvertement et se divisent sur l’attitude à tenir en commun face à l’île des Caraïbes. Une indécision immédiatement mise à profit par les Espagnols, ou plus précisément par le gouvernement de José Luis Zapatero.       

L’Espagne, l’amie fidèle ?

Depuis l’arrivée du socialiste à la tête du gouvernement espagnol au printemps 2004, la politique de Madrid envers La Havane connaît un véritable revirement. Alors que son prédécesseur, le conservateur José Maria Aznar, s’était positionné comme leader de l’opposition européenne au régime castriste en défendant notamment l’isolement de l’île, l’actuel Premier ministre Zapatero prône, au contraire, le dialogue avec Cuba. Le questionnement des partenaires européens sur ce dossier tombe alors à pic pour le nouveau pouvoir espagnol qui s’engage, dès l’automne 2004, dans une campagne pour la suspension des sanctions à l’égard du gouvernement cubain. C’est en octobre de cette même année que le ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos déclare que le manque de dialogue avec La Havane n’est ni dans l’intérêt de l’Union ni dans celui des Cubains, en besoin urgent d’un processus de démocratisation dans leur pays. A ne pas oublier non plus, l’intérêt certain et plus ou moins ouvertement affiché des entreprises espagnoles dont les investissements dans l’ancienne colonie espagnole ont été largement affectés par les sanctions européennes.

Quoi qu’il en soit, la mobilisation de l’équipe Zapatero porte ses fruits. En décembre 2004 le Groupe de travail sur l’Amérique latine du Conseil des ministres de l’Union européenne recommande la reprise du dialogue avec le régime de Fidel Castro et la suspension des sanctions diplomatiques contre Cuba. Quelques semaines plus tard, le 31 janvier 2005, c’est chose faite. Depuis, Bruxelles se penche une fois par an sur le cas du régime de La Havane : l’année dernière, c’était pour reconduire la suspension, avant de réexaminer à nouveau le dossier en juin prochain.

Malgré les efforts de la part de Madrid pour une normalisation des échanges entre l’Union européenne et Cuba, les relations restent difficiles. Ce sont surtout les anciens pays de l’Europe de l’Est, où le souvenir des réalités du communisme reste vif, qui s’opposent fermement à une levée définitive des sanctions européennes.

Face à la discorde et aux tergiversations des 27, l’Espagne a néanmoins réussi à se placer au sein de l’Union européenne en leader de la question cubaine. En marge d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères le week-end dernier à Brême en Allemagne, Miguel Angel Moratinos a ainsi défendu son voyage controversé au Cuba. Cette visite «est nécessaire à un moment important pour l’avenir de l’île et l’avenir entre Cuba et l’Espagne», a-t-il déclaré. Puis, le chef de la diplomatie espagnole a ajouté que ce voyage reflétait «le désir d’avoir un dialogue fluide et ferme avec les autorités cubaines». Des mots autant destinés à contrecarrer les virulentes critiques de l’opposition conservatrice à Madrid qu’à rassurer ses partenaires européens, hésitant toujours à suivre l’exemple espagnol.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 02/04/2007 Dernière mise à jour le 02/04/2007 à 16:16 TU