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Etats-Unis–Syrie

Nancy Pelosi défie George Bush

Nancy Pelosi a rencontré le président syrien Bachar al-Assad à Damas ce mercredi 4 avril 2007. 

		(Photo : Reuters)
Nancy Pelosi a rencontré le président syrien Bachar al-Assad à Damas ce mercredi 4 avril 2007.
(Photo : Reuters)
Malgré les critiques de la Maison Blanche, selon laquelle cette démarche ne peut que conforter le régime syrien, boycotté car accusé de soutenir le terrorisme, Nancy Pelosi a rencontré, mercredi à Damas, le président syrien Bachar al-Assad. La présidente démocrate de la Chambre des représentants, qui a estimé sa visite «importante» pour «engager le dialogue», a affirmé avoir remis au président syrien un message du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, qu’elle a rencontré le week-end dernier à Jérusalem. Dans le cadre de sa tournée au Proche-Orient, Nancy Pelosi se rend ensuite en Arabie Saoudite, sa dernière étape.

Le président syrien, Bachar al-Assad, a affirmé mercredi, selon l'agence officielle Sana, que la visite à Damas de la présidente démocrate de la Chambre des représentants américains, Nancy Pelosi, envoyait un «message de dialogue et de paix (…) Le dialogue direct est à même d'éclaircir les faits et de traiter les principaux dossiers qui intéresse les deux pays et la sécurité dans la région».

Même si peu de détails ont filtré sur le contenu des entretiens, la responsable américaine devait, selon l’ambassade des Etats-Unis à Damas, discuter avec Bachar al-Assad de «plusieurs questions liées aux relations syro-américaines et régionales». La dirigeante démocrate avait notamment estimé, lundi à Beyrouth, que sa visite en Syrie était «importante» pour «engager le dialogue», notamment à propos de l'Irak et du projet de tribunal international sur l'assassinat de Rafic Hariri. Avant son entrevue avec le leader syrien, Nancy Pelosi a rencontré, séparément, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, et le vice-président, Farouk al-Chareh.

La responsable américaine, qui a entamé sa tournée au Proche-Orient samedi, à Jérusalem, avait annoncé, également, qu’elle transmettrait aux dirigeants syriens les vues d 'Israël sur le conflit israélo-arabe. Elle a affirmé, mercredi, avoir remis au président syrien un message du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, faisant part de la volonté de ce dernier d'engager avec la Syrie des négociations de paix. «La paix au Moyen-Orient est hautement prioritaire. J’ai été très heureuse que le président nous ait assuré qu'il était prêt à reprendre le processus de paix. Il est prêt à s'engager dans des négociations de paix avec Israël», a-t-elle assuré. Peu après, à Jérusalem, un responsable gouvernemental israélien a, cependant, tenu à rappeler que la Syrie devait mettre fin à son soutien aux «groupes terroristes» avant toute discussion de paix, allusion au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien.

«Des séances photos qu'Assad exploite ensuite»

Même si elle n’en a pas fait expressément mention, Nancy Pelosi a semblé justifier sa visite à Damas par les conclusions de la commission bipartite du Groupe d’études sur l’Irak, présidée par l’ancien secrétaire d’Etat, James Baker. Cette commission, dont les recommandations ont été publiées en décembre dernier, prescrivait, notamment, à l’administration Bush de reprendre des contacts avec Damas.

La Maison Blanche a immédiatement écarté cette idée, optant pour la poursuite de sa politique d’isolement à l’égard de la Syrie. Celle-ci est accusée par des rapports d’enquête onusiens d’être impliquée dans l’assassinat de l’ex-Premier ministre libanais, Rafic Hariri, ce qu’elle dément. Washington dénonce, en outre, son rôle dans la déstabilisation du Liban, mais aussi de l’Irak : Damas laisserait des insurgés y pénétrer à partir de son territoire.

Dès dimanche, la camp républicain américain faisait part de sa réprobation à l’égard de l’étape syrienne de Nancy Pelosi. «Je crois que la plupart des Américains ne pensent pas que la chef de file du parti démocrate au Congrès doive rencontrer le dirigeant d’un Etat qui soutient le terrorisme», a déclaré un conseiller de la Maison Blanche, Dan Bartlett. Le département d'Etat a essayé, en vain, de convaincre Nancy Pelosi de renoncer à ce voyage. Prenant acte de l’échec de ces efforts, le porte-parole du Département d'Etat, Sean Mac Cormack, n’a pu qu’inviter la parlementaire à la fermeté : «Nous l'encourageons à délivrer un message fort au gouvernement syrien et à lui dire de changer d'attitude sur une série de sujets».

Une porte-parole de la présidence américaine, Dana Perino, a également exprimé la désapprobation de l'administration: «Nous pensons que cela envoie le mauvais message quand des personnalités officielles américaines de haut rang vont là-bas pour des séances photos qu'Assad exploite ensuite».

Mardi, c’était au tour du président Bush en personne de critiquer cette visite, estimant qu'elle minait les efforts américains pour isoler le président Bachar al-Assad. «Nous avons dit clairement aux hauts responsables, qu'ils soient républicains ou démocrates, qu'aller en Syrie envoyait des messages contradictoires dans la région et, bien sûr, au président Assad», a-t-il déclaré.

Rééquilibrage de la politique américaine

De fait, la presse syrienne n’a pas manqué, mercredi matin, de saluer la visite de Nancy Pelosi comme une victoire diplomatique, y voyant le signe d'un rééquilibrage de la politique américaine dans la région. Cette visite «reflète la réelle possibilité d'une relance d'un dialogue profond entre Washington et Damas», affirme le quotidien du parti au pouvoir, Al-Baas. Et d’ajouter : «C'est dans cette optique que Damas accueille favorablement l'invitée américaine, tout en espérant parvenir à de nouvelles bases communes d'un dialogue qui mettrait fin à la politique des menaces et des sanctions brandie par Washington contre la Syrie».

Il faut dire que, malgré le boycott officiel décrété par la Maison Blanche, les visites de responsables américains en Syrie se sont succédé, récemment. Ainsi, dimanche, des parlementaires du Parti républicain, celui de George Bush, étaient à Damas pour délivrer au président Assad un message de fermeté. Restés sourds, eux aussi, aux recommandations de la Maison Blanche de ne pas se rendre sur place, ils n’en ont pas moins relayé les critiques de l'administration Bush, demandant l'arrêt des infiltrations de combattants anti-américains en Irak, la fin des ingérences au Liban et du soutien au Hezbollah libanais ainsi qu’au Hamas palestinien.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 04/04/2007 Dernière mise à jour le 04/04/2007 à 15:17 TU