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Palestine

Les chrétiens quittent la terre du Christ

L'intérieur de l'Eglise de la Nativité. Le nombre des chrétiens de Bethléem diminue d'année en année. 

		(Photo : AFP)
L'intérieur de l'Eglise de la Nativité. Le nombre des chrétiens de Bethléem diminue d'année en année.
(Photo : AFP)
Les chrétiens de Bethléem sont de plus en plus nombreux à prendre le chemin de l’exil. Il y a vingt ans, plus d’un habitant sur deux de Bethléem était chrétien. Aujourd’hui, Bethléem est une ville à majorité musulmane et la cité du Christ ne compte plus que 11 500 chrétiens sur 35 000 habitants, à peine 30 % de la population de la ville. Une communauté fragilisée, prise en tenaille par le durcissement de l’occupation depuis la seconde Intifada et une lutte armée palestinienne de plus en plus islamisée.

De notre correspondant à Ramallah

Les herbes folles ont poussé devant les maisons de ce quartier chrétien de Bethléem où les habitants ne sont plus. Cette zone autrefois prospère sur la route de Jérusalem est désormais coupée de la ville sainte par le mur de séparation. Les pans de béton de huit mètres de haut ont tari le flot des pèlerins et des visiteurs. Commerces et restaurants ont mis la clé sous la porte. La plupart des habitants sont partis. «Cette terre ne vaut plus rien maintenant. Regardez, c’est juste un terrain vague, se lamente Judeh Morkus, ancien ministre palestinien du Tourisme. La plupart des terrains et des biens de ce quartier appartiennent à des chrétiens qui s’en vont les uns après les autres. Quelques uns déménagent ailleurs à Bethléem. Beaucoup quittent le pays complètement». Ce notable de Bethléem constate depuis quelques années une accélération de l’exode des Palestiniens chrétiens vers l’étranger. Son propre frère, ingénieur, est parti au Canada il y a deux ans. « Hier encore, au téléphone, mon frère m’a demandé de le rejoindre au Canada, mais je ne veux pas partir. Le problème, ce sont moins les jeunes qui vont travailler quelques années à l’étranger, que les familles entières qui partent. Ceux là ne reviendront pas».

Dans son église de Beit Jala, un faubourg de Bethléem, le père George Shakhwan se dit préoccupé face à cette vague de départ. «Si vous revenez dans dix ans, vous ne trouverez peut-être plus que quelques familles chrétiennes. Ils veulent tous partir. Il n’y a pas d’avenir ici», dit-il en levant les mains au ciel. «Tout le monde pense à partir, Non pas parce qu’ils n’aiment pas leur pays, mais parce que la vie est très difficile. Il n’y pas de travail », confirme Elias Awad, dans un anglais teinté d’accent américain, en attendant le début de office sur le parvis. Cet ingénieur d’une cinquantaine d’années, de passage pour les fêtes de Pâques, a tenté sa chance en Australie avec sa femme et ses enfants. Il n’envisage plus de revenir.

L’occupation en cause

Les chrétiens ne sont pas les seuls à souffrir de l’enfermement et du chômage dans les Territoires palestiniens, mais ils partent pourtant en plus grand nombre que les musulmans. «Les chrétiens forment la bourgeoisie de la société palestinienne. La situation économique et politique touche davantage cette bourgeoisie, la classe moyenne, que les catégories plus riches ou plus pauvres, observe le père Jamal Khader, responsable du département d’études religieuses de l’université de Bethléem. Sans compter que dans chaque famille, il y a des membres qui vivent à l’étranger, en Europe ou en Amérique. Cela facilite l’émigration des chrétiens». Comme la plupart des Palestiniens chrétiens, le père Jamal Khader répugne à s’exprimer sur les tensions avec la communauté musulmane. «Il n’y a pas de persécution contre les chrétiens. Ils ne souffrent pas en tant que chrétiens, mais en tant que Palestiniens. Le problème, en un mot, c’est l’occupation».

Les raisons économiques ne sont, toutefois, pas les seules à pousser les chrétiens au départ. Les tensions religieuses existent bel et bien. Pendant l’affaire des caricatures de Mahomet, en février 2006, des églises ont été prises pour cible à Gaza et en Cisjordanie. Dans un magasin d’alcool, prés de l’Eglise de la Nativité, trois hommes d’âge mûr confient sans retenue leur rancœur à l’encontre de l'islamisation de la société palestinienne. «Les filles sont toutes voilées. Quand elles sortent dans la rue, nos filles se font traiter comme des prostituées», lance l’un deux qui dit avoir un fils à Chicago et un autre en instance de départ.

Depuis le début de la seconde Intifada, entre cinq cent et six cent familles chrétiennes ont quitté Bethléem. Si la situation dans les Territoires palestiniens continue de se détériorer, d’autres pourraient prendre le chemin du départ, rendant toujours un peu plus incertain l’avenir des chrétiens de Terre sainte.



par Karim  Lebhour

Article publié le 08/04/2007 Dernière mise à jour le 08/04/2007 à 12:09 TU