Irak
Manifestation monstre contre les Américains
Des centaines de milliers d'Irakiens se sont rassemblés, ce lundi 9 avril, dans la ville sainte chiite de Najaf, à 160 kilomètres au sud de la capitale, à l'appel de l' imam chiite radical Moqtada Sadr, qui n’est pas apparu. Aux cris de «non à l'Amérique !», les manifestants ont réclamé le départ des «occupants» et ont brûlé des drapeaux américains. Il y a quatre ans, jour pour jour, les forces américaines entraient dans le centre de Bagdad et déboulonnaient la grande statue de Saddam Hussein, symbole de la chute du régime. La Maison Blanche a minimisé la portée de ces manifestations, tandis que 13 000 membres de la Garde nationale américaine ont été prévenus de leur probable départ en Irak dès la fin de l'année.
(Photo : Reuters)
Des centaines de milliers de chiites ont scandé des slogans hostiles aux Etats-Unis, tels que «à bas Bush, à bas l’Amérique». Les manifestants s’étaient rassemblés dans la matinée à Koufa, afin de participer à cette manifestation organisée par les responsables de la milice de l’armée du Mahdi qui exige le «départ du dernier soldat américain». Des drapeaux américains et israéliens ont été peints sur le sol pour être piétinés par les manifestants. Un tract distribué par les organisateurs de la manifestation affirmait : «ces quatre années d’occupation ne nous ont rien apporté si ce n’est l’humiliation et les tracasseries quotidiennes». Les dirigeants chiites irakiens ont également fait une demande «aux peuples américain et d’Europe, qui sont des peuples qui aiment la paix et la liberté, de pousser leurs gouvernements à arrêter la torture et à faire cesser les massacres».
Des religieux sunnites ont aussi participé à la manifestation, à l’invitation des chiites. «Cette manifestation est un message d’amitié demandant à tous les Irakiens de s’unir sur un thème, le départ des occupants», a affirmé un des leaders du Parti islamique irakien, principal formation sunnite du pays. Mais le dirigeant radical chiite Moqtada Sadr n’a pas participé au rassemblent. Selon les militaires américains le jeune leader, qui n’a pas été vu en public depuis plusieurs mois, se trouverait en Iran. Cette information a été démentie par le mouvement chiite irakien et par les autorités de Téhéran. Moqtada Sadr est le fils d'un dignitaire religieux chiite très respecté, assassiné en 1999. Grâce aux associations caritatives financées par sa famille, le chef radical chiite dispose d'un fort soutien parmi les couches les plus défavorisées de sa communauté.
Une menace pour les Américains
Par l'intermédiaire de sa milice, l'armée du Mahdi, Moqtada Sadr représente, selon les Américains, l'une des principales menaces pour la stabilité et l'unité de l’Irak. En août 2004, en collaboration avec les forces irakiennes, l'armée américaine a lancé une vaste offensive à Najaf destinée à détruire les infrastructures de l'armée du Mahdi. Des centaines de combattants chiites ont été tués, avant le cessez-le-feu conclu fin 2004. Moqtada Sadr a pu faire ainsi son retour dans le jeu politique et 32 de ses partisans ont été nommés au parlement, lors des élections de 2005. Il a obtenu six portefeuilles dans le gouvernement irakien d'union nationale, dirigé par al-Maliki. Les miliciens sadristes ont pratiquement disparu de la capitale depuis février, après la mise en place par les troupes américaines et irakiennes du plan de sécurisation.
Les autorités de Bagdad ont pris des mesures de sécurité exceptionnelles, en coordination avec les dirigeants chiites de Najaf. Le porte-parole de l’armée américaine en Irak, le contre-amiral Mark Fox, a affirmé que les forces des Etats-Unis avaient «libéré l’Irak de la république de la peur de Saddam». Il a toutefois reconnu que les quatre années écoulées ont été «décevantes, frustrantes et sans cesse plus dangereuses en bien de régions de l’Irak». L’armée américaine a annoncé, lundi, la mort de dix de ses soldats pour la plupart victimes d’attentats, ce qui élève à 3 270 le nombre de militaires des Etats-Unis tués en Irak, depuis le début de l’offensive contre le régime de Saddam Hussein, en mars 2003.
Selon les organisations humanitaires, des milliers d’irakiens ont été tués, depuis le début de l’intervention militaire américaine, dans des attentats et incidents armés liés, pour la plupart, aux rivalités entre chiites et sunnites. Ces derniers ont été écartés de tous les rouages du pouvoir dès la chute de Saddam Hussein et ils attendent d'être réintégrés dans le jeu politique. Les sunnites seraient à l’origine de la plupart des attentats contre les forces américaines et irakiennes. Les observateurs soulignent que le gouvernement irakien, une coalition conduite majoritairement par les chiites, ne survit que grâce aux tractations entre les partisans du Premier ministre Nouri al-Maliki et Moqtada Sadr. Le chef du gouvernement est favorable à la présence américaine, tandis que le chef chiite radical y est absolument hostile. L’état d’insécurité qui prévaut en Irak préoccupe beaucoup les pays voisins, notamment la Turquie, la Syrie, l’Iran et l’Arabie Saoudite. Plusieurs de ces Etats sont accusés de soutenir leurs alliés en Irak, pour contenir leurs adversaires.
Des renforts pour bientôt
Quatre ans après, le succès de la nouvelle stratégie pour l'Irak du président américain George Bush reste à démontrer. Bush a annoncé, en janvier, le déploiement de 30 000 soldats supplémentaires en Irak, pour tenter de sécuriser Bagdad et mettre fin à l’escalade de violence. Il y a actuellement 145 000 militaires américains en Irak.
Le département de la Défense a annoncé, lundi, que 13 000 militaires de la Garde nationale ont été prévenus de leur probable départ pour l'Irak à partir de décembre. Il s’agit de quatre brigades de combat qui suivent actuellement des stages de préparation. La Garde nationale, qui dépend de chaque Etat américain, est habituellement mobilisée pour des opérations de maintien de l’ordre. Cette annonce semble indiquer que le retrait des troupes américaines de l’Irak n'est pas pour bientôt, une source de polémiques entre la Maison Blanche et la majorité démocrate du Congrès.
par Antonio Garcia
Article publié le 09/04/2007 Dernière mise à jour le 09/04/2007 à 12:58 TU