Irak
Blair donne le coup d’envoi au retrait britannique
(Photo : AFP)
Tony Blair y a mis les formes. C’est dans une longue communication solennelle devant les députés, à la Chambre des Communes, que le Premier ministre travailliste a annoncé la prochaine réduction des troupes britanniques présentes en Irak, le deuxième contingent étranger après les Américains. Les effectifs, essentiellement concentrés dans la région de Bassorah, bastion chiite au sud du pays, vont passer de 7 100 à 5 500. Tony Blair n’a pas livré de calendrier précis, se contentant de déclarer que ce retrait de 1 600 militaires s’effectuerait «au cours des prochains mois». Il a indiqué, toutefois, que l'armée britannique resterait présente en Irak jusqu'en 2008.
Pour justifier sa décision, Tony Blair a, notamment, invoqué la stabilisation de la situation sur place. Selon lui, l'opération Sinbad, menée conjointement avec l'armée irakienne au cours des derniers mois, et dont l’objectif était de sécuriser la ville de Bassorah, a été un succès. «A Bassorah, nous allons transférer la responsabilité aux autorités irakiennes. Le prochain chapitre y sera écrit par les Irakiens eux-mêmes».
Le Premier ministre a expliqué que le nombre de soldats britanniques serait réduit «conformément» à l'évolution de la situation et des besoins sur le terrain. «Avec le temps et en fonction, naturellement, des progrès des forces irakiennes, nous serons en mesure de réduire davantage nos troupes, peut-être en-deçà de 5 500 une fois que le palais de Bassorah [bâtiment présidentiel, au centre ville] aura été transféré aux Irakiens, à la fin de l'été».
Le rôle des forces britanniques restera l'entraînement et le soutien aux forces irakiennes, la sécurité de la frontière irako-iranienne ainsi que celle des voies d'approvisionnement. Selon Tony Blair, les militaires britanniques conserveront, également, la capacité d'opérer contre les «groupes extrémistes et soutiendront l'armée irakienne», lorsque celle-ci en fera la demande.
Un coup dur pour les Etats-Unis
Ces derniers jours, la presse et les médias britanniques avait précédé l’annonce officielle du retrait, multipliant les spéculations à ce sujet. Dimanche dernier, dans un entretien à la BBC, Tony Blair s’était refusé à confirmer le prochain retrait d’un contingent d’un millier d’hommes. Mais il avait noté le «succès» du transfert des opérations de sécurité à l’armée irakienne. Il avait, également, insisté sur le contraste entre le calme relatif régnant à Bassorah et la situation chaotique que doit affronter l’armée américaine dans la zone de Bagdad, laissant entendre que, de ce fait, l’allié américain se montrerait compréhensif. Du reste, la Maison Blanche confirmait, mardi soir, que Tony Blair avait informé George Bush.
Pour les Etats-Unis, toutefois, le prochain retrait de leur principal allié reste un coup dur. D’autant que, peu avant le discours de Tony Blair aux Communes, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, annonçait, à Copenhague, le remplacement, d'ici août prochain, du contingent terrestre danois – 470 soldats placés sous commandement britannique – par une petite unité héliportée. D’autant, également, que la Lituanie envisage, elle aussi, de retirer d'Irak, d'ici l'été, la majorité de son contingent de 50 hommes stationnés dans le sud du pays. En revanche, l’Australie ne réduira pas ses effectifs de 1 400 soldats.
Interrogée, mercredi, lors d’une visite à Berlin, la capitale allemande, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a affirmé que la coalition alliée engagée en Irak demeurait «intacte». «Les Britanniques disposeront encore de milliers de soldats dans le sud de l'Irak, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier. Il était prévu que si un transfert de responsabilité aux Irakiens devenait possible, les forces de la coalition ne seraient plus indispensables».
Mauvais sondages électoraux
Il n’empêche. Le vice-président américain, Dick Cheney, a beau saluer le retrait britannique en y voyant le signe que «les choses vont assez bien» en Irak, l’initiative de Tony Blair survient à un mauvais moment. George Bush vient, en effet, d’opter, malgré l’hostilité de l’opinion et d’un Congrès désormais à majorité démocrate, pour le déploiement d’un contingent supplémentaire de 21 500 soldats.
Mais, à Londres, la pression montait sur Tony Blair. Au pouvoir depuis 1997, le Premier ministre britannique voit s’accroître l’impopularité de sa politique irakienne. Quelque 132 soldats ont péri en Irak depuis de début de l’intervention, en 2003. Le coût financier de l’opération se fait d’autant plus lourd que le Royaume-Uni est également engagé dans la coalition internationale en Afghanistan, où le retour en force des talibans se traduit par des pertes de plus en plus régulières. Enfin, à quelques mois de la passation de pouvoir à son probable successeur à la tête du Labour, le ministre des Finances Gordon Brown, de mauvais sondages laissent présager une défaite travailliste aux élections locales du mois de mai.par Philippe Quillerier
Article publié le 21/02/2007 Dernière mise à jour le 21/02/2007 à 16:27 TU