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Timor oriental

Forte mobilisation pour la présidentielle

Les Timorais ont voté massivement, ce lundi 9 avril, pour élire leur nouveau président parmi huit candidats. Si aucun ne recueille la majorité absolue, un second tour de scrutin sera organisé. Le chef de l'Etat sortant, Xanana Gusmao, ne se représentait pas. Un demi-million d'électeurs étaient appelés aux urnes. Les résultats officiels ne seront pas proclamés avant la semaine prochaine, mais la tendance générale du vote devrait être connue dès mardi.

Devant certains bureaux de vote, on pouvait compter plusieurs centaines de personnes alignées, attendant sagement leur tour. 

		(Photo : Reuters)
Devant certains bureaux de vote, on pouvait compter plusieurs centaines de personnes alignées, attendant sagement leur tour.
(Photo : Reuters)


De notre correspondante à Dili

Passé 16 heures, la plupart des adultes que l'on croisait dans la capitale timoraise avaient l'index taché de noir : le signe qu'ils avaient bien rempli leur devoir de citoyen, puisque pour éviter les fraudes, chaque votant devait tremper son doigt dans l'encre après avoir déposé son bulletin dans l'urne. Dès 7 heures de matin, les habitants de Dili se pressaient devant les bureaux de vote. Dans certaines provinces, à la mi-journée, on pouvait compter plusieurs centaines de personnes alignées, attendant sagement leur tour.

Si le vote s'est déroulé sans événement violent, dans le calme, il n'a toutefois pas été sans problème logistique. Il faut dire que depuis les violences d'avril-mai dernier, des milliers de personnes avaient fui leur maison, particulièrement à Dili ; jusqu'à 70 000 d'entre elles sont d'ailleurs encore logées de façon précaire dans les 55 camps de réfugiés de la capitale.

Difficile, dans ces conditions, de prévoir la fréquentation des bureaux de vote : à la mi-journée, les organisateurs du scrutin ont donc dû dépêcher des hélicoptères de Dili vers les provinces afin de réapprovisionner en bulletins de vote les bureaux qui en manquaient. Quatre secteurs du pays n'ont pas pu recevoir ces bulletins à temps, et le scrutin devra, peut être, y être réorganisé.

De bons signes

Participation importante, calme dans le pays : le premier constat est encourageant pour la première élection présidentielle du Timor indépendant. Mais la population reste nerveuse, car la grande inconnue reste l'attitude des partis dont le candidat ne sera pas présent au second tour. Alors que la campagne, bien que sans incident majeur, s'est déroulée sur fond de tension, on craint que les perdants ne tiennent pas leur promesse démocratique d'accepter pacifiquement le verdict des urnes. C'est le cas de Sirina, qui habite depuis dix mois dans un camp de réfugiés. «Pour l'instant, je ne veux pas rentrer chez moi», confie-t-elle. «Il faut attendre la fin de la période électorale pour être certain que nous y serons en sécurité».

Selon les premières estimations au soir du scrutin, partielles et à prendre avec précaution, l'actuel Premier ministre, José Ramos Horta, arriverait en tête. Cet ancien diplomate, prix Nobel de la paix en 1996, a divorcé de l'actuel parti au pouvoir, le Fretilin, pour se présenter sous la bannière d'une nouvelle formation appuyée par le président sortant, le héros de l'indépendance, Xanana Gusmao. Avant même l'élection, Ramos Horta était l'un des favoris parmi les huit candidats, mais rien n'est encore joué. Le Fretilin jouit toujours d'un très grand prestige lié à son rôle de premier plan lors de la lutte pour l'indépendance, et ces liens de solidarité créés dans le maquis lors de la lutte contre l’occupation indonésienne ne s'effacent pas en quelques années. De l'autre côté, Fernando «Lasama» de Araujo, un ancien leader estudiantin pro-indépendance, séduit les jeunes par un discours qui met l'accent sur la nécessité d’apporter du «sang neuf» sur la scène politique dominée par la génération 1975, année qui marque le début de la résistance.

Lourds défis

Si le discours de Fernando «Lasama» de Araujo semble séduire, c'est parce que nombre de Timorais estiment que leurs leaders historiques, issus de la guerre d'indépendance, n'ont pas su faire leurs preuves pendant ces cinq années qu’ils ont passé au pouvoir : la pauvreté est toujours criante dans ce petit pays, qui est également passé de l'union sacrée contre l'occupant indonésien à la division. Tout le monde, réfugiés en tête, garde à l'esprit les violences d'avril qui avaient vu s'affronter Timorais de l'Est contre Timorais de l'Ouest, suite à la démission en masse de soldats qui se plaignaient de discriminations au sein de l'armée. Leur leader, Alfredo Reinado, est d'ailleurs toujours en fuite et il se cacherait dans les montagnes de l'intérieur.

Le nouveau président fera donc face à un lourd défi : sortir le Timor de la misère et cicatriser les blessures de la division. Plus encore, la période post-électorale comporte ses propres dangers, d'autant plus qu'elle précède des élections législatives qui se tiendront en juin prochain. En effet, la Constitution n'accorde au président que des pouvoirs limités, le Premier ministre étant le véritable chef du gouvernement ; la lutte pour le pouvoir s'annonce d'ores et déjà féroce.



par Solenn  Honorine

Article publié le 09/04/2007 Dernière mise à jour le 09/04/2007 à 14:36 TU