Timor-Est
Nouvelle flambée de violence
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Jakarta
«Ce regain de violence était prévisible». Olivier Langoisseux, le chef de mission d’une Ong française basée au Timor oriental, n’est «pas surpris» par les nouveaux affrontements qui secouent la capitale timoraise, Dili. Les six victimes recensées ont toutes été tuées par balles dans un quartier où se situent de nombreuses ambassades, le long d'une route menant à l'aéroport. «La tension était palpable depuis plusieurs semaines», affirme Olivier Langoisseux, joint par téléphone.
La responsabilité de l'ex-Premier ministre Alkatiri
«Les gens avaient peur que leur nom apparaisse sur la liste dressée par la Commission des Nations unies chargée d'enquêter sur les violences intervenues au printemps dernier.» Le rapport, rendu public le 17 octobre, a conclu à la responsabilité de l'ex-Premier ministre Mari Alkatiri. On lui reproche de ne pas s’être opposé à l'armement de milices. Entre les mois d'avril et juin, des factions de l’armée se sont affrontées dans les rue de la capitale. Des gangs rivaux ont profité du chaos pour se livrer à des pillages, poussant la plupart des 150 000 habitants de Dili à se réfugier dans les églises.
Début juin, 1300 soldats australiens ont débarqué dans l’île pour rétablir l’ordre, épaulés par des contingents venus de Malaisie, de Nouvelle-Zélande et du Portugal, trois pays que le gouvernement timorais a aussi appelés au secours. Le calme est revenu le mois suivant avec la démission de Mari Alkatiri. Très impopulaire, l’ancien Premier ministre a cédé sous la pression du président Xanana Gusmao qui lui reprochait son «arrogance» et sa «rigidité». Mais les partisans de Alkatiri affirment que Gusmao est manipulé par l’Australie. Selon eux, Cambera n’aurait pas digéré l’attitude de Mari Alkatiri dans la négociation des frontières maritimes qui opposent les deux pays depuis 4 ans.
Une pomme de discorde pétrolière avec l'Australie
Le détroit du Timor, objet du litige, abrite des gisements pétroliers dont l’exploitation pourrait générer des revenus estimés à 10 milliards de dollars. Les Australiens, qui ont d’abord refusé de concéder plus de 18% de royalties au Timor, ont finalement accepté de partager la donne équitablement face à l’intransigeance de Mari Alkatiri qui menaçait de bloquer toute exploitation jusqu’à ce qu’un tribunal international ait tranché le différend.
Les proches de Xanana Gusmao, dont l’épouse est australienne, réfutent ces accusations. Ils affirment que l’ancien Premier ministre n’a pas su gérer les rivalités ethniques du pays. Ils rappellent que la crise a débuté en février lorsque 600 militaires – un tiers de l'armée – ont déserté. Ils accusaient le gouvernement de favoriser les soldats lorosaes, l'ethnie majoritaire, au détriment des Loromunu. Les rebelles, qui avaient pris le maquis dans les montagnes, avaient finalement réclamé leur réintégration. Mais Alkatiri s’y était opposé et avait décrété leur mise à pied définitive en mai.
Le chef des mutins, Alfredo Reinado, s’est rendu aux soldats australiens après la démission du Premier ministre. Incarcéré, il s'est évadé le mois dernier avec 50 autres prisonniers. Il appelle depuis à une révolution du peuple contre le gouvernement du nouveau Premier ministre, le prix Nobel de la paix 1996, José Ramos Horta, un homme avec lequel il avait négocié sa reddition.
L'ONU va sans doute rester
«Cette crise est très complexe, nous n’en comprenons pas tout les ressorts», affirme un représentant des Nations unies au Timor. L’ONU a décidé de se réinstaller dans l’île. Une nouvelle mission s’est mise en place pour garantir le bon déroulement des élections, prévues en mai prochain. Le mandat de la force armée internationale s’achève à cette date. Mais il pourrait être prolongé de plusieurs années. «Les forces de sécurité timoraises sont presque totalement désintégrées», avait déclaré Jose Ramos Horta, peu après son investiture, «nous avons besoin d'une force de l'ONU pour au moins deux ans».
Le Timor a déjà été administré par les Nations unies de 1999 à 2004. Les infrastructures, que l'armée indonésienne avait entièrement détruites à son départ, ont été reconstruites. Mais la moitié des 900 000 Timorais vit toujours au-dessous du seuil de pauvreté et le taux de mortalité infantile est l'un des plus élevés au monde.
par Jocelyn Grange
Article publié le 26/10/2006 Dernière mise à jour le 26/10/2006 à 14:23 TU