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Timor-Oriental

La violence se poursuit malgré la démission d’Alkatiri

De jeunes manifestants ont lancé des pierres sur un camp de réfugiés et mis le feu à plusieurs maisons mercredi à Dili. 

		(Photo : AFP)
De jeunes manifestants ont lancé des pierres sur un camp de réfugiés et mis le feu à plusieurs maisons mercredi à Dili.
(Photo : AFP)
Des incidents violents se sont produits dans la nuit de mardi à mercredi dans la capitale est-timoraise Dili, entre partisans et adversaires du Premier ministre démissionnaire Mari Alkatiri. Le président Xanana Gusmão essaye de résoudre la crise qui a atteint ce petit pays depuis bientôt deux mois. Mais la formation d’un nouveau gouvernement semble être une tâche bien difficile.

«La situation à Dili s’est dégradée, malgré la démission du Premier ministre Mari Alkatiri lundi dernier», telle est l’opinion manifestée par des habitants de la capitale est-timoraise que nous avons pu contacter par téléphone mercredi soir. Selon les médias australiens, près de 30 maisons et magasins ont été incendiés à Dili, suite aux incidents qui ont opposé des partisans et des adversaires du chef du gouvernement démissionnaire. La maison d’Alkatiri a été attaquée par des manifestants anti-gouvernementaux, ainsi qu’un immeuble appartenant à son parti, le Fretilin-Front timorais de libération nationale. Des incidents se sont aussi produits près d’un camp où sont logées des personnes déplacées. Les forces internationales ont été appelées pour empêcher que des manifestants ne pénètrent dans ce campement. Les soldats australiens et les gendarmes portugais présents à Dili ont arrêté au moins seize personnes. 

Ces derniers incidents avaient commencé dans la journée de mardi et se sont prolongés pendant la nuit, suite aux déclarations de Mari Alkatiri à la télévision. Les studios de la radio et télévision nationale RTTL ont ensuite été attaqués par des jeunes manifestants. Lors de cette intervention, Alkatiri avait appelé ses partisans à manifester en masse à Dili, ce qui a visiblement irrité les partisans du président timorais Xanana Gusmão, lequel avait demandé la semaine dernière la démission du chef du gouvernement qui avait cessé de lui inspirer «confiance». La plupart des partisans de l’ex Premier ministre, près de 2 000 personnes, sont restés à l’extérieur de la capitale, suite à des négociations avec les forces étrangères et à l’intervention des Nations-unies. Mais les militaires australiens soulignent qu’ils ne peuvent pas empêcher les timorais de manifester.

Un Etat sans armée ni police

Outre des raisons politiques, ces incidents peuvent avoir aussi des explications «ethniques» : les habitants de la zone orientale du pays qui sont plus proches d’Alkatiri et qui s’opposent à ceux de la partie occidentale de l’île qui sont jugés plus modérés, pouvant même avoir des liens avec les Indonésiens, selon la presse australienne.

C’est ainsi qu’un bras de fer s’est installé depuis plusieurs semaines entre la présidence et le gouvernement est-timorais. Le Premier ministre a été accusé d’avoir armé des civils pour qu’ils participent à des actions violentes contre des opposants. Alkatiri a aussi été critiqué sur la façon dont il a géré la crise qui a atteint le Timor Oriental au mois d’avril, obligeant le chef de l’Etat à garantir la sécurité nationale et à faire appel à l’aide militaire internationale. Près de 2 700 soldats étrangers, notamment des militaires australiens, des gendarmes portugais, ainsi que des policiers néo-zélandais et malaisiens se trouvent depuis environ deux mois au Timor-Oriental pour garantir la sécurité interne dans ce petit pays de 970 000 habitants.

Cette crise a été attribuée initialement aux quelques 600 «déserteurs» qui s’étaient déclarés victimes de discriminations et qui avaient été expulsés des forces armées nationales Falintil. De violents incidents se sont alors produits, notamment dans la capitale, provoquant plus de vingt morts. Le Timor-Oriental est ainsi devenu un Etat sans armée ni police. Des milliers d’habitants de la capitale se sont enfuis vers les montagnes environnantes. L’arrivée des forces australiennes a pu contenir la violence urbaine.

Un choix difficile : la nomination d’un nouveau premier ministre

Le président Xanana Gusmão doit maintenant faire face à la délicate mission de choisir un nouveau chef du gouvernement. Le Fretilin de Mari Alkatiri, en tant que parti majoritaire détenant 55 des 88 sièges du parlement, voudra sûrement imposer un candidat à la succession du Premier ministre. Plusieurs noms sont ainsi avancés : le ministre du Travail Arsénio Bano ; le responsable de la Santé Rui Araujo ; ou Ana Pessoa qui est Premier ministre adjoint. 

Des Timorais que nous avons pu contacter souhaitent que le président de la République puisse charger une «personnalité indépendante» pour assumer la primature. Le nom de José Ramos-Horta le ministre des Affaires étrangères est souvent cité. Mais le prix Nobel de la paix qui n’appartient pas au parti majoritaire a déjà déclaré qu’il n’assumerait les fonctions de Premier ministre qu’à titre temporaire. Conscient de toutes ces difficultés, le président Xanana Gusmão pourrait être obligé de convoquer des élections anticipées, ce qui semble être une hypothèse bien délicate étant donné le climat de violence qui se manifeste dans le pays, notamment à Dili. Le Timor-Oriental, le plus jeune Etat indépendant de la région et le pays le plus pauvre de l’Asie, reste à la croisée des chemins.



par Antonio  Garcia

Article publié le 28/06/2006Dernière mise à jour le 28/06/2006 à TU