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Timor-Est

La justice interroge l’ancien Premier ministre

Jeudi 20 juillet : l’ancien Premier ministre timorais sort du tribunal après deux heures d’interrogatoire. Mari Alkatiri est suspecté d’avoir armé des civils pour exécuter des opposants politiques. 

		(Photo : AFP)
Jeudi 20 juillet : l’ancien Premier ministre timorais sort du tribunal après deux heures d’interrogatoire. Mari Alkatiri est suspecté d’avoir armé des civils pour exécuter des opposants politiques.
(Photo : AFP)
Mari Alkatiri, l’ancien Premier ministre accusé d'avoir armé une milice chargée de tuer ses opposants, a été entendu jeudi par la justice en qualité de «suspect». En droit timorais, ce statut est celui qui précède l’inculpation judiciaire.

De notre correspondant à Djakarta

Mari Alkatiri a répondu à la convocation du procureur général de Dili. L’ancien Premier ministre de Timor-Est avait refusé de se rendre à une première convocation, peu après sa démission en juin dernier. Mari Alkatiri est arrivé discrètement dans un tribunal protégé par des véhicules blindés australiens mobilisés pour éviter les débordements. Une cinquantaine de manifestants étaient en effet massés devant le bâtiment. Brandissant des pancartes, sur lesquels on pouvait lire des slogans tels que «Alkartiri est un traître», ils réclamaient l’emprisonnement de leur ancien dirigeant. Ce dernier est suspecté d’avoir armé des civils pour exécuter des opposants politiques.

Interrogé pendant deux heures, Mari Alkatiri n’a fait aucune déclaration à sa sortie du tribunal. Seul le procureur s’est exprimé. «Monsieur Alkatiri a été très coopératif, il a répondu à toutes les questions, il n’y a pas de problème», a-t-il déclaré. L’ancien Premier ministre a été entendu en qualité de «suspect». En droit timorais, ce statut est celui qui précède l’inculpation judiciaire. Alkartiri est donc loin d’être tiré d’affaire. Le procureur l’a laissé en liberté mais il lui a interdit de quitter la capitale dans les quinze prochains jours.

Ramos-Horta soutenu par le gouvernement australien

Le Timor-Est a sombré dans le chaos il y a trois mois quand Mari Alkatiri a limogé 600 membres des forces armées, qui comptent 1 400 hommes. Les soldats suspendus, rassemblés dans les montagnes, s'étaient plaints de discriminations. La violence s'est répandue quand des factions rivales de l'armée et de la police se sont affrontées. Des gangs ont profité du chaos pour se livrer à des pillages qui n'ont cessé qu'avec l'intervention d'une force internationale de maintien de la paix, 2 500 hommes aux trois quarts australiens. Une vingtaine de personnes ont péri et 100 000 habitants de la capitale ont trouvé refuge dans les écoles, les églises ou autour des ambassades étrangères.

Le président Xanana Gusmao, qui a réclamé et obtenu la démission de Mari Alkatiri, a nommé José Ramos-Horta à sa place. L’ancien ministre des Affaires étrangères est aussi lauréat du prix Nobel de la Paix 1996. Il l’a reçu pour sa résistance pacifique aux vingt-quatre années d’occupation militaire indonésienne (1976-1999). Respecté et populaire dans son pays, Ramos-Horta est également soutenu par le gouvernement australien. Celui-ci n’a pas pardonné à Mari Alkatiri sa pugnacité dans les négociations sur le partage des ressources pétrolières enfouis sous la mer du Timor qui sépare les deux pays.

Le paramètre «pétrole»

L'Australie avait conclu en 1989 un accord frontalier très avantageux avec l’Indonésie du général Suharto en échange de sa reconnaissance de l'annexion du Timor. Assez cyniquement, Canberra s'était retiré de la Cour internationale de justice une semaine avant la proclamation d'indépendance timoraise en 2002. Elle misait sur la durée pour que les Timorais, pris à la gorge financièrement, cèdent à ses exigences. Mais Mari Alkatiri avait joué habilement la partie en faisant des appels du pied à des compagnies pétrolières européennes. Le mouvement avait déstabilisé les Australiens en les incitant à un compromis rapide. Après avoir longtemps refusé de concéder plus de 18% de royalties au Timor, ils ont accepté de partager la donne équitablement. Les revenus de Dili sont passés ainsi de 2 milliards de dollars à près de 5 milliards.

Le nouveau Premier ministre, José Ramos-Horta, a promis de restaurer la stabilité et d’inciter les réfugiés à regagner leur maison. Mais beaucoup n'oublient pas les brutalités dont ils ont été les témoins et préfèrent rester dans les camps de fortune approvisionnés en nourriture par les Nations unies et des ONG internationales. José Ramos-Horta, qui a rencontré le Premier ministre australien John Howard en début de semaine, a reçu l’assurance que les militaires australiens resteraient au Timor quelques mois supplémentaires. Il a aussi réclamé l’arrivée d’une force de l’ONU.

«Une force de police de l'ONU pour au moins deux ans»

«Les forces de sécurité timoraises sont presque totalement désintégrées», déclare M. Horta, «nous avons besoin d'une force de police de l'ONU ; elle devra rester au moins deux ans.». Ian Martin, l'envoyé spécial de Kofi Annan à Dili, y semble aussi favorable. «La communauté internationale doit prendre conscience que le Timor-Est a besoin d'un engagement à long terme pour l'aider à surmonter ses difficultés», a-t-il déclaré devant le Conseil de sécurité. «Je suis heureux de dire que c'est aussi l'esprit des membres du Conseil de sécurité», a ajouté Ian Martin lors d’une conférence de presse donnée aujourd’hui à New York.

Le Timor-Est, ancienne colonie portugaise, annexé par l'Indonésie en 1976, a été administré par les Nations unies de 1999 à 2004. L’ONU a reconstruit les routes, les ponts et les bâtiments administratifs dévastés par les militaires indonésiens avant leur départ. Mais le pays reste le plus pauvre d'Asie. La moitié des 900 000 Timorais vit toujours au-dessous du seuil de pauvreté et le taux de mortalité infantile est l'un des plus élevés au monde.



par Jocelyn  Grange

Article publié le 20/07/2006Dernière mise à jour le 20/07/2006 à TU