Timor-oriental
Affrontements entre policiers et soldats
(Photo : AFP)
«Nous avons expérimenté une sorte de soulagement psychologique, du moins la partie de la population qui a pu assister à leur débarquement. Cela nous a permis de faire retomber une partie de la tension qui se manifestait dernièrement à Dili» - c’est ainsi que la ministre timoraise de l’Administration de l’état, Ana Pessoa, a commenté jeudi l’arrivée des troupes australiennes, dans un entretien au service portugais de RFI. En effet, la population de Dili avait été témoin, depuis trois jours, d’une série d’incidents armés d’une rare violence qui ont totalement échappé au contrôle des autorités de ce petit Etat (indépendant depuis à peine quatre ans) qui se sont senti obligées de faire appel à l’aide militaire étrangère, d’autant plus que des milliers d’habitants apeurés on dû quitter la capitale à cause de la violence qui s’est aggravée dernièrement.
Jeudi matin, avant l’arrivée des militaires australiens, des éléments des forces armées avaient encerclé la caserne de la police nationale, à Caicoli, près du palais du président de la République Xanana Gusmão, ce qui déclenché un échange de tirs. Suite à une intervention de la mission des Nations unies (Unotil) les 80 policiers se sont rendus aux militaires. Mais ces derniers qui étaient fortement armés n’ont pas respecté le cessez-le-feu et ont tiré sur les policiers désarmés qui avaient abandonné leur caserne, sous escorte de l’ONU. On déplore la mort de neuf policiers timorais et 27 blessés dont deux agents des Nations unies.
«On ne sait pas qui commande qui», c’est ainsi que le ministre de l’Intérieur, Rogério Lobato, a commenté ces incidents, selon l’agence portugaise Lusa, confirmant ainsi de façon implicite que son gouvernement avait été dépassé par cette crise qui s’est aggravée et qui ne semble pas être limitée au soulèvement de 595 militaires (près d’un tiers des effectifs totaux de l’armés timoraise) qui protestaient, depuis un mois, contre leur commandement et qui on été radiés ensuite des forces armées nationales de Timor-oriental, les Falintil.
1 300 militaires australiens attendus à Dili
Le gouvernement australien a prévu d’envoyer 1 300 hommes à Timor. Les forces d’élite débarquées jeudi ont pour mission de garantir la sécurité de l’aéroport de Dili. On attend aussi l’arrivée de navires de la marine royale d’Australie. Le premier ministre John Howard a déclaré à Canberra que le déploiement de ces effectifs va être rapide étant donné la gravité de la situation.
En 1999 les Australiens étaient déjà intervenus après les atrocités commises par des milices soutenues par l’armée indonésienne qui avait occupé l’ancienne colonie portugaise depuis 1975. Des forces néo-zélandaises, ainsi que des policiers anti-émeutes malaisiens et des gendarmes portugais sont aussi attendus à Dili au cours des prochains jours. Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en visite à Hanoï, a décidé de dépêcher un envoyé spécial à Dili, tandis que, à New York, on prévoit que Conseil de sécurité se réunisse pour analyser la situation à Timor.
Des remous politiques
Le président de la République de Timor-oriental, Xanana Gusmão, a décidé d’assumer personnellement le contrôle de la sécurité du pays, ce qui a provoqué une polémique au sein de l’exécutif de Dili au sujet des compétences des dirigeants. Un porte-parole de la présidence a souligné que le président est aussi le commandant suprême des forces de défense du pays et qu’il a l’obligation constitutionnelle de prendre ces décisions «étant donnée la détérioration de la situation dans le pays qui s’aggrave». Mais le Premier ministre Mari Alkatiri a considéré jeudi que «c’est le chef du gouvernement qui détient les compétences dans le secteur de la sécurité nationale» et il a demandé une plus grande concertation avec le chef de l’Etat. Le président a ensuite souligné qu’il est nécessaire de maintenir une coordination entre les deux pouvoirs et le ministre des Affaires étrangères, Ramos Horta, prix Nobel de la Paix, s’est senti obligé d’affirmer que la prise de position du président Gusmão n’était pas incorrecte car il n’avait pas retiré des pouvoirs au premier ministre Mari Alkatiri lequel a promis de réaliser une «enquête sérieuse au sujet des causes de la présente crise». Alakatiri qui a obtenu plus 90% des voix lors de récent congrès de son parti, Fretilin, a ajouté qu’un remaniement de son gouvernement n’est pas d’actualité.
Des habitants de Dili que nous avons pu contacter considèrent que ces évènements sont nuisibles pour la classe politique timoraise dans son ensemble, car elle n’a pas été capable de réduire la violence qui est devenue une sorte de fléau national. Ces Timorais pensent que l’appel à des troupes étrangères est une entorse à la souveraineté nationale, mais ils espèrent que les forces australiennes et des autres pays vont peut-être réussir à confisquer les grandes quantités d’armement clandestin en circulation, ce que les militaires et les policiers timorais n’ont jamais réussi à réaliser.
par Antonio Garcia
Article publié le 25/05/2006 Dernière mise à jour le 25/05/2006 à 19:27 TU