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Nigeria

Le «parrain» d’Ibadan

Les électeurs nigérians ont voté pour choisir les gouverneurs des 36 Etats ainsi que pour élire les Parlements régionaux. 

		(Photo : Reuters)
Les électeurs nigérians ont voté pour choisir les gouverneurs des 36 Etats ainsi que pour élire les Parlements régionaux.
(Photo : Reuters)
60 millions de Nigérians sont allés élire leurs gouverneurs et leurs Parlements régionaux dans les 36 Etats de la Fédération. Une semaine avant l’élection présidentielle, ce scrutin a valeur de test pour la démocratie au Nigeria. La campagne électorale a été émaillée de violences, la journée de vote également : 21 personnes ont été tuées. De nombreuses irrégularités ont été relevées par la presse nigérianne.  Les gouverneurs ont de larges pouvoirs et surtout, ils bénéficient d’une manne financière considérable redistribuée par l’Etat central. Les 36 fauteuils sont donc âprement disputés. Pour l’emporter, les candidats doivent souvent s’assurer le soutien d’influents protecteurs : les parrains en politique.

De notre envoyé spécial à Ibadan

Lamedi Adedibu est le faiseur de roi d’Ibadan. A presque 80 ans, il règne en maître sur la politique de l’Etat de Oyo (sud-ouest du Nigeria). Aucune élection ne peut être remportée sans l’adoubement du «parrain».

Chaque soir, à 18h30, Lamedi Adedibu reçoit chez lui, au pied de la mosquée noire et blanche qu’il a fait construire à l’entrée du complexe. En quelques minutes, la cour s’emplit de dizaines de personnes, des jeunes pour la plupart, arrivés dans des minibus vrombissants, toutes portes ouvertes, pour venir saluer celui que tout le monde appelle «Baba». Le patriarche est assis, un pied posé sur une table. Il contemple les liasses de billets de banque qu’il s’apprête à distribuer à la foule. Derrière lui, un domestique remue un éventail géant. «Le parrain, c’est une personne influente qui en aide d’autres à arriver au pouvoir, par une assistance financière et en assurant sa sécurité», déclare-t-il en assumant sans complexe l’appellation de «godfather (parrain)».

Il y a quelques semaines, des machines d’enregistrement sur le fichier électoral ont été retrouvées au domicile de Lamedi Adedibu. Il a expliqué qu’elles étaient entreposées provisoirement pour être acheminées en zone rurale et il n’a pas été inquiété. Le «parrain», membre influent du Parti démocratique du peuple (PDP, au pouvoir), bénéficie d’une impunité totale. Il n’a aucune fonction officielle et ne s’est jamais présenté à une élection. Mais c’est lui qui tire les ficelles.

Un protecteur exigeant

«Un parrain est souvent plus puissant que le gouverneur», explique David Uchenna, docteur en sciences politiques, en poste à l’Institut français de recherche en Afrique (IFRA, Ibadan). Rashidi Ladoja l’a appris à ses dépens. En 2003, cet ancien dirigeant de Total Nigeria, reconverti dans les affaires, se lance en politique sous la bannière du PDP. C’est Lamedi Adedibu qui finance sa campagne. Une fois élu gouverneur, il se heurte aux exigences de son protecteur. «Sa méthode, c’est le chantage», explique-t-il. «Il réclamait 2 millions de nairas par mois, comme retour sur investissement pour m’avoir soutenu».

Rashidi Ladoja n’a pas voulu partager. Et ses ennuis ont commencé. En janvier 2006, il est destitué par le Parlement régional, acquis à la cause de Lamedi Adedibu. Rashidi Ladoja conteste la procédure et la justice lui donne finalement raison en le réinstallant dans son poste de gouverneur 11 mois plus tard. Mais sa carrière politique est brisée. Le PDP le place en quarantaine et lui préfère un candidat plus docile pour l’élection du gouverneur en 2007. Avec la bénédiction du «parrain», qui met à sa disposition sa puissance financière – acquise grâce à des commissions sur tous les contrats publics de l’Etat – et son réseau de «militants».



par Sylvain  Biville

Article publié le 14/04/2007 Dernière mise à jour le 14/04/2007 à 09:08 TU