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Irak

Un mur très controversé

Pour apaiser la polémique au sujet de la construction d’un mur destiné, selon elle, à protéger un quartier sunnite de Bagdad, l’armée américaine se dit prête au «dialogue» avec le gouvernement irakien, afin d’examiner d’autres mesures de sécurité. Des responsables irakiens de tous bords s’opposent à cette initiative rappelant, à leurs yeux, l’ancien Mur de Berlin ou l’ancienne ligne verte de démarcation à Beyrouth, entre quartiers chrétiens et musulmans.
Des habitants du quartier d'Adhamiyah ont manifesté contre le projet de construction d'un mur de séparation. 

		(Photo : AFP)
Des habitants du quartier d'Adhamiyah ont manifesté contre le projet de construction d'un mur de séparation.
(Photo : AFP)

Face à l’ampleur que prenait la controverse, le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a dû intervenir. Lors d’une visite qu’il effectuait au Caire, dimanche, il  affirmé avoir demandé l'arrêt de la construction du mur d’Adhamiyah. «Je me suis opposé à la construction du mur et sa construction va s'arrêter».

Depuis le 10 avril dernier, pour tenter de juguler les violences interconfessionnelles, l’armée américaine a entrepris d’ériger des murs de protection autour de certains secteurs de la capitale irakienne, notamment autour du quartier d’Adhamiyah, une zone sunnite enclavée dans l’est de Bagdad à majorité chiite.

Les soldats acheminent, par camion entiers, des blocs de béton pour construire l’ouvrage qui pourrait atteindre, par endroit, une hauteur de 3,5 mètres sur une longueur de 5 km, selon l’état-major américain. Ce dernier affirme que cette structure vise à empêcher d'éventuels escadrons de la mort chiites de commettre des attentats pour faire fuir les sunnites du quartier, mais aussi les insurgés sunnites d'utiliser cette poche comme base pour commettre des attaques dans les quartiers chiites.

«Les partis politiques n'ont pas discuté du projet»

Contestant cette approche sécuritaire et les motifs mis en avant par l’armée américaine, des Irakiens ont fait part de leur préoccupation. Certains habitants d’Adhamiyah, interrogés par l’AFP, y voient une «ségrégation». Sur un plan politique, l'initiative a été vivement critiquée par des parlementaires irakiens. Le député Kurde Mahmoud Osmane estime qu' «ériger un mur autour d'Adhamiyah est le summum de l'échec et un pas erroné qui viole des droits de l'homme».

Pour sa part, le chef du groupe parlementaire du leader radical chiite Moqtada Sadr, Nassar al-Roubaïe, a accusé les forces américaines de construire en Irak un «Mur de Berlin». «Notre problème de sécurité n'est pas le résultat de tensions communautaires entre Irakiens, mais la conséquence de l'influence étrangère», a dénoncé ce farouche adversaire de la présence américaine. De son côté, le député Iyad al-Samarrai, du Parti islamique irakien (sunnite), a affirmé que «le gouvernement et les partis politiques n'avaient pas discuté de ce projet».

Fausses informations

Toutefois, l’opposition à cette initiative n’est pas unanime. Ainsi, le général irakien Qassim Atta a estimé que cette affaire de «barrière de sécurité avait été exagérée par les médias». Selon lui, si le Premier ministre, Nouri al-Maliki, a déclaré qu’il allait en stopper la construction, c’est qu’il a réagi à de fausses informations: «Il a dit qu'il n'accepterait pas une barrière de sécurité de 12 mètres de haut». Et l’officier irakien de prévenir que la mise en place de tels ouvrages se poursuivrait à Bagdad, comme prévu.

Un de ses homologues américains, le lieutenant-colonel Christopher Garver, s’est voulu plus conciliant : «Le gouvernement irakien et les forces multinationales sont tout à fait d'accord sur la nécessité de protéger la population irakienne. La manière d'y parvenir est toujours discutée et nous allons poursuivre le dialogue».

De son côté, le nouvel ambassadeur des Etats-Unis, Ryan Crocker, a souhaité rassurer. «Le but n'est évidemment pas de faire de la ségrégation entre les communautés», a-t-il expliqué, lundi, lors de sa première conférence de presse à Bagdad depuis son arrivée, le mois dernier. «Je pense que le plan de sécurité de Bagdad dirigé par les Irakiens et soutenu par la coalition peut nous faire gagner du temps (...) pour aboutir à ce qui doit être, au final, une réconciliation politique entre les Irakiens». Le diplomate américain a exhorté les communautés irakiennes à engager des discussions, estimant que les prochains mois seraient «décisifs» pour le pays.

Le plan de sécurité, mis en place le 14 février dernier dans la capitale irakienne pour endiguer les violences communautaires, prévoit, d'ici juin prochain, le déploiement de 80 000 soldats américains et irakiens. Pour l’instant, il reste fortement ébranlé par la récente vague d'attentats qui a fait près de 200 morts à Bagdad. Lundi, au moins 21 personnes ont été tuées dans cinq attentats à travers le pays.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 23/04/2007 Dernière mise à jour le 23/04/2007 à 14:35 TU