Irak
Un nouveau coup de semonce pour le Premier ministre
(Photo AFP)
C’est en maniant l’ironie que le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a accueilli, lundi, la démission des six ministres du courant radical de Moqtada Sadr. «Le Premier ministre salue l'annonce de son éminence Moqtada al-Sadr», indique-t-il dans un communiqué publié par son bureau. La décision du mouvement sadriste confie au Premier ministre «la tâche de sélectionner des ministres efficaces pour les postes auparavant occupés par des ministres du bloc de Sadr».
En farouches adversaires de la présence américaine en Irak, les élus du mouvement de Moqtada Sadr n’en sont pas à leur premier geste de protestation. Ils avaient déjà suspendu durant deux mois, fin 2006, leur participation au gouvernement. Il s’agissait d’un signe de réprobation après une rencontre entre le Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki, et le président américain, George Bush, en Jordanie. Lundi 9 avril, soit quatre ans, jour pour jour, après l’entrée des forces américaines dans Bagdad, des centaines de milliers d'Irakiens ont manifesté, à l'appel de Sadr, dans la ville sainte chiite de Najaf pour réclamer, à nouveau, le départ des 140 000 soldats étrangers déployés dans le pays.
A ces demandes répétées, le Premier ministre a opposé une fin de non-recevoir. Au cours d'une tournée en Asie, la semaine dernière, Nouri al-Maliki a expliqué qu’il ne voyait «pas l'utilité d'un calendrier de retrait» des troupes américaines d'Irak, soulignant que «les réussites et les victoires» sur le terrain seraient «déterminantes». Autrement dit : le gouvernement fait le maximum, en œuvrant à la mise sur pied de services de sécurité efficaces, pour hâter le départ des forces étrangères. Des propos relayés par George Bush, le chef de la Maison Blanche estimant que le nouveau plan de sécurité mis en place à Bagdad depuis deux mois commençait à «donner des résultats».
«Dans l’intérêt public des Irakiens»
En conséquence, Moqtada Sadr a mis, ce lundi 16 avril, sa menace à exécution. Le dirigeant chiite radical avait prévenu qu’il demanderait aux six ministres de sa formation de démissionner. Lors d’une conférence de presse à Bagdad, Nasser al-Roubaïe, chef de file du groupe parlementaire sadriste, a lu un communiqué expliquant ce départ du gouvernement : «Le Premier ministre se doit d'exprimer le souhait des Irakiens. Ils ont manifesté par millions pour réclamer un calendrier de retrait. Nous avons pris note du fait que la réponse du Premier ministre n'exprime pas le souhait du peuple irakien».
Affirmant que cette décision avait été prise «dans l’intérêt public des Irakiens», Nasser al-Roubaïe a ajouté que «les affaires des six ministères devront être remises aux mains du gouvernement lui-même, en espérant que ce gouvernement confiera ces responsabilités à des structures indépendantes qui veulent servir les intérêts de la population et du pays».
Bien que les ministres sadristes ne détiennent pas de portefeuilles importants, cette démission groupée apparaît comme un nouveau coup dur pour le gouvernement irakien d’union nationale, qui peine à asseoir son autorité et à endiguer la vague de violences interconfessionnelles qui secoue le pays. Avec 32 députés, le courant de Moqtada Sadr représente, en effet, le mouvement le plus important au sein de la coalition parlementaire chiite, l'Alliance unifiée irakienne (130 sièges au total). Le Premier ministre devrait maintenant procéder à un remaniement de la coalition gouvernementale.
Climat de tension politique
Toutefois, comme l’avait précisé, dès dimanche, un député sadriste, Hassan Issa al-Ighaili, le mouvement radical continuera à siéger au Parlement. Ce qui a conduit l’entourage du Premier ministre à minimiser la portée de l’événement. Réagissant à cette annonce, lundi après-midi, une conseillère du Premier ministre chiite, Mariam al-Rayis, a affirmé à l'AFP que le bloc sadriste «exerçait son droit démocratique. En dépit de nos divergences de vue, notre vision nationale est la même. Seules les méthodes d'action sont différentes».
Cette nouvelle péripétie illustre, en tout cas, le climat de tension politique qui continue de prévaloir en Irak, au sein même de la communauté chiite. Certains députés sadristes n’excluent pas, si la situation venait encore à se dégrader, un boycott des activités parlementaires au cours des prochains mois. Moqtada Sadr, dont la puissante milice, l’Armée du Mahdi, a affronté à deux reprises l’armée américaine en 2004, jouit d’une grande popularité chez les chiites de la capitale irakienne et dans le sud du pays, à forte majorité chiite. Le leader radical n’a pas été vu en public depuis plusieurs mois. Selon les Américains, il se cacherait en Iran, tandis que ses proches soutiennent qu’il est toujours en Irak.par Philippe Quillerier
Article publié le 16/04/2007 Dernière mise à jour le 16/04/2007 à 14:04 TU