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Russie

Funérailles nationales pour Boris Eltsine

Le Kremlin avait organisé des obsèques nationales pour Boris Eltsine. Les anciens présidents américains George Bush et Bill Clinton avaient fait le déplacement. 

		(Photo : Reuters)
Le Kremlin avait organisé des obsèques nationales pour Boris Eltsine. Les anciens présidents américains George Bush et Bill Clinton avaient fait le déplacement.
(Photo : Reuters)
Le premier président de la fédération de Russie (1991-1999), Boris Eltsine, a été inhumé le 25 avril dans le cimetière historique de Novodevitchi, au sud-ouest de Moscou, en présence de dignitaires étrangers dont deux ex-présidents américains. Une crise cardiaque l'a emporté le 23 avril à l’âge de 76 ans. Ce mercredi, ses funérailles ont été marquées par une journée de deuil national décrétée par le Kremlin.

De notre correspondante à Moscou

La presse nationale a décrit Boris Eltsine comme un «pionnier qui a transformé la Russie» et qui, après s’être repenti publiquement de ses erreurs, a eu le courage de quitter le pouvoir volontairement. L’opposition, à l’image du libéral Boris Nemtsov, vice-premier ministre sous Boris Elstine, demande à la population de se battre pour les libertés apportées par ce président. Car, selon elle, aujourd’hui, «il n’y a plus que la censure et la déception».

Boris Eltsine repose désormais en paix dans le cimetière le plus bucolique de la ville. Contrairement à la plupart des grands dirigeants soviétiques inhumés au pied du Kremlin, Boris Eltsine a été enterré au cimetière du monastère de Novodievitchi, sorte de «Père Lachaise» moscovite. La tombe du premier président de la Fédération de Russie, élu en 1991, côtoie désormais de grands noms de la littérature russe, comme les écrivains Anton Tchekov et Nicolaï Gogol, ou encore le compositeur Dmitri Chostakovitch. L’ancien président, qui s’est fait connaître sur la scène internationale en organisant la résistance au coup d’Etat des communistes devant la Maison Blanche en 1991, a eu droit a des funérailles nationales, mercredi, à la mi-journée, au milieu des dorures et des marbres de la cathédrale du Christ Saint-Sauveur, devenue le symbole du renouveau de la religion orthodoxe dans le pays.

De nombreux chefs d’Etat et d’anciens dirigeants sont venus rendre un dernier hommage à «celui qui a apporté la liberté» aux Russes. Parmi eux, Vladimir Poutine et sa femme, mais aussi Bill Clinton, George Bush père, le président allemand Horst Köhler... L’office des morts, qui a duré près d’une heure, a été célébré par trois métropolites du patriarcat. Boris Eltsine est ainsi le premier chef d’Etat honoré par l’Eglise orthodoxe depuis la révolution bolchevique de 1917.

Izvestia : «Un homme simple, qui a changé la vie de chacun d’entre nous»

Dès mardi après-midi et toute la matinée de mercredi, environ 20 000 Moscovites sont venus rendre un dernier hommage à leur ancien président. «C’est l’homme qui a ouvert le pays en direction de l’Europe», affirme Galina Gueorguievna, un bouquet de tulipes roses à la main. Cette retraitée, qui confie n’écouter que Radio Svadoda et la radio Echo de Moscou, pour leur liberté de ton vis-à-vis du Kremlin, confie, en baissant la voix : «je crois que ce qui l’a achevé, c’est tout ce qu’il a vu récemment à la télévision... [les manifestations de l’opposition réprimées par la force]. Je ne sais pas comment on va continuer à vivre dans ce pays».

Un peu plus loin dans la file, Andreï, économiste de 37 ans, enfonce le clou : «Boris Elstine n’a pas tout réussi, mais il a quand même fait beaucoup de choses dans le pays. Aujourd’hui, on régresse ! On avait des télévisions indépendantes, elles n’existent plus. On avait la liberté de pensée, elle a disparu ! Il n’y a plus que des gens des KGB [anciens services secrets] partout». Véronika, une étudiante en médecine de 19 ans, dit se rappeller très bien de Boris Elstine en 1991.

Honte, amertume et ressentiment

Si beaucoup de Russes saluent le rôle historique de leur ancien leader, ses funérailles ont lieu dans l’indifférence, si ce n’est le mépris, d’une grande majorité de la population. «Comment ? Caligula est mort ?», ironise un médecin russe au moment de l’annonce de sa mort. Les Russes, qui se rappellent avec amertume le penchant pour la vodka de Boris Elstine, ont eu parfois le sentiment d’être humiliés par leur président. Le monde entier gardera en effet en mémoire un Eltsine ivre mort, jouant du tam-tam avec des petites cuillères sur la tête du président kirghize, ou encore, s’emparant de la baguette d’un célèbre chef d’orchestre pour diriger les musiciens à sa guise...

Mais, parmi ces travers, ce qui a marqué la fin de la popularité du chef d’Etat a été la première guerre de Tchétchenie, de 1994 a 1996. Les Russes ne lui pardonneront pas non plus la crise économique de 1998. Sous sa présidence, le revenu par habitant a chuté de 75 %. Ce qui explique que 9 % seulement des Russes disent aujourd’hui avoir de la sympathie à son égard...



par Virginie  Pironon

Article publié le 25/04/2007 Dernière mise à jour le 25/04/2007 à 14:26 TU

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Thomas Gomart

Directeur du centre russe de l'IFRI

«Boris Eltsine restera comme l'homme politique qui a accompagné la soif politique du peuple russe.»

[24/04/2007]

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