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Guerre au Liban

Olmert et Peretz responsables «d’erreurs sévères»

Ehud Olmert, ici pris en photo dimanche 29 avril 2007 à Jérusalem.  

		(Photo : AFP/Jack Guez)
Ehud Olmert, ici pris en photo dimanche 29 avril 2007 à Jérusalem.
(Photo : AFP/Jack Guez)
Le Premier ministre israélien, son ministre de la Défense et leur ex-chef d'état-major ont été gravement mis en cause par une commission d’enquête pour l’«échec» de la guerre contre le pays du Cèdre. Le rapport de la commission Winograd accuse tout à la fois de manque de responsabilité et de prudence le pouvoir en place en Israël. Face à une opinion publique révoltée, les prochains jours vont être décisifs pour l’avenir politique d’Ehud Olmert. «Nous allons agir pour appliquer immédiatement les recommandations de la commission», a-t-il déclaré tout en affirmant, devant les députés de son parti, Kadima, qu'il refusait de démissionner.

Les médias israéliens avaient annoncé un «tsunami politique» - ils ne se sont pas trompés : la publication du rapport de la commission d’enquête gouvernementale sur les ratés de la guerre de Liban a été accablante.

«La responsabilité repose sur le Premier ministre, le ministre de la Défense et le chef d'état-major», a déclaré le président de la commission d’enquête, le juge Eliahou Winograd, lors d’une conférence de presse très attendue à Jérusalem.

Après l’audition de plus de 70 politiciens et militaires israéliens, les membres de la commission Winograd n’ont plus aucun doute : leur rapport fait état d’«erreurs sévères» à la tête du gouvernement et de l’armée lors du déclenchement et du déroulement de la guerre de l’armée israélienne contre le Hezbollah libanais, entre le 12 juillet et le 14 août 2006.

Selon l’enquête, cette guerre a été déclenchée par le Premier ministre, Ehud Olmert, sans que celui-ci ne dispose d'un plan des opérations à la hauteur de la situation. Le chef du gouvernement se serait ainsi rendu coupable d’incurie. Olmert n'avait pas un plan stratégique «correctement élaboré» lorsqu'il a lancé l'offensive terrestre, maritime et aérienne, fait remarquer le rapport à ce sujet. Plus grave encore : «Le Premier ministre a arrêté sa décision (de déclarer la guerre au Hezbollah) à la hâte malgré le fait qu'aucun plan militaire détaillé ne lui ait été soumis et sans qu'il en fasse la demande», a déclaré le juge Winograd, ce lundi, devant la foule des journalistes.

La commission d’enquête en est également venue à la conclusion que l’objectif déclaré de l’entrée en guerre – à savoir la libération des deux soldats israéliens enlevés par le Hezbollah en juillet 2006 – était «trop ambitieux et impossible à atteindre».  

Le rôle du leader travailliste, Amir Peretz, dénué d'expérience militaire, n’a pas été plus glorieux, bien au contraire : la commission d’enquête estime qu’en tant que ministre de la Défense, Amir Peretz a «échoué dans l'exercice de ses fonctions. En conséquence, sa présence à la tête du ministère de la Défense pendant la guerre a affecté la capacité d'Israël de bien répondre aux défis auxquels il était confronté».

Quand au chef d'état-major Dan Haloutz, qui avait déjà démissionné en janvier, «il a échoué dans ses fonctions de commandant en chef de l'armée et d'élément clé de la direction politico-militaire. Il a affiché des lacunes dans son professionnalisme, sa responsabilité et son jugement».

Face à ces reproches accablants, Ehud Olmert a assuré vouloir rectifier les erreurs du passé : «Nous étudierons bien évidemment vos conclusions et ferons en sorte qu'en cas de scénario de menace future contre Israël, il soit remédié aux difficultés et aux erreurs que vous évoquez», a déclaré le Premier ministre en recevant un exemplaire du rapport, en main propre, par le juge Eliahou Winograd.

Déjà vu ?

Ce signe de bonne volonté ne cache en rien les difficultés dans lesquelles se trouve le chef du gouvernement israélien – gouvernement, qui a été frappé ces derniers mois par des scandales sexuels et des affaires de corruption et qui risque d’être affaibli encore d’avantage par la publication du rapport Winograd. Même si cela semble presque impossible, vu la popularité du Premier ministre, qui a dernièrement touché le fond catastrophique de 2% d’opinion favorable.

Après la guerre au Liban, la pression de l’opinion publique israélienne avait été telle qu’Ehud Olmert n’avait d’autre choix que d’accepter, à contrecœur, la création d’une commission d’enquête, en septembre 2006. Mais au lieu d’une commission d’Etat, qui aurait été totalement indépendante, c’est une commission gouvernementale qui voit finalement le jour. C’est le Premier ministre lui-même qui nomme personnellement les membres de cette commission : deux juges, dont le président de la commission, Eliahoud Winograd, deux anciens généraux et un expert en affaires politiques.

Et pourtant, le rapport, qui n’est que la première partie d’un rapport final qui doit sortir l’été prochain, formule déjà des critiques très sévères à l’adresse des principaux responsables de l’armée et du gouvernement israéliens.     

Mais la commission gouvernementale a beau prendre des positions claires et sans ambiguïté envers le pouvoir en place, elle ne possède pas le pouvoir de limoger des responsables politiques et militaires. Cela ne l’empêche pas, en revanche, d’avoir une influence certaine sur l’avenir politique des personnalités mises en cause. Les conclusions du rapport de la commission Winograd pourraient en effet déclencher des manifestations et forcer ainsi Ehud Olmert et Amir Péretz à partir.

Même si l’entourage du Premier ministre avait encore déclaré, et ceci pas plus tard que dimanche, que le chef du gouvernement n’envisageait aucunement de démissionner mais au contraire d’affronter l’orage politique.  

Une semaine à hauts risques

Ce n’est par ailleurs pas la première fois qu’Israël se trouve secoué par un rapport sur un conflit guerrier : En 1973, la commission d’Etat, sous la direction du juge Shimon Agranat, était chargée d’enquêter sur les erreurs de l’armée et du gouvernement avant le déclenchement de la guerre du Kippour sur les fronts syrien et égyptien. Son rapport, publié le 10 juillet 1974, avait entraîné, dans un premier temps, le limogeage de hauts militaires, dont le général David Elazar et le chef des renseignements militaires, le général Eliahou Zaira. Mais l’opinion publique remontée n’avait pas voulu s’arrêter là : Des manifestations massives et incessantes avaient finalement obligé la Première ministre, Golda Méir à démissionner.

L’avenir réservera-t-il un pareil destin au Premier ministre Ehud Olmert ? Une hypothèse qui n’est, en tout cas, plus exclue par les analystes israéliens. «L’avenir de Monsieur Olmert va se jouer dans la rue, puisque c’est l’opinion publique maintenant qui va devoir décider si oui ou non ce gouvernement peut rester en place. Personne ne semble croire aujourd’hui que Monsieur Olmert pourra encore diriger ce gouvernement pendant très longtemps», estime pour sa part Claude Klein, professeur de droit constitutionnel à l'université hébraïque de Jérusalem.

Une importante manifestation appelant à la démission d’Ehud Olmert est d’ors et déjà prévue jeudi à Tel-Aviv. Lundi en fin de journée, devant les ministres de son parti, Kadima, le Premier ministre a jugé qu'il n'était «pas opportun» qu'il démissionne.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 30/04/2007 Dernière mise à jour le 30/04/2007 à 17:00 TU