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Russie-Estonie

Poutine relance la polémique et incrimine Washington

Moscou, 9 mai 2007. Vladimir Poutine a dénoncé : «<em>ceux qui profanent des monuments dédiés aux héros de la guerre.</em>» 

		(Photo : AFP)
Moscou, 9 mai 2007. Vladimir Poutine a dénoncé : «ceux qui profanent des monuments dédiés aux héros de la guerre.»
(Photo : AFP)
Dans un discours prononcé mercredi, à Moscou, pour les commémorations de la victoire de 1945 sur le nazisme, le président russe a accusé les autorités estoniennes d’avoir «profané» le monument à la mémoire des héros de la Seconde Guerre mondiale, dont le déplacement a récemment suscité un regain de tension entres les deux pays. Le chef du Kremlin a, également, dénoncé les prétentions américaines à «l’exception mondiale et au diktat», allusion au projet américain de déploiement d'un bouclier antimissile près des frontières russes, notamment en Pologne et République tchèque, deux anciens pays du glacis soviétique.

Ce mercredi 9 mai, l’ambassadeur de Russie à Tallinn, capitale de l’Estonie, a honoré la mémoire des héros de la Seconde Guerre mondiale. Il a déposé, devant le monument soviétique récemment déplacé, par les autorités estoniennes, du centre de Tallinn vers un cimetière militaire de la ville, une gerbe aux couleurs du drapeau russe rouge-bleu-blanc. «C’est un jour très optimiste, le jour de la victoire», a-t-il déclaré, ajoutant, comme pour apaiser le climat après la colère suscitée en Russie par le transfert de la statue : «Souvenons-nous de ceux qui sont morts au nom de la liberté, mais regardons aussi vers l’avenir».

Traditionnellement, c’est le 9 mai que la Russie célèbre la victoire sur le Troisième Reich, au lendemain des commémorations alliées en Europe. Le conflit contre l’Allemagne nazie a pris fin le 8 mai 1945 à 23h00, heure de Berlin, alors que c’était déjà le 9 à Moscou.

Ce décalage horaire a incidemment permis d’éviter que le diplomate russe ne rencontre, dans une ambiance tendue, le Premier ministre estonien, Andrus Ansip, qui s’était recueilli, la veille, devant le monument. L’ambassadeur du Russie avait, de toute façon, décliné l’invitation officielle des autorités estoniennes. «Nous n'allons pas nous joindre au dépôt de fleurs au cimetière militaire le 8 mai parce que pour la Russie, le Jour de la victoire, c'est le 9 mai», avait expliqué son porte-parole.

La crise diplomatique relancée

Mercredi matin à Moscou, c’est un discours autrement plus offensif qu’a tenu Vladimir Poutine. Devant quelque 7 000 militaires rassemblés sur la place Rouge, pour le traditionnel défilé du 9 mai, le président russe a d’abord fustigé les dirigeants estoniens. Sans les nommer, il a dénoncé «ceux qui profanent des monuments dédiés aux héros de la guerre». Selon le chef du Kremlin, ils «insultent leur propre peuple et sèment la discorde ainsi qu'une nouvelle méfiance entre les Etats et les populations».

Voilà donc relancée la crise diplomatique qui a éclaté entre Moscou et Tallinn, fin avril, lorsque les autorités estoniennes ont déplacé la statue controversée, laquelle rappelle aux Estoniens de souche l’occupation soviétique de leur petit pays, depuis la fin de la guerre jusqu’à l’effondrement de l’URSS en 1991, mais aussi les dizaines de milliers d’Estoniens déportés par Staline en Sibérie, dans les années 40.

Des échauffourées avait alors eu lieu, dans le centre de Tallinn, faisant un mort et plus de 150 blessés, à la suite d’une manifestation de jeunes russophones fidèles à Moscou. Ceux-ci protestaient contre ce transfert qu’ils considèrent comme une offense au sacrifice de millions de soldats soviétiques tombés durant la Seconde Guerre mondiale. Pendant ce temps, à Moscou, de jeunes militants pro-Poutine encerclaient l’ambassade d’Estonie, bloquant son accès durant trois jours.

Politique unilatérale américaine

Toutefois, ce n’est pas vers la seule Estonie que Vladimir Poutine a dirigé ses critiques. A mots couverts, là encore, il s’en est pris aux Etats-Unis. «Il faut rechercher les causes de toute guerre avant tout dans les erreurs du temps de paix et leurs racines dans l'idéologie de la confrontation et de l'extrémisme (…) Ces menaces ne diminuent pas. Elles ne font que se transformer, changer de visage. Et dans ces nouvelles menaces, comme à l'époque du Troisième Reich, il y a toujours le mépris de la vie humaine et les prétentions à l'exception mondiale et au diktat», a déclaré le président russe, dans une allusion à la politique unilatérale menée, selon lui, par les Etats-Unis, en particulier en Irak. Est également visé le projet américain de déploiement d'un bouclier antimissile près des frontières russes, notamment en Pologne et République tchèque, deux anciens pays de la sphère d’influence soviétique.

Prônant, au contraire, une approche multilatérale des problèmes mondiaux, Vladimir Poutine a estimé que «seule une responsabilité commune et un partenariat sur une base égale peuvent permettre de résister à ces défis, à toute tentative de déclencher un nouveau conflit armé et de saper la sécurité dans le monde».

Washington n’avait pas encore réagi à ces critiques, mercredi après-midi. Mais c’est dans ce climat que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, doit se rendre à Moscou, mardi, pour des entretiens avec son homologue russe, Sergueï Lavrov.

De son côté, l’Union européenne (UE) a tenu à se porter au secours de l’Estonie, qui en est devenue membre en 2004. «Nous sommes solidaires d'un pays que ne peut représenter une menace pour la grande puissance qu'est la Russie», a déclaré le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, à l'occasion d'une visite en Allemagne, actuelle présidente de l'Union.

Lui aussi de passage à Berlin, le président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, a prié Moscou de ne pas s'immiscer dans les affaires d'un pays qui «appartient à la famille européenne» et lui a, notamment, demandé de ne plus appeler à la démission du gouvernement de Tallinn. Quant au chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, il a assuré avoir informé les autorités estoniennes qu'elles n'étaient pas seules et que l'UE usait de son influence pour désamorcer la crise.



par Philippe  Quillerier

Article publié le 09/05/2007 Dernière mise à jour le 09/05/2007 à 15:50 TU

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Jean-Frédéric Saumont

Correspondant de RFI à Moscou

«Le climat n'est pas à l'apaisement entre la Russie et l'Estonie.»

[09/05/2007]

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