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Territoires palestiniens

Les violences provoquent une nouvelle crise politique

Violentes manifestations palestiniennes durant les funérailles d'un commandant des Brigades des Martyrs d'al-Aqsa, le 13 mai 2007.   

		(Photo : Reuters)
Violentes manifestations palestiniennes durant les funérailles d'un commandant des Brigades des Martyrs d'al-Aqsa, le 13 mai 2007.
(Photo : Reuters)
Le ministre palestinien de l’Intérieur, Hani al-Qawasmeh, a démissionné, lundi, après des affrontements entre militants islamistes du Hamas et partisans du Fatah du président palestinien, Mahmoud Abbas. Ces accrochages ont fait, depuis vendredi, 8 morts et une cinquantaine de blessés. Le retrait du ministre, personnalité indépendante privée de pouvoir par les luttes intestines au sein du gouvernement d’union nationale, illustre l’incapacité des factions rivales palestiniennes à s’entendre pour mettre fin au chaos sécuritaire dans la bande de Gaza. Un nouveau dispositif de sécurité va, néanmoins, être mis en place.

Dimanche 18 mars 2007, le nouveau gouvernement palestinien d’union nationale issu de l’accord conclu le 8 février à La Mecque, sous l’égide des autorités saoudiennes, tenait sa première réunion. Les regards se braquaient, alors, vers un inconnu sur la scène politique palestinienne, Hani al-Qawasmeh, titulaire du ministère de l’Intérieur, poste clé dont la tâche essentielle relevait du défi : mettre un terme aux affrontements sanglants entre les forces armées du Fatah, fidèles au président palestinien Mahmoud Abbas, et celles du Hamas, partisanes du Premier ministre, Ismaïl Haniyeh.

Hani al-Qawasmeh, un universitaire de 49 ans, sans étiquette et sans expérience politique – notamment en matière de sécurité –, avait été désigné après de longues tractations entre le Fatah et le Hamas. Les deux partis rivaux s’étaient, finalement, accordés sur son nom en raison de son absence d’implication dans leurs luttes d’influence. «Ma mission, expliquait alors Hani al-Qawasmeh au journal français Libération, est de faire en sorte que les différents services de sécurité servent les intérêts des Palestiniens. Je ne réussirai à mettre fin au chaos sécuritaire qu'avec l'aide et la coopération de toutes les institutions et factions politiques».

Deux mois plus tard, après avoir tenté plusieurs fois d’asseoir son autorité, Hani al-Qawasmeh jette l’éponge. «J'ai démissionné car je ne voulais pas d'une fonction purement décorative, a-t-il déclaré, lundi 14 mai, lors d'une conférence de presse à Gaza. Je suis arrivé à la conclusion que l'ensemble de la situation sécuritaire n'était pas gérée avec sérieux».

Mesures d’urgence

Le ministre de l'Intérieur démissionnaire ne sera donc pas parvenu à remettre de l’ordre au sein des forces de sécurité, partagées entre Fatah et Hamas. En pratique, la plupart des services sont fidèles au Fatah du président Mahmoud Abbas. Mais la Force exécutive, créée par le Hamas, constitue un puissant bras armé aux ordres du Premier ministre.

Les explications du ministre démissionnaire ont été partiellement confirmées par le porte-parole d’Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement : «Hani al-Qawasmeh demandait plus de prérogatives, ce qui ne lui a pas été accordé, a admis Ghazi Hamad. Il n'a pas été informé du déploiement des forces de sécurité, la semaine dernière, et c'est pourquoi il a démissionné».

Ismaïl Haniyeh, qui assurera l’intérim au ministère de l’Intérieur, a rapidement réuni le gouvernement, lundi, pour examiner la situation et prendre des mesures d’urgence. «Le gouvernement a décidé, aujourd'hui, de déployer dans l'immédiat les forces de sécurité sous la supervision du centre de commandement conjoint, sous le contrôle du Premier ministre Ismaïl Haniyeh», a déclaré le ministre de l'Information, Moustapha Barghouthi.

Les forces concernées comprennent des services de sécurité contrôlés par le président palestinien, Mahmoud Abbas, et ceux contrôlés par le ministère de l'Intérieur (qui relève désormais du Hamas). «Le gouvernement demande à toutes les factions, au Hamas et au Fatah en particulier, de soutenir le gouvernement et de ne pas créer d'obstacles à cet effort», a ajouté le ministre de l'Information.

Les écoles et les commerces sont restés fermés

Il faut dire que les violences inter-palestiniennes ont atteint, ce week-end, un niveau sans précédent au cours des dernières semaines. Depuis vendredi, ces heurts ont fait 8 morts, dont 4 pour la seule journée de lundi, et une cinquantaine de blessés. Selon le correspondant de l'AFP, les heurts se déroulaient, principalement, dans le quartier d'al-Nakousi, dans le nord de la ville de Gaza.

L’assassinat, dimanche, dans le nord de la bande de Gaza, d’un chef local du Fatah et de son chauffeur a décuplé la tension. Baha Abou Jarab, 32 ans, commandant pour le secteur de Beit Lahiya des Brigades des Martyrs d'al-Aqsa, un groupe armé lié au Fatah, a été criblé de balles alors qu’il rentrait chez lui. Le Fatah a attribué cette agression aux islamistes du Hamas. Ces derniers ont démenti. Cela n’a pas empêché des incidents d’éclater en plusieurs endroits du territoire palestinien. Les deux factions ont dressé de nombreux barrages dans les rues de Beit Lahiya et du camp de réfugiés voisin de Jabaliya.

De source sécuritaire, on indique que les hommes du Hamas ont ensuite mis le feu à un bureau du Fatah à Gaza. Une permanence du Hamas a, également, été incendiée par des combattants du Fatah. Lundi après-midi, des hommes armés des deux mouvements étaient toujours déployés dans les rues. Les écoles d'al-Nakousi sont restées fermées, de même que les commerces, tandis que les rues étaient quasiment désertes.

Dimanche, pourtant, des responsables du Hamas et du Fatah avaient annoncé avoir conclu, sous l'égide de médiateurs égyptiens, une trêve pour mettre fin aux violences. Le cessez-le-feu devait entrer en vigueur lundi à 00h30 (21h30 TU dimanche). Mais, à peine était-il signé qu’il volait en éclats. Vendredi, déjà, un accord similaire prévoyant le retrait des hommes armés des rues de Gaza n’avait pas été appliqué, attestant de la fragilité du nouveau dispositif en passe d’être déployé lundi soir.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 14/05/2007 Dernière mise à jour le 14/05/2007 à 14:59 TU

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Aude Signole

Professeur de sciences politiques à l'université de La Réunion, spécialiste des questions palestiniennes

«Ces violences actuelles sont liées à l’enjeu majeur qui est de savoir qui du Hamas ou du Fatah va contrôler les forces de police, donc toutes les affaires de sécurité intérieure dans les Territoires. »

[15/05/2007]

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