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UE/Russie

Avant le sommet de Samara

Le ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie et Javier Solana, le haut représentant de l'UE pour la politique extérieure, le 14 mai 2007 à Bruxelles.   

		(Photo : Reuters)
Le ministre français de la Défense Michèle Alliot-Marie et Javier Solana, le haut représentant de l'UE pour la politique extérieure, le 14 mai 2007 à Bruxelles.
(Photo : Reuters)
Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des 27 Etats membres se sont réunis, ce lundi, à Bruxelles, pour préparer le sommet de l’Union Européenne avec la Russie qui se tiendra les 17 et 18 mai prochains. Alors que les contentieux se multiplient de part et d’autre, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice est arrivée, lundi après-midi, à Moscou dans un climat tendu. Le Kremlin accuse Washington de «déstabiliser» le monde avec sa vision «unipolaire» et de vouloir relancer la course aux armements avec son projet de bouclier antimissiles.

Le sommet UE-Russie qui se tiendra jeudi et vendredi, à Samara, sur les bords de la Volga, s’annonce difficile. Le ministre allemand des Affaires étrangères, dont le pays préside l’Union européenne, s’est dit certain que «la raison l’emporterait», en dépit des tensions accumulées entre Européens et Russes, ces derniers mois. Côté européen, seuls la chancelière allemande Angela Merkel, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le Haut représentant de l’UE pour la politique extérieure Javier Solana  feront le voyage à Samara.

Les contentieux se multiplient entre Européens et Russes

«La situation est compliquée, mais dans les moments difficiles, il est d’autant plus important de se parler», a répondu Frank-Walter Steinmeier aux eurodéputés qui demandaient le report du sommet. La multiplication de contentieux concerne principalement Moscou et des Etats membres issus de l’ancienne sphère soviétique, comme l’Estonie, la Lituanie et la Pologne, entrées dans l’Union européenne en 2004. Le ministre allemand des Affaires étrangères a estimé que la présidence de l’UE, assurée par son pays, était déjà «intervenue avec succès» pour calmer la crise entre la Russie et l’Estonie, provoquée par le déplacement d’une statue à la mémoire de l’Armée rouge, à Tallinn.

Autre litige. La Lituanie dont la raffinerie de Mazeiku est privée de pétrole russe depuis dix mois, s’oppose comme la Pologne à l’ouverture de négociations avec la Russie sur un vaste accord de partenariat, a indiqué, lundi, son ministre des Affaires étrangères Petras Vaitiekunas. Les Lituaniens ont demandé l’aide de Bruxelles pour obtenir la reprise des livraisons interrompues depuis juillet 2006, en raison, selon les Russes, d’une fuite sur leur partie de l’oléoduc Droujba. Pour Vilnius cette «fuite» est suspecte, puisqu’elle est survenue après la vente de la  raffinerie de Mazeiku, seule raffinerie des pays baltes, au groupe pétrolier polonais PKN Orlen, au grand dam de Moscou qui souhaitait qu’elle revienne à une société russe.

A Samara, les dirigeants européens devraient redire au  président Poutine leurs préoccupations face à la détérioration des droits de l’homme en Russie, en évoquant notamment la répression, en avril, de manifestations d’opposants au Kremlin. Les représentants de l’UE pourraient avoir l’occasion d’assister en direct à une action de ces opposants, puisque l’opposition russe animée par l’ancien champion d’échecs Garry Kasparov appelle à une manifestation, vendredi, à Samara.

«Pas de nouvelle Guerre froide»

En amont du sommet UE-Russie, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, est arrivée lundi, en début d’après-midi, à Moscou où elle doit rencontrer son homologue russe Sergueï Lavrov. Elle s’est empressée de désamorcer la tension croissante entre Moscou et Washington suscitée par le projet de déploiement du bouclier antimissile américain, déclarant "qu’il n’y a pas lieu de parler de nouvelle Guerre froide entre la Russie et les Etats-Unis».

Lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de l’Otan, à Oslo (Norvège), les 26 et 27 avril derniers, Vladimir Poutine avait jeté un froid en déclarant un gel du traité sur les Forces conventionnelles en Europe (FCE), pour protester contre le projet de bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque. C’est le 22 janvier dernier que Washington avait créé la surprise en annonçant négocier avec Varsovie et Prague pour installer sur les territoires respectifs de ces anciens pays du bloc soviétique 10 missiles intercepteurs d’engins intercontinentaux et un radar.

Le traité FCE a été conclu en 1990 entre les 22 membres de l’Alliance de l’époque et les pays du Pacte de Varsovie après la chute du Mur de Berlin, pour parvenir à un désarmement réciproque vérifié dans le domaine conventionnel.

Depuis des semaines, le Kremlin se livre à un réquisitoire anti-américain. Il accuse Washington  de vouloir relancer la course aux armements. Les Etats-Unis  auront bien du mal à convaincre Moscou que l’installation des dix missiles intercepteurs et d’un radar ultra perfectionné ne visera pas la Russie, mais aura une fonction défensive contre des menaces émanant de l’Iran et de la Corée du Nord.

Tous les Européens ne sont pas aussi enthousiastes que la Pologne ou la République tchèque. Pour sa part, le ministre norvégien des Affaires étrangères Jonas Gahr Stoere a fait part de son scepticisme à Condoleeza Rice, déclarant «qu’il n’était pas convaincu par la menace». D’autres pays comme la Bulgarie, la Roumanie et la Grèce qui ne seraient pas couverts par le bouclier américain, ont exprimé leurs craintes.

Un autre sujet irrite Vladimir Poutine au plus haut point. Le fait que la secrétaire d’Etat américaine déplore «la concentration des pouvoirs au Kremlin» et que, au nom «du développement de la démocratie en Russie», Condoleezza Rice appelle à des «élections libres et équitables», en décembre 2007 pour les législatives, et en mars 2008 pour les présidentielles.

Une mission européenne de police en Afghanistan

L’Afghanistan était également à l’ordre du jour, ce lundi, à Bruxelles. A ce sujet, les ministres des Affaires étrangères ont eu une réunion conjointe avec les ministres de la Défense pour élaborer une politique commune en matière de sécurité en Afghanistan. Les 27 devaient donner leur feu vert aux modalités de la future mission européenne de formation de la police en Afghanistan, selon Cristina Gallach, porte-parole de Javier Solana. Le lancement du projet est prévu à la mi-juin. Les ministres ont également entériné la nomination du général de police allemand, Friedrich Eichele, à la tête de cette mission de 160 personnes. Jusqu’à présent, la formation de la police afghane incombait à l’Allemagne seule. Une quarantaine d’experts ont donné une formation initiale à 4 200 policiers et une formation continue à 12 700 autres, alors que l’Italie s’est occupée de la refonte du système judiciaire du pays.

L’envoi de cette mission destinée à mettre en place «une force de police afghane, prise en charge par les Afghans, qui respecte les droits de l’homme et fonctionne dans le cadre de l’Etat de droit», avait été approuvé dans son principe, le 12 février dernier, par les chefs de la diplomatie de l’UE.

Ce projet répond à l’appel de l’Otan à l’adresse de l’UE à s’engager davantage dans des actions civiles d’encadrement en Afghanistan, face à la recrudescence des attaques des talibans et des activités criminelles liées au trafic de l’héroïne. A ce jour, l’Otan dirige les 37 000 soldats de la Force internationale  d’assistance à la sécurité (Isaf/Fias) sous mandat de l’ONU.



par Françoise  Dentinger

Article publié le 14/05/2007 Dernière mise à jour le 14/05/2007 à 15:32 TU