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Liban

Après les combats, Nahr al-Bared se vide

Un membre de la Croix-Rouge libanaise aide une palestinienne près du camp de Nahr al-Bared, au nord du Liban. 

		(Photo : Reuters)
Un membre de la Croix-Rouge libanaise aide une palestinienne près du camp de Nahr al-Bared, au nord du Liban.
(Photo : Reuters)
Après trois jours de violents affrontements entre l’armée libanaise et les islamistes du Fatah al-Islam, le bilan est lourd : au moins 66 personnes ont trouvé la mort. A la mi-journée, pourtant, les combats ont marqué une pause, permettant ainsi aux secours de venir en aide aux réfugiés palestiniens littéralement pris au piège dans le camp de Nahr al-Bared dans le nord du Liban. Le convoi humanitaire a été pris pour cible par des nouveaux tirs. En fin de journée, on a appris que des milliers de réfugiés palestiniens ont décidé de fuir ce camp en profitant d'une trêve précaire entre l’armée libanaise et les activistes islamistes. Ils partent pour le camp de Baddaoui.

Pendant deux jours, les membres des organisations humanitaires ont attendu, tout près de Nahr al-Bared. Sur leurs camions, des vivres et des secours pour venir en aide aux quelque 34 000 civils qui se trouvent à l’intérieur du camp de réfugiés palestiniens au nord du Liban. Mardi après-midi, le moment est enfin venu : un convoi de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) ainsi que deux ambulances du Croissant-Rouge palestinien pénètrent à l’intérieur de Nahr al-Bared. Depuis que l’armée libanaise l’a encerclé et le bombarde à l’artillerie lourde, il manque de tout dans ce camp : d’eau, d’électricité, de pain, de lait, de médicaments. Au troisième jour des affrontements violents entre l’armée et des activistes du Fatah al-Islam, un groupuscule islamiste qui s’est retranché à l’intérieur de Nahr al-Bared, la situation humanitaire est devenue critique.

«L'UNRWA a réussi à faire entrer quatre camions chargés de vivres, de médicaments, de groupes électrogènes pour aider les réfugiés du camp», a annoncé un porte-parole de la mission des Nations unies sur place. Selon Youssef al Assad, responsable du Croissant-Rouge palestinien pour le nord du Liban, les deux ambulances doivent évacuer 13 blessés, parmi lesquels huit enfants et trois femmes enceintes vers le camp voisin de Baddaoui et vers d’autres hôpitaux de la région.

Si les palestiniens du camp de Nahr al-Bared voient enfin l’aide arriver, c’est parce que les extrémistes du Fatah al-Islam ont annoncé au début de l’après-midi un «cessez-le-feu unilatéral» à condition que l’armée libanaise cesse ses bombardements. Cette annonce est intervenue à la surprise générale, car encore durant la matinée, le groupuscule islamiste s’était dit déterminé à «se battre jusqu’à la dernière goutte de sang».

Dans ce contexte, l’armée libanaise a accueilli la prétendue concession des activistes avec beaucoup de scepticisme. «Nous ne sommes pas prêts à annoncer des accords car dès le départ, l'armée respecte le cessez-le-feu et nos soldats ne font que riposter aux tirs dirigés contre eux», a déclaré un porte-parole militaire. Les craintes de l’armée semblent fondées : pendant que le convoi humanitaire se déplace à l’intérieur du camp, des coups de feu d'origine inconnue sont tirés, «sans apparemment l'atteindre»,  déclare un membre du Croissant-Rouge palestinien.

Menace de soulèvement dans les camps palestiniens

La situation n’est pas seulement tendue à Nahr al-Bared : dans la plupart des onze autres camps de réfugiés palestiniens, que compte le Liban sur son terrain, l’émotion est plus que vive ce mardi.

«J'ai de la famille à Nahr al-Bared, et un de mes neveux a été blessé dans les bombardements. Nous formons un seul peuple avec les Libanais, mais nous n'allons pas laisser nos frères palestiniens se faire massacrer», lance Khalil Khaled, l’un des participants à une manifestation au camp de Baddaoui, situé à la périphérie de Tripoli. De jeunes manifestants y ont brulé des pneus et crié : «Nous sommes prêts à être les martyrs de Nahr al-Bared». Scènes similaires dans le plus grand camp de réfugiés au Liban, à Aïn Héloué dans le sud du pays, où des protestataires ont également mis le feu à des pneus et bloqué de routes.

Face à cette montée explosive au sein de la communauté palestinienne, le chef du Fatah au Liban, Sultan Aboul Aynaïn a lancé une sérieuse mise en garde à l’adresse du gouvernement libanais : «Si les bombardements se poursuivent à Nahr al-Bared, il y aura un soulèvement dans tous les camps du Liban», a-t-il déclaré avant d’ajouter : «Aucun Palestinien, et aucune faction palestinienne au Liban, n'acceptera que le peuple palestinien soit massacré dans une punition collective comme c'est le cas à Nahr al-Bared».

Un nouvel incident grave est aussi survenu à Tripoli, la deuxième ville du Liban, au nord du pays. Un membre du Fatah al-Islam, qui a été traqué par la police, s'est fait exploser dans un immeuble au centre-ville sans faire d'autre victime.

Après, en plus, les deux attentats dimanche et lundi soir à Beyrouth (dont le Fatah al-Islam renie la responsabilité) la population libanaise craint que ces violences se propagent à nouveau dans le pays.

La Syrie dément toute implication

Pendant ce temps, les Etats-Unis ont mis en garde la Syrie, bien que celle-ci nie fermement toute implication dans les troubles que connaît le Liban actuellement.

Washington  soupçonne en effet Damas de vouloir empêcher la création du tribunal spécial au Liban, pour juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.

«Nous ne tolèrerons aucune tentative de la part de la Syrie, de groupes terroristes ou de quiconque, visant à retarder ou à faire dérailler les efforts du Liban pour consolider sa souveraineté ou pour chercher à rendre la justice dans l’affaire Hariri», a déclaré ce mardi Tony Snow, porte-parole de la Maison Blanche. Des mots qui ont le mérite d’être clairs, alors que Washington dit ne pas savoir si la Syrie est vraiment pour quelque chose dans les combats meurtriers des derniers jours dans le nord du Liban. Tony Snow est en revanche convaincu que «ceux qui sont derrière ces attaques ont deux objectifs clairs : ébranler la sécurité du Liban et détourner l’attention internationale des efforts pour établir le tribunal spécial».

Les Occidentaux au Conseil de sécurité à New York ont fait circuler depuis plusieurs jours un projet de résolution, selon lequel l’Onu pourrait prendre une «décision contraignante» pour imposer la création du tribunal international afin de contrer le blocage politique de l’opposition au Liban.  

Reste à savoir quelle influence la nouvelle spirale de violence aura sur la prise de décision des membres permanents au Conseil de sécurité. La Maison Blanche se dit prête à «redoubler d’efforts» pour parvenir à l’adoption de cette résolution avant la fin du mois.



par Stefanie  Schüler

Article publié le 22/05/2007 Dernière mise à jour le 22/05/2007 à 16:21 TU