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Liban

Siniora veut imposer le tribunal Hariri

Les Occidentaux au Conseil de sécurité préparent un projet de résolution visant à imposer la création du tribunal international sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Alors que l’opposition libanaise pro-syrienne dénonce un «complot», le vote d’une «décision contraignante» à l’ONU semble imminent.


Affichage d'une image géante de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, lors de la commémoration du 1er anniversaire de sa mort, le 14 février 2006 à Beyrouth. 

		(Photo : AFP)
Affichage d'une image géante de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, lors de la commémoration du 1er anniversaire de sa mort, le 14 février 2006 à Beyrouth.
(Photo : AFP)

C’est la suite du bras de fer qui oppose au Liban la majorité gouvernementale pro-occidentale à l’opposition chiite pro-syrienne depuis plus de deux ans : pour, enfin, juger les assassins de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne veulent maintenant imposer la création du tribunal international par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies.

«Nous allons commencer des consultations et nous pensons avoir un projet de résolution au Conseil, peut-être avant la fin de la semaine», a déclaré mardi l’ambassadeur des Etats-Unis à l’Onu, Zalmay Khalilzad, avant d’ajouter : «Nous agissons à la demande du gouvernement légitime du Liban».

Lundi, le Premier ministre, Fouad Siniora, a en effet adressé une demande écrite au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon. Dans la lettre, le chef du gouvernement libanais insiste pour que le Conseil de sécurité prenne une «décision contraignante» concernant la création du tribunal. En invoquant le chapitre VII de la Charte des Nations Unis - qui prévoit la possibilité des décisions contraignantes pour les Etats - Fouad Siniora lance un véritable appel au secours : cette procédure est, pour ainsi dire, le dernier recours institutionnel qui lui  reste, dans une situation de blocage politique qui dure depuis des mois au Liban.

Une analyse visiblement partagée par le secrétaire général de l’Onu : «Après avoir exploré toutes les voies diplomatiques, je crois nécessaire que le Conseil de sécurité prenne les mesures appropriées», a estimé Ban Ki-moon.   

L’opposition libanaise met en garde contre une résolution contraignante

Cette offensive diplomatique déplaît fortement à l’opposition libanaise, proche de Damas. Après le Premier ministre, c’était donc au président libanais, Emile Lahoud, d’écrire au secrétaire général des Nation unies. Dans sa lettre, le chef d’Etat pro-syrien a déploré le fait que «Fouad Siniora tente d'immiscer les Nations unies dans les conflits interlibanais et leur demande de prendre parti pour un camp contre l'autre. L'instauration du tribunal international, en passant outre les règles constitutionnelles libanaises, servira à instrumentaliser ce tribunal et menacera la stabilité et la paix civile».

Même son de cloche côté Hezbollah qui, par la voix du député Ali Ammar, a également lancé un avertissement au Conseil de sécurité. M. Ammar accuse la majorité anti-syrienne au Liban de «comploter» afin de mettre le pays sous «tutelle» occidentale : «Gare, gare à toute instrumentalisation des institutions internationales pour semer la division et la discorde au Liban», a-t-il déclaré. 

Plus de deux ans après l’attentat, les assassins de Hariri courent toujours

Rafic Hariri est assassiné, le 14 février 2005, dans un attentat à la camionnette piégée. Vingt-deux autres personnes trouvent la mort lors de cet acte terroriste, commis à Beyrouth, capitale d’un Liban encore sous contrôle syrien.  

C’est également la Syrie qui est très vite pointée du doigt par les enquêteurs des Nation unies dépêchés sur place. Mais Damas dément avec véhémence toute implication dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais.

Pour que la lumière dans cette affaire hautement politique soit faite dans la plus grande transparence, le Conseil de sécurité de l’Onu décide le 7 avril 2005 le principe de la création d’un tribunal international. L’instance aurait pour mission de désigner et juger les assassins de Rafic Hariri. A cette fin, une convention est signée entre l’Onu et le gouvernement libanais. Pour le lancement de la création du tribunal, il manque juste la ratification de la convention par le Parlement à Beyrouth. Seulement voilà : les choses se compliquent.

A la mi-novembre de l’année dernière, tous les ministres chiites du gouvernement libanais, issus du Hezbollah et du mouvement chiite Amal, démissionnent. Ils protestent ainsi contre la ratification de cette convention qui vise à mettre en place le tribunal. Depuis, le pro-syrien Nabih Berri, président du Parlement, refuse de convoquer la Chambre pour permettre la poursuite du processus de ratification.    

Après six mois de blocage politique total, le chef du gouvernement Fouad Siniora est désormais persuadé qu’une décision contraignante du Conseil de sécurité constitue le dernier moyen pour sortir de cette impasse.

Questionnements sur la position de la Russie

Mais quelles sont les chances pour ce projet de résolution d’être adopté à l’Onu ? L’Américain David Welch, secrétaire d’Etat adjoint pour le Proche-Orient, en visite mardi et mercredi à Beyrouth, s’est montré très optimiste: «Je suis persuadé que ce tribunal verra le jour aux termes des décisions nécessaires pour l’établir de façon contraignante».

Sauf que l’adoption de la résolution au Conseil de sécurité ne dépendra pas des seuls Etats-Unis mais, avant tout, de la position de la Russie. Allié de longue date de Damas, Moscou pourrait être tentée de s’opposer à l’adoption de la résolution en utilisant son droit de véto. Le ministre russe des Affaires étrangères, Alexander Soltanov, avait évoqué, lors d’une visite à Beyrouth en avril dernier, les «réticences» de son pays concernant une telle résolution en évoquant les risques pour la stabilité du Liban.   



par Stefanie  Schüler

Article publié le 16/05/2007 Dernière mise à jour le 16/05/2007 à 15:19 TU