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Guerre en Irak

Les démocrates contraints de céder face à Bush

Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid a refusé de parler de reculade politique. 

		(Photo : AFP)
Le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid a refusé de parler de reculade politique.
(Photo : AFP)
Faute d’une majorité suffisante pour s’opposer à un veto présidentiel, les démocrates du Congrès américain ont dû renoncer à inclure un calendrier de retrait des troupes dans la loi de financement des opérations en Irak et en Afghanistan. Le texte devrait être voté d’ici la fin de la semaine. C’est l’issue, provisoire, d’une épreuve de force de plusieurs mois opposant la majorité démocrate du Congrès à l’administration Bush. Les leaders démocrates refusent de parler de marche arrière, laissant entendre qu’en échange, ils ont obtenu des concessions de la part de la Maison Blanche.

Le «bras de fer irakien» entre le président républicain George Bush et la majorité démocrate au Congrès est suspendu. Conséquence du système américain de contrôle et d’équilibre réciproques des pouvoirs (checks and balances), les élus démocrates, qui bataillaient depuis des mois pour obtenir un rapatriement des troupes américaines le 31 mars 2008 au plus tard, ont dû céder sur leur exigence d’un calendrier de retrait. Ils ne disposent pas de la majorité des deux tiers nécessaire pour imposer leurs vues. Ayant, en outre, déjà subi un veto sur une précédente loi de financement de la guerre en Irak, ils devraient débloquer rapidement les 124 milliards de dollars demandés par la Maison Blanche.

Il faut dire que politiquement, leur marge de manœuvre était mince. Un refus pur et simple ne leur était pas possible. L’opinion américaine, même si elle est désormais largement opposée à l’engagement des Etats-Unis en Irak, aurait jugé irresponsable de couper les vivres aux quelque 147 000 soldats déployés dans ce pays. Les démocrates vont donc voter les crédits et tenter de sauver la face.

Vers un texte de compromis

«Le président a très clairement indiqué qu'il ne promulguerait aucun calendrier [de retrait des troupes]», a expliqué, mardi, lors d’un point de presse, Steny Hoyer, chef du groupe démocrate à la Chambre des représentants. «Or, a-t-il ajouté, nous ne pouvons pas passer outre à son veto». Et de résumer la situation : «Nous ne pouvons rien faire sans la signature du président et le président ne peut rien passer sans notre accord».

Résultat : depuis quelques jours, les leaders démocrates du Sénat et de la Chambre des représentants mettent au point, avec des responsables de la Maison Blanche, un texte qui puisse convenir aux deux parties. «Nous sommes proches d’un accord», a précisé Steny Hoyer. Pour sa part, le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a refusé de parler de reculade politique, préférant mettre en avant, sans toutefois donné de détails, «les progrès accomplis».

Côté républicain, Mitch McConnell, le leader de la minorité républicaine au Sénat, s'est également déclaré confiant «sur la conclusion d'un processus pour financer les troupes» dans les mois à venir et sur «la signature d'un texte par le président [George Bush] qui ne contienne pas une date de capitulation».

Quant au porte-parole de la Maison Blanche, Tony Snow, il s’est réjoui par avance mardi soir. Selon lui, le texte négocié avec le Congrès fournira «le financement et la flexibilité dont nos troupes ont besoin (…) C'est ce que nous voulions depuis le début». La loi issue de cet accord, et qui concerne aussi le financement des opérations en Afghanistan, pourrait être votée d’ici la fin de la semaine, sans doute jeudi soir ou vendredi.

Une nouvelle bataille à l’automne

Qu’ont obtenu les démocrates, en échange de leur feu vert ? Concernant l’Irak, le nouveau texte inclurait des conditions incitant le gouvernement de Bagdad à progresser sur la voie de la réconciliation politique et de la sécurité, faute de quoi il se verrait privé de l’aide américaine à la reconstruction, d’un montant de 1,3 milliard de dollars. Sur le plan intérieur américain, les démocrates auraient eu gain de cause, notamment, sur un relèvement du salaire minimal, sur des mesures pour l'agriculture et sur des aides à la reconstruction des Etats du sud des Etats-Unis, durement frappés par l’ouragan Katrina en 2005.

Certains élus démocrates, et non des moindres, refusent toutefois le compromis. L’aile libérale du parti, autrement dit l’aile gauche, annonce qu’elle ne votera pas la nouvelle mouture du texte. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, a ainsi prévenu : «Je ne voterai probablement pas une loi qui n’inclurait pas un calendrier». L’ancien sénateur John Edwards, candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2008, a fait savoir, dès lundi, qu’il était «préoccupé par le fait que le Congrès s’apprête à céder au président». Selon lui, «les démocrates doivent lui tenir tête».

Cependant, compte tenu du rapport des forces parlementaires, le vote de la loi ne devrait pas poser de problème. Les démocrates favorables au texte recevront l’appui des républicains. L’objectif est désormais, pour l’ensemble des démocrates, de livrer une nouvelle bataille cet automne, lors de la nouvelle évaluation de la politique irakienne de George Bush.



par Philippe  Quillerier

Article publié le 23/05/2007 Dernière mise à jour le 23/05/2007 à 15:16 TU