Territoires palestiniens
Les membres du Hamas dans le collimateur d’Israël
(Photo : Reuters)
De notre correspondant à Ramallah
Portables fermés ou qui sonnent dans le vide, nombre de responsables du Hamas tentent de se faire discrets ces jours-ci, alors que l’armée israélienne multiplie les coups de filets contre les dirigeants du mouvement islamiste en Cisjordanie. « La situation est difficile. Il y a des arrestations en Cisjordanie et des assassinats à Gaza » susurre un employé de la mairie d’El Bireh, pour expliquer la méfiance des membres du Hamas. Il y a deux jours, le maire en exercice de cette commune voisine de Ramallah, Omar Hamayel, et son directeur financier ont été arrêtés par les soldats israéliens ainsi qu’une trentaine de responsables islamistes, parmi lesquels le ministre de l'Education, Nasseredine Al-Chaër, le ministre d’Etat, Wasfi Qabha et trois députés.
Sur la porte de la mairie, une affiche dénonce les « enlèvements » des dirigeants islamistes. « Cette arrestation n’a aucune justification. Le maire n’a aucun lien avec Gaza, ni avec la branche militaire du Hamas, pas plus que le directeur financier de la mairie. Cela ne vise qu’à paralyser le fonctionnement de la municipalité » tonne Hassan Hamada, son remplaçant tout juste désigné par le conseil municipal d’El Bireh. « Les Israéliens m’ont déjà arrêté à deux reprises. Ils savent que je ne suis pas membre du Hamas, mais maintenant que je suis maire, qui sait s’ils ne vont pas m’arrêter de nouveau » s’interroge le nouvel édile.
l'escalade militaire avec l’Etat hébreu
Pour Israël, ces opérations contre l’appareil politique du Hamas en Cisjordanie, qui s’ajoutent aux frappes aériennes à Gaza, sont une réponse aux tirs de roquettes revendiqués par le Hamas, sur la ville israélienne de Sdérot, aux abords de la bande de Gaza. Plus de deux cents roquettes sont tombés sur Sdérot et ses alentours ces dernières semaines, faisant un mort et une quinzaine de blessés et suscitant une immense colère dans l’opinion publique israélienne. «Quand on prêche la destruction d'Israël, on n'appartient plus à la classe politique et on devient un terroriste en costume, et aucun des chefs du Hamas ne bénéficie de l'immunité», a justifié le vice-ministre de la Défense israélien, Ephraïm Sneh, faisant clairement comprendre que même le premier ministre palestinien issu du Hamas, Ismaël Haniyeh, n’était pas à l’abri d’un assassinat ciblé. Une frappe aérienne a d’ailleurs visé un corps de garde prés de son domicile du camp de réfugiés de Shati, à Gaza, dans la nuit de vendredi à samedi.
Dans la mosquée Abdel Nasser, réputée proche du Hamas, au centre de Ramallah, les sympathisants islamistes approuvent les tirs de roquettes sur Israël. « Le Hamas ne doit pas suivre le chemin du Fatah et des accords d’Oslo. C’est une grande erreur. Nous aimons le Hamas des martyrs, le Hamas combattant, le Hamas de Cheikh Yassine (ancien dirigeant du Hamas, tué par l’armée israélienne en 2004, ndr). Le Hamas doit retourner dans la résistance » juge un homme d’âge mûr qui porte une barbe fournie. « De toute façon, le Hamas n’a jamais eu sa chance pour tenter de gouverner » renchérit un autre, laissant apparaître la rancœur d’une partie du Hamas contre l’absence de résultats de l’alliance avec le Fatah du président Mahmoud Abbas.
« Le Hamas a toujours été un mouvement très uni, mais depuis peu des divisions apparaissent sur la présence dans le gouvernement d’union avec le Fatah et sur la participation aux élections» explique Hani El Masri, analyste politique au Centre d’études politiques Badael de Ramallah, en anticipant une aggravation des divergences au sein du mouvement islamiste. D’où, peut-être, la tentation pour les dirigeants islamistes de jouer la carte de l’escalade militaire avec l’Etat hébreu et recouvrer ainsi sa popularité, perdue dans les affrontements interpalestiniens de ces dernières semaines avec les groupes armés du Fatah. « Les frappes à Gaza et les arrestations renforcent le Hamas, bien plus qu’elles ne l’affaiblissent. Poursuit Hani El Masri. A chaque fois que les Israéliens s’en prennent à ses dirigeants, le mouvement apparaît aux yeux de l’opinion palestinienne comme une victime de l’occupation ».
par Karim Lebhour
Article publié le 27/05/2007 Dernière mise à jour le 27/05/2007 à 09:36 TU