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Territoires palestiniens

Gaza au bord de la guerre civile

Depuis le 7 juin, Gaza est le théâtre d'un regain des affrontements interpalestiniens. 

		(Photo : AFP)
Depuis le 7 juin, Gaza est le théâtre d'un regain des affrontements interpalestiniens.
(Photo : AFP)

Le chaos s'aggrave à Gaza où les combats interpalestiniens ont fait 30 morts en 2 jours. Le gouvernement d’union nationale vacille sous les coups de boutoir des activistes adverses du Fatah et du Hamas, les partis respectifs du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et du Premier ministre, Ismaïl Haniyeh. Mardi, des tirs au mortier ont visé les bureaux de Mahmoud Abbas, le domicile d’Ismaïl Haniyeh ainsi que des quartiers généraux des forces de sécurité proches du Fatah. Accusant le mouvement islamiste de «préparer un putsch», le Fatah a annoncé une réunion d’urgence de son comité central «pour prendre une décision définitive quant à son maintien au gouvernement et au Conseil législatif». L’autorité palestinienne se délite.


Mardi, le Fatah menaçait de se retirer du gouvernement et du Parlement où le Hamas est majoritaire en limitant toutefois ses accusations «à un groupe pervers au sein de la direction du Hamas». Une mince perche peut-être tendue dans la tourmente fratricide qui a fait plus de 600 morts depuis la défaite du Fatah face au Hamas aux législatives de janvier 2006. La victoire du mouvement islamiste avait alors suscité une levée de boucliers en Israël et en Occident, entraînant la suspension du cordon ombilical que constituent les taxes douanières perçues par l’Etat hébreu au nom de l’Autorité palestinienne et l’aide extérieure.

Les Palestiniens sont «au bord de la guerre civile»

Avec cette asphyxie financière en toile de fond, des affrontements inter-palestiniens se sont faits de plus en plus violents, en particulier dans le bastion du Hamas, la bande de Gaza dont s’est retiré Israël en 2005. Mars 2007avait vu renaître l’espoir avec la formation d’un gouvernement d’union entre le Fatah et le Hamas, à l’issue d’un accord de réconciliation signé en Arabie saoudite. Mais les deux parties se sont à nouveau déchirées, notamment sur les modalités d’application d’un plan destiné à restaurer l’ordre dans les Territoires où Israël continue à poursuivre ses opérations militaires, en particulier dans la bande de Gaza, en représailles à des tirs de roquettes en direction de Sdérot et à une attaque palestinienne, en forme de tentative d’enlèvement dans le secteur du point de passage de Kissoufim, samedi.

De divergences entre factions, sur la manière de faire prévaloir un jour un Etat palestinien, plus improbable que jamais face à l’emprise grandissante d’Israël, en accrochages ponctuels et cessez-le-feu violé, la poudrière palestinienne s’est à nouveau enflammée le 7 juin dernier, faisant dire à Mahmoud Abbas, dans un discours de commémoration des quarante ans de la guerre des Six-jours, que les Palestiniens sont «au bord de la guerre civile», une victoire pour Israël. Un fossé plus sanglant que jamais se creuse en effet entre les factions palestiniennes, comme en témoignent notamment la brutalité des combats pour accéder aux positions dominantes que constituent les toits des immeubles d’où les combattants jettent leurs adversaires au sol sans autre forme de procès.

«Tout le monde tire sur tout le monde»

Autre signe de rancœurs profondes, les exécutions ciblées de personnalités, celle par exemple de Djamal al-Djedian, cofondateur des Brigades des martyrs d'al-Aksa, fidèles au Fatah, ou, dans le camp adverse, un neveu de Abdelaziz Rantissi, l'ancien chef du Hamas assassiné par Israël en 2004. Les cibles institutionnelles aussi : police, hôpital, télévision, présidence, etc. «Tout le monde tire sur tout le monde», s’affolait lundi dans le nord de la bande de Gaza un médecin de l'hôpital de Beït Hanoun interrogé par l’Agence France-Presse alors que volait en éclat la trêve négociée sous l’égide de l’Egypte pour permettre aux 70 000 étudiants de Gaza de passer leurs examens.

Comme il est d’usage en pareil cas, Hamas et Fatah s’accusent mutuellement d’avoir ouvert les hostilités et de fomenter un coup fourré. Force est de constater que les Palestiniens en paient le prix fort tandis que leurs adversaires comptent les points, Israël examinant une demande du Fatah de se faire livrer des armes et des munitions d'Egypte et d'autres Etats arabes, les Etats-Unis, qui financent la formation de la garde présidentielle d'Abbas, affirmant que la branche armée du Hamas est soutenue par l'Iran. L’isolement sinon la neutralisation du Hamas répondrait parfaitement à leurs vœux.

Un «Etat palestinien viable» plus hypothétique que jamais 

Lundi, l'Union européenne a octroyé 4 millions d'euros au ministère des Finances palestinien pour un projet destiné à améliorer sa gestion. Ce geste européen «à l'Autorité palestinienne, de manière directe, à travers le ministère des Finances», le premier depuis l’entrée du Hamas au gouvernement, vise à «aider le ministère à faire en sorte que l'argent des contribuables palestiniens soit dépensé efficacement et que toutes les dépenses répondent aux plus hauts critères internationaux». Cruel contre-temps du bailleur de fonds européen qui, pour contourner le Hamas, a participé au brouillage des circuits financiers palestiniens en faisant emprunter des chemins de traverse à ses quelque 700 millions d’euros versés en 2006. C’est en tout cas ce que soulignent la Banque mondiale et le Fonds monétaire international indiquant que «la gestion des finances publiques est devenue beaucoup plus morcelée, sans vrai cadre budgétaire, ni contrôle central».

L’office de coordination des affaires humanitaire des Nations unies (Ocha) estime pour sa part, à l’instar d’Amnesty international, que la mainmise israélienne sur la Cisjordanie où se poursuit la colonisation rend impossible la création d’un «Etat palestinien viable». Les Palestiniens attendaient une bouffée d’air de l’arrêt du boycott international que le Hamas et le Fatah espéraient briser avec leur gouvernement d’union nationale. Les fonds bloqués par Israël représenteraient quelque 600 millions de dollars. Le négociateur palestinien, Saëb Erakat, voulait croire à leur déblocage imminent. Israël traînant les pieds, un sommet prévu jeudi dernier entre le président palestinien, Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, avait été reporté. Les deux hommes devaient se retrouver fin juin en Egypte pour une réunion du Quartette international (Etats-Unis, Union européenne, Russie, Onu).



par Monique  Mas

Article publié le 12/06/2007 Dernière mise à jour le 12/06/2007 à 15:11 TU

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[12/06/2007]

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