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Pakistan

Pervez Musharraf, un président à toute épreuve

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 29/11/2007 Dernière mise à jour le 29/11/2007 à 18:03 TU

Pervez Musharraf lors de son investiture, le 29 novembre 2007.(Photo : Reuters)

Pervez Musharraf lors de son investiture, le 29 novembre 2007.
(Photo : Reuters)

Le président Pervez Musharraf a définitivement renoncé à son uniforme de général ce jeudi en prêtant serment pour un second mandat de cinq ans. Le général-président a laissé tomber son « bâton de maréchal » pour devenir un président civil. Pour marquer les esprits et le début de son mandat, le président a annoncé dans la foulée la fin de l’état d’urgence pour le 16 décembre prochain. Pervez Musharraf, sans uniforme, a choisi de tourner une page sur sa carrière militaire. Mais il demeure plus que jamais l’homme fort du pays. Jeudi soir, l'ex-Premier ministre Nawaz Sharif a annoncé qu'une alliance de partis de l'opposition avait décidé de boycotter les élections législatives et provinciales du 8 janvier et allait tenter de convaincre d'autres de les suivre.

C'est la fin d'un général et le début d'une période inédite dans l'histoire du Pakistan. Jamais un chef d'état-major des armées n'avait rendu de lui-même son uniforme pour se glisser dans un costume civil. Jamais un militaire pakistanais n'avait renoncé à l'essence de son pouvoir et à ses attributs.

C'est pourtant le choix qu’a fait Pervez Musharraf : perdre sa « seconde peau » et tirer un trait sur quarante six ans de service dans l'armée pakistanaise pour rester en place et guider son pays vers la démocratie.

Après la cérémonie d'investiture retransmise à la télévision nationale, le président Pervez Musharraf a bien promis une transition complète vers la démocratie mais « à notre façon », a-t-il lancé à tous ses détracteurs. Pour leur répondre par les actes, le président pakistanais a décidé de lever l’état d’urgence instauré le 3 novembre 2007. Ce devrait être fait le 16 décembre prochain, mettant ainsi fin à une longue polémique avec les Etats-Unis qui exigeaient depuis des semaines un retour à l’état de droit. L’annonce de la fin de ces lois d’exception renforcera, à coup sûr, le crédit de Pervez Musharraf auprès de Washington.

Amateur de whisky et de cigares

Comme ses héros politiques auxquels il se compare à l'envi – Bonaparte et Nixon –, Pervez Musharraf prouve une fois encore qu'il est capable de s’adapter aux circonstances. Depuis le 12 octobre 1999, date de son coup d'Etat, il a survécu à trois tentatives d'assassinats. Il a su se rapprocher des Américains dans la lutte contre le terrorisme et apparaître aux yeux du monde comme le dernier rempart au chaos islamiste. Parce qu’après quarante-six ans d’armée, c’est l’uniforme qui fait l’homme, Pervez Musharraf prend sûrement quelques risques en choisissant la vie civile. Mais à 64 ans, cet amateur de whisky et de cigares n’a pas l’intention de faire un grand saut dans l'inconnu.

D'abord parce que l'ancien militaire a choisi mercredi 21 novembre de rendre inattaquables toutes les décisions prises pendant l'état d'urgence. Une protection à toute épreuve qui lui assure une amnistie ! Ensuite parce que les hiérarques de l'armée ont besoin de l'ancien chef d'état-major pour préserver leurs intérêts. Au Pakistan, les militaires font aussi du « business ». Et Pervez Musharraf saura évidemment protéger les siens et leurs baronnies militaro-mafieuses.

Pour accomplir cette tâche, Pervez Musharraf n'est pas seul. Il sera secondé par un proche : le général Ashfaq Kiyani, 55 ans, ancien patron le l'ISI (Inter Service Intelligence) – les puissants services de renseignement militaires de l'armée pakistanaise – devenu mercredi le chef de l’armée. A eux deux, ils forment un tandem unique, solidaires, même si certains observateurs questionnent la solidité de leur relation. Pervez Musharraf, c’est sûr, reste le patron ; lui qui jusqu’à présent donnait tous les ordres devra seulement apprendre à composer avec un subalterne. Ashfaq Kiyani n'a pas l'étoffe d'un putschiste. Il est encore trop tôt. Pourtant, ce général cinq étoiles n'hésiterait pas à se débarrasser de Pervez Musharraf, si celui-ci devenait trop gênant sur le plan politique.

Réussir la phase de transition

Après s’être arrangé avec la Constitution, après avoir troqué son uniforme vert-olive contre un complet-veston, après avoir promis de lever l’état d’urgence, le Président Musharraf veut maintenant réussir sa reconversion.

Il n’a plus de médailles agrafées sur la poitrine. Sa casquette rehaussée d’un liseret rouge a trouvé sa place dans un placard. L’état d’urgence sera levé. Les symboles sont forts, mais ils sont sans aucun doute insuffisants pour convaincre une partie de la population qui lui est toujours hostile.

Il y a l’argument constitutionnel : Pervez Musharraf, président civil adoubé par une Cour suprême à sa botte demeure hors-la-loi. Selon la Constitution en effet, un fonctionnaire pakistanais doit attendre au minimum deux ans avant de briguer la magistrature suprême. Et puis, il y a l’argument de la rue : « Musharraf reste, quoi qu’il arrive, un dictateur ».

Pervez Musharraf a démontré à de nombreuses reprises que la loi c’était lui. Il décrète et lève quand il le veut l’état d’urgence. Et ce n’est pas une métamorphose tardive qui pourra influencer son comportement. Sa priorité demeure plus que jamais de remporter les prochaines élections du 8 janvier 2008. Une victoire lui permettrait de jeter un voile de respectabilité sur son nouveau pouvoir civil. Pour ce faire, Pervez Musharraf compte s’appuyer sur un véritable parti présidentiel le PML-Q, la Pakistan Muslim League, qu’il a créée de toute pièce en 2001.

Opposition cherche tactique

Dans l’autre camp, celui de l’opposition, Benazir Bhutto et Nawaz Sharif affûtent leurs armes. Les deux principaux opposants revenus récemment d’exil tentent en ce moment d’élaborer une stratégie politique. Leurs partis respectifs, le Pakistan People’s Party et la Pakistan Muslim League (Nawaz) doivent manœuvrer pour ne pas tomber dans le piège de l’élection. Un boycott ferme et définitif leur achèterait une vertu mais les condamnerait à cinq ans d’opposition. Une participation leur assurerait une tribune mais les forcerait à légitimer un processus électoral mis en place par Pervez Musharraf lui-même. Nawaz Sharif a finalement décidé de boycotter, Benazir Bhutto participera aux législatives « tout en protestant et en se réservant le droit de se retirer plus tard ». L’équation est à plusieurs inconnues.

Le résultat est incertain. Musharraf, Bhutto, Sharif, les trois figures principales de la scène pakistanaise jouent en tout cas leur avenir. Quelle que soit la fin de l’histoire, le scénario sera inédit.

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