Revue de presse Asie
Plus que l'investiture de Pervez Musharraf ce matin à Islamabad comme président civil désormais du Pakistan, c'est la passation de pouvoir hier à la tête de l'armée qui constitue l'événement politique majeur, pour les journaux du pays. Ce « changement de commandement » avait une « forte dimension émotionnelle » pour le général Musharraf, constate le Nation, en évoquant succinctement la cérémonie officielle de Rawalpindi, quartier général des forces armées pakistanaises. C'est bien « compréhensible », écrit l'éditorialiste du quotidien conservateur de Lahore. Après tout, pour Musharraf, 64 ans aujourd'hui, c'est « la fin d'une carrière militaire de 46 ans, dont 9 comme chef d'état-major ». Compréhensible donc que dans son allocution d'adieux, il exprime sa « passion » pour cette armée, qui a été « sa vie ». Compréhensible encore qu'il la présente, cette armée, comme le « sauveur » du pays, et comme « l'institution qui lui a donné sa cohésion ».
Personne ne doute de ce « rôle crucial » pour la sécurité du Pakistan, mais voilà : « Pendant plus de 32 ans » sur les 60 d'histoire nationale, les militaires ont aussi directement exercé le pouvoir, « en violation de leur serment » de fidélité à la Constitution. Alors, espère notre confrère, le passage de relais d'hier, c'est « l'opportunité » pour le général Kiyani, nouveau patron de l'armée, de redorer l'image de l'institution en la « maintenant strictement à l'écart de la vie politique ». L'éditorialiste de Dawn est au diapason. C'est là, effectivement, l'enjeu et l'espoir d'« une nation qui a souvent et littéralement mangé de l'herbe pour que son armée soit bien nourrie et bien équipée » pour défendre la patrie et non pour la confisquer, écrit le grand quotidien anglophone de Karachi.
Adieux à l'état d'urgence ?
La presse pakistanaise s'interroge aussi sur l'impact de la nouvelle donne militaire et présidentielle sur les élections de janvier. C'est la préoccupation N° 1 pour le Daily Times, qui aimerait bien qu'après ses adieux à l'armée, Musharraf fasse ses « adieux à l'état d'urgence », en vigueur depuis le 3 novembre. Il faut, insiste le journal, que le gouvernement de transition, qui doit être rapidement formé, puisse « garantir que les élections [du 8 janvier] soient totalement libres et justes ». Et pour ce faire, que « l'ordre constitutionnel soit donc rétabli ». Faute de quoi, écrit de son côté The News, le jeu sera évidemment faussé. Et chaque jour qui passe y contribue déjà, prévient le quotidien de gauche, qui épingle le PML-Q, le parti pro-Musharraf, qui use et abuse notamment des moyens de transport gouvernementaux pour faire campagne, alors que les autres partis « en sont encore à tenter d'obtenir le droit d'organiser des meetings ». Dérogations à l'état d'urgence, qui interdit de fait tout rassemblement public.
Sérénité indienne
La situation politique au Pakistan est, on le sait, suivie de près à Washington et aussi par l'autre puissance nucléaire d'Asie du Sud. Le voisin indien est plutôt serein, si l'on s'en réfère aux titres des articles consacrés à la crise pakistanaise, dans la presse nationale. Pour le Hindustan Times, « Musharraf rassure le Pakistan » en confirmant la date du 8 janvier pour les élections. Sa « mue en président civil du Pakistan » passe plutôt bien, pour le Hindu, qui ne s'interroge guère sur les enjeux ou la sincérité de cette métamorphose. Le Times of India est encore plus neutre en annonçant simplement que ce jeudi « Musharraf prête serment comme président civil » du Pakistan.
Réhabilitation
A Tokyo, le Asahi s'intéresse, une fois n'est pas coutume, à une histoire nippo-bolivienne. Histoire en l'occurrence de Freddy Maemura. « Né bolivien d'un père japonais (...) originaire de la région de Kagoshima », Freddy, raconte l'envoyé spécial du Asahi à La Paz, est mort en août 1967. « Abattu, à l'âge de 25 ans », par l'armée bolivienne. Freddy Maemura était « un compagnon de guerrilla de Che Guevara », lui-même capturé et tué deux mois plus tard. Pourquoi revenir sur cette histoire ? Parce que depuis 40 ans, explique le Asahi, « le jeune médecin, formé à Cuba, est considéré comme un traître à sa patrie bolivienne » et parce qu'à la faveur de l'élection l'année dernière du président Evo Morales, « homme de gauche et premier chef d'Etat indien du pays », les efforts de sa famille pour sa réhabilitation progressent. En septembre 2006, huit mois après la victoire de Morales, la sœur de Freddy, Mary, 69 ans, ancienne journaliste, a pu publier à la Paz l'histoire de son frère. Une biographie intitulée « le Samouraï de la Révolution », qui décrit le cheminement politique, les rencontres et donc l'engagement dans la lutte armée de Freddy. Et puis, ajoute le Asahi, cette quête de reconnaissance suscite aussi une curiosité des enfants de Mary pour le Japon. L'aîné, Hector, avocat à La Paz, espère faire bientôt le voyage vers l'archipel, où il voudrait faire traduire et publier l'aventure tragique de son oncle.
par Alain Renon
[29/11/2007]
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