par Julie Lerat
Article publié le 03/12/2007 Dernière mise à jour le 03/12/2007 à 17:56 TU
Le président vénézuélien Hugo Chavez tient dans sa main gauche, une copie de la Constitution ; dans l'autre, le projet de réforme.
(Photo : Reuters)
Hugo Chavez savait la victoire incertaine. Mais quel crédit accorder à des sondages défavorables quand rien, jusqu’ici n’avait ébranlé le président vénézuélien ? Ni les urnes, ni la rue, ni les pressions extérieures, ou même le coup d’Etat manqué contre lui en avril 2002, ne l’avaient fait vaciller. Certes, la défaite s’est jouée à quelques dixièmes de points, environ 49% en faveur du « oui », et 51% pour le « non ». Mais elle est douloureuse pour Hugo Chavez, chantre de la révolution bolivarienne, leader le plus radical de la gauche latino-américaine, qui avait mis tout son poids et son charisme dans la balance.
« C’est une défaite personnelle pour le président, parce qu’il a fait de ce référendum un plébiscite, et qu’il a dit qu’il avait rédigé le projet de réforme de sa propre main », a commenté Margarita Lopez Maya, l’une des premières intellectuelles pro-Chavez à avoir critiqué la réforme constitutionnelle. Hugo Chavez, qui avait remporté l’élection présidentielle de décembre 2006 avec près de 63% des voix, doit faire face à son premier échec électoral depuis son arrivée au pouvoir, en 1999.
Le président ne renonce pas à sa réforme
Depuis le palais présidentiel de Miraflores, le président vénézuélien a reconnu sa défaite peu après l’annonce officielle du Conseil national électoral, qualifiant les résultats du référendum « d’irréversibles ». Mais selon ses mots, sa proposition de réforme reste « d’actualité ». La défaite n’est que « pour l’instant », a relativisé Hugo Chavez. Loin de se montrer affaibli par le camouflet que lui a infligé son électorat, le président veut croire que les Vénézuéliens lui accordent toujours leur confiance. Parmi ceux qui avaient voté pour lui lors des dernières présidentielles, près de 3 millions d’électeurs se sont cette fois abstenus. Mais pour le président vénézuélien, ces personnes « continuent de soutenir la révolution », même s’il concède que les raisons de cette abstention (plus de 44%) sont à chercher dans ses propres rangs.
Dans l’un de ces élans lyriques qui lui sont chers, Hugo Chavez a déclaré : « Pour l’instant, nous n’avons pas réussi ». Une phrase qui n’est pas choisie au hasard, puisqu’il l’avait déjà prononcée, en 1992. A l’époque, le jeune Chavez avait fomenté un coup d’Etat – manqué - contre le président Carlos Andres Perez. Avec cette référence, qui retentit dans les esprits des vénézuéliens, Hugo Chavez signifie qu’il persistera jusqu’au bout.
Au lendemain de cette défaite, la question est précisément de savoir jusqu’où le président du Venezuela pourra aller. Sa réforme constitutionnelle aurait pu faire de lui un président à vie, et renforcer ses pouvoirs, notamment en cas de crise. Mais avec cet échec, la Constitution de 1999 reste en vigueur : elle limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Il reste donc cinq ans à Hugo Chavez avant de quitter le pouvoir. Cinq ans, qu’il pourrait mettre à profit pour tenter à nouveau de modifier la Constitution, lui qui bénéficie toujours de la majorité au Parlement.
Une leçon de démocratie
Dans les rues de Caracas, les étudiants, noyau dur de l’opposition à la réforme constitutionnelle, ont laissé exploser leur joie en chantant et en lançant des pétards. Les leaders de l’opposition, eux, ont félicité les Vénézuéliens pour leur civisme. A l’image de Raul Baduel, ex-ministre de la Défense et compagnon de route de Chavez jusqu’en novembre dernier. Il a salué ses concitoyens qui, « comme un soldat, ont manifesté de manière civique et démocratique, en évitant les affrontements ». Pour Manuel Rosales, ex-candidat à la présidence et adversaire d’Hugo Chavez, « c’est le Venezuela qui a gagné ». Loin de narguer le président, il l’a appelé à « ouvrir la voie du dialogue », pour « mettre un terme aux luttes de personnes, aux persécutions, et aux discours violents ». Un geste d’apaisement, alors que les divisions au sein de la société vénézuélienne se sont cristallisées autour du débat sur le référendum.
Le bon déroulement du scrutin a été souligné par de nombreux observateurs. L’eurodéputé Willy Meyers, qui s’était rendu sur place, a félicité les Vénézuéliens. « C’est une leçon de démocratie de la part des autorités électorales », qui ont donné les résultats dans la « transparence ».Willy Meyers a également salué le président vénézuélien, insistant sur le fait qu’il avait rapidement accepté la victoire du « non », et géré le processus électoral de manière « logique, tranquille, démocratique ». Jusqu’en Espagne, où la cote de popularité d’Hugo Chavez est au plus bas, les hommes politiques reconnaissent que le scrutin s’est déroulé sans entraves. Les institutions ont « bien fonctionné », d’après Diego Lopez Garrido, porte-parole du Parti socialiste espagnol, qui espère malgré tout qu’Hugo Chavez « saura tirer les leçons nécessaires de son échec ».
Plus ferme, le porte-parole de la droite espagnole considère comme « un motif d’énorme de satisfaction pour tout démocrate que le président vénézuélien ait connu un revers et une défaite aussi nets ». Eduardo Zaplana a souhaité que cet échec marque le début « d’une étape de déclin » du chavisme. Un pouvoir qui montre des « signes d’usure évidents », selon le quotidien argentin Clarin, pour qui la manne pétrolière et la violence des discours politiques ne suffisent plus à rallier les Vénézuéliens.
Le quotidien bolivien El Mundo, lui, titre : « Bush l’emporte sur Chavez ». Une réponse au slogan du président vénézuélien pendant la campagne sur le référendum : « Celui qui vote pour le « non », vote pour Bush ». La rhétorique anti-américaine du président vénézuélien ne semble plus suffire à mobiliser les électeurs. Hugo Chavez apparaît donc plus fragile sur la scène internationale, à l’issue de cet échec. A Washington, la porte-parole de la Maison Blanche, Dana Perino, a estimé que la défaite de Chavez était « de bon augure » pour la liberté dans le pays. Au département d’Etat, le porte-parole Sean McCormack a déclaré que la victoire du « non » est « un message des Vénézuéliens disant qu’ils ne veulent pas que leur démocratie et leurs institutions démocratiques soient davantage érodées ».
Audio
« Chavez a fait contre mauvaise fortune bon coeur, dès l'annonce des résultats. »
03/12/2007 par François Meurisse
Sur le même sujet