par Laurent Correau, Sonia Rolley
Article publié le 04/12/2007 Dernière mise à jour le 04/12/2007 à 21:23 TU
De violents combats ont eu lieu dans le massif de Kapka, dans la région de Biltine à l'est du Tchad.
(Carte : Latifa Mouaoued/RFI)
Samedi 1er décembre, jour de fête nationale. Idriss Deby, qui jusque-là était resté au front pour diriger les opérations contre les rebelles de l’UFDD (Union des Forces pour la démocratie et le développement), fait une apparition éclair dans la capitale. Sur la frontière avec le Soudan, à l’Est, le RFC (Rassemblement des Forces pour le Changement) de Timane Erdimi se met en mouvement. Ses troupes passent par la localité d’Iriba, tôt le matin, et descendent sur la route de Biltine.
Elles s’installent à Kalaït. « C’est la route de ravitaillement qui vient de Libye, les rebelles avaient certainement besoin de carburant », estime un officier de l’armée tchadienne sous couvert d’anonymat. A Ndjamena, certains officiels croient en la possibilité d’une solution négociée au sein de « la famille », au vu des déclarations du chef rebelle.
« Si le gouvernement tchadien veut négocier avec nous, nous sommes toujours dans la droite ligne des accords du 25 octobre ».
« Si Timane pense qu’il veut la paix, il n’a qu’à se remettre en cause et rentrer ».
Dimanche, les rebelles quittent Kalaït en direction de la frontière soudanaise. Certains officiers tchadiens sont persuadés qu’ils vont traverser la frontière et repartir au Soudan. Les combats s’engagent au sol lundi, aux environs de 9h30 (heure locale) à proximité du massif montagneux de Kapka. Ils se poursuivent jusqu’à la mi-journée.
Qui a tiré le premier ? Difficile à dire. Les rebelles affirment avoir été attaqués par l’armée. Plusieurs sources militaires tchadiennes déclarent que les hommes de Timane Erdimi leur auraient en fait tendu une embuscade dans un ouadi. Quant au bilan, si les rebelles affirment avoir mis en déroute l’armée tchadienne, récupéré plusieurs dizaines de véhicules et fait de nombreux prisonniers, notamment des hauts gradés, le gouvernement tchadien dit, quant à lui, qu’il aurait encerclé les hommes de Timane Erdimi qui se sont réfugiés dans le massif montagneux de Kapka.
Timan Erdimi, président du Rassemblement des forces pour le changement, à la frontière Tchad-Soudan, il y a quelques mois, sous l'oeil vigilant d'un rebelle du RFC.
(Photo : Laurent Correau/RFI)
Les combats de ce mardi, ont - de loin - été les plus longs depuis la reprise des hostilités il y a 8 jours : près de 12h d’échanges de tirs, avec deux phases d’offensives de l’armée tchadienne. Vers 5h00, les militaires gouvernementaux ont lancé la première attaque pour l’essentiel par la sortie ouest du massif de Kapka, qui mène à Kalaït. Courte phase d’accalmie aux environs de 9h, avant que l’armée ne renvoie des renforts et relance les combats. A la mi-journée, on ne parlait plus que d’échanges de tirs sporadiques. Puis les forces gouvernementales ont lancé une seconde offensive aux environs de 14h, cette fois-ci par l’une des sorties est du massif, qui mène à Guéréda.
Les combats ne se sont achevés qu’à la tombée de la nuit, figeant ainsi les positions de chacun. Les rebelles du RFC, depuis l’intérieur du massif de Kapka, clament leur victoire, puisqu’ils déclarent avoir repoussé toutes les offensives du gouvernement et saisi de nombreux véhicules. L’armée tchadienne, quant à elle, affirme encercler les rebelles, en bloquant les quatre sorties de la montagne. Selon elle, ce n’est qu’une question de temps avant que les forces gouvernementales ne délogent complètement le RFC.Des affrontements qui divisent le clan Bideyat
Cette nouvelle vague d’affrontements déchire le sous-clan des Bideyat, qui appartient au clan Zaghawa, celui du président Deby Itno. Timane Erdimi, le chef du RFC est le neveu d’Idriss Deby. Le RFC, lui, est formé en grande partie de militaires qui avaient fait défection à partir d'octobre 2005 à la suite de conflits entre Bideyat sur la gestion du pouvoir...
Sur le champ de bataille ce sont donc régulièrement des parents qui s’affrontent. Lundi soir, Timane Erdimi déclarait ainsi avoir fait prisonnier l’un des neveux du président. Il a aussitôt dû reconnaître que c’était aussi l’un de ses très proches. « J'ai des cousins qui font partie du RFC... d'autres qui font partie des forces gouvernementales et qui se sont fait arrêter lundi sur le champ de bataille », explique un membre de la communauté Bideyat.
Les rebelles disent que ce partage des membres du clan entre rébellion et gouvernement leur a parfois permis d'obtenir du renseignement militaire. Ils disent également que lors de la bataille d'Hadjer Marfaïn l'année dernière, ils ont tenté de convaincre leurs parents de ne pas les attaquer en leur réexpliquant leurs griefs, mais en vain...
Cette division crée aussi des problèmes de cohabitation. Au moment des condoléances, par exemple, à la suite de combats, il y a déjà eu des disputes entre femmes Bideyat de bords opposés.