par Jean-Arnaud Derens
Article publié le 15/12/2007 Dernière mise à jour le 15/12/2007 à 21:15 TU
Le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, le 24 octobre 2005.
(Photo : AFP)
Une mission de l’Union européenne, forte de 1 800 membres, partira bientôt pour le Kosovo. Elle devra épauler la police et la justice locale. L’envoi de cette mission, préparée de longue date, était déjà prévu pour l’été dernier, mais aucune date n’a été fixée pour son envoi. De même, pour ne pas évoquer les sujets qui fâchent, les dirigeants européens n’ont rien dit sur la perspective de l’indépendance, à la seule exception de Nicolas Sarkozy, qui s’est exprimé en sa faveur en marge du sommet.
En réalité, beaucoup d’incertitudes demeurent. Cette mission viendra-t-elle en appui des institutions d’un Kosovo déjà indépendant ? Ou bien au contraire, devra-t-elle gérer le prolongement d’une nouvelle phase de transition ? Succèdera-t-elle à l’actuelle Mission des Nations unies (Minuk) ou coexistera-t-elle avec celle-ci ?
Les réponses à ces questions dépendent en premier chef du Conseil de sécurité des Nations unies qui doit se réunir le 19 décembre pour examiner à son tour la question du Kosovo. Après l’échec du dernier cycle de négociations, officiellement constaté le 10 décembre, il est très peu probable qu’un accord ou un compromis puisse être trouvé. La Russie devrait jouer de son droit de veto, pour empêcher toute modification de la résolution 1244, adoptée en juin 1999, qui restera donc en vigueur. Cette résolution reconnaît explicitement la souveraineté de la Serbie sur la province sécessionniste et détermine la présence de la Minuk.
Des Européens divisés
Alors que les Albanais continuent d’affirmer qu’ils entendent procéder « dans les prochaines semaines » à la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo, les Européens sont plus divisés que jamais sur le sujet. A peine arrivé à Bruxelles, vendredi matin, le Premier ministre roumain, Calin Popescu Tariceanu, a rappelé que son pays ne reconnaîtrait jamais l’indépendance du Kosovo si celle-ci était proclamée unilatéralement. Chypre, la Grèce, l’Espagne et la Slovaquie partagent cette position, même s’ils ne devraient pas s’opposer à l’envoi de la mission européenne.
Le poids politique de cette mission risque cependant d’être singulièrement faible si elle est mandatée par une Union divisée et incapable de définir une approche politique commune. Samedi matin, le quotidien Blic de Belgrade notait aussi que les Européens n’ont aucune idée de ce qu’ils feront en cas de rejet de cette mission dans les zones serbes du nord du Kosovo.
Tentative de troc
A Belgrade, le Premier ministre serbe Vojislav Kostunica a vivement dénoncé l’annonce de l’envoi la mission, parlant de la création d’un « État fantoche sur le territoire serbe ». Les dirigeants européens ont pourtant voulu tendre la main à la Serbie. La chancelière allemande, Angela Merkel, a rappelé que « l’Europe avait besoin d’une Serbie stable », et Bruxelles a ouvertement proposé à Belgrade la perspective d’une intégration accélérée en échange d’une attitude « souple » sur le Kosovo. L’idée d’un troc « intégration contre abandon du Kosovo » a cependant été rejetée avec force par Belgrade, l’idée étant qualifiée « d’indécente » par le ministre des Affaires étrangères Vuk Jeremic.
La Serbie peut, à bon droit, donner des leçons de morale à Bruxelles : cette perspective signifierait en effet que Belgrade serait « exonéré » d’une part au moins des contraintes qui ont été imposées à tous les autres pays candidats, dans le cadre des fameux « critères de Copenhague ». Les Pays-Bas ont également manifesté leur opposition à une telle approche tant que la Serbie n’aurait pas respecté toutes ses obligations envers le TPI. La Hollande semble être, ainsi, le seul pays européen à se souvenir encore de l’existence de Ratko Mladic et de Radovan Karadzic.