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Belgique

Crise suspendue

par Piotr Moszynski

Article publié le 19/12/2007 Dernière mise à jour le 19/12/2007 à 20:46 TU

Guy Verhofstadt, le Premier ministre sortant (g) et Didier Reynerds, le ministre des Finances sortant (d), le 19 juillet 2007.(Photo : AFP)

Guy Verhofstadt, le Premier ministre sortant (g) et Didier Reynerds, le ministre des Finances sortant (d), le 19 juillet 2007.
(Photo : AFP)

«La crise est finie», titrait mercredi le grand journal belge Le Soir. En réalité, la crise politique qui laisse la Belgique sans gouvernement depuis six mois semble plutôt suspendue. Le Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, a réussi à former un gouvernement intérimaire qui ne devrait toutefois rester en place que jusqu’au 23 mars prochain. Ce laps de temps doit lui suffire au moins à faire voter le budget 2008 et à lancer la réforme de la Constitution qui semble désormais inéluctable.

La situation en Belgique est incongrue à plusieurs égards. D’abord, le pays qui se battait pour accueillir la capitale de l’Europe unie est menacé lui-même de désintégration. Ensuite, on connaît les vainqueurs des élections législatives du 10 juin dernier, mais ils ne détiennent pas le pouvoir et sont obligés de voir le Premier ministre sortant, défait lors de ces élections, revenir aux affaires et former un gouvernement intérimaire. Enfin, on pourrait presque se demander – sur un ton un peu moqueur, un peu inquiet – à quoi sert un gouvernement démocratique si un pays moderne, situé au cœur de l’Europe, arrive à fonctionner à peu près normalement pendant six mois sans un seul ministre issu des urnes ?

Problèmes à résoudre

Bien sûr, cette dernière question est volontairement provocatrice et il n’est pas difficile d’y trouver une réponse. Les quatorze ministres des cinq partis qui constitueront le nouveau gouvernement vont avoir beaucoup de travail, malgré le caractère transitoire du cabinet. Parmi les tâches urgentes, le projet du budget 2008. Si, à la limite – on l’a vu – la Belgique peut survivre quelques mois sans gouvernement, il lui serait impossible de vivre sans financement.

Un autre problème à résoudre rapidement : les tensions au sujet de la baisse du pouvoir d’achat. Le 15 décembre dernier, environ 20.000 Belges ont manifesté à Bruxelles pour demander un relèvement du pouvoir d'achat et exprimer leur ras-le-bol face à la paralysie politique du pays. Cette manifestation est intervenue dans un contexte économique détérioré, alors que la croissance ralentit et que l'inflation progresse, avec une forte hausse des prix de l'énergie et des produits d'alimentation qui pèse surtout sur les foyers les plus modestes. Un ministre de l’Economie et des Finances, qui pourrait réfléchir aux solutions à proposer, ne serait certainement pas inutile.

Le gouvernement intérimaire devrait entrer en fonction d’ici quelques jours, mais l’on sait désormais qui sera chargé du volet socio-économique. Il s’agit de Didier Reynerds, ministre des Finances sortant, chef du parti libéral francophone MR (Mouvement réformateur). Guy Verhofstadt a décidé de lui confier le poste de premier vice-Premier ministre. Il a déjà annoncé qu’il entendait prendre rapidement des mesures concrètes en matière de pouvoir d’achat et de santé publique.

Vainqueur malheureux

Le gouvernement intérimaire comptera aussi un deuxième vice-Premier ministre, Yves Leterme, leader chrétien-démocrate flamand, vainqueur des élections d’il y a six mois. On serait presque tenté de dire « vainqueur malheureux », car – malgré ses tentatives intenses – il n’est pas arrivé à créer un gouvernement et devient ainsi temporairement un adjoint de son rival battu aux élections. Dans ce rôle, il s’occupera du domaine qui tient particulièrement à cœur à son parti : le volet des « réformes institutionnelles ». En effet, la formation d'un gouvernement définitif reste soumise à un accord plus vaste - introuvable jusqu'ici - entre Wallons et Flamands sur une réforme des institutions belges. Les partis flamands exigent une plus large autonomie des régions. C’est exactement ce que redoutent les partis francophones qui y voient le début de la fin de l’Etat belge. Les négociations institutionnelles devraient démarrer dans les prochaines semaines.

Le gouvernement intérimaire ne préfigure pas forcément ce que sera le gouvernement définitif. Néanmoins, il représente une majorité des deux-tiers à la Chambre des députés, seuil minimal requis pour faire adopter une réforme de la Constitution, indispensable pour une réforme des institutions du pays, qui semble désormais inéluctable. Si l’équipe conduite par Guy Verhofstadt arrive à mener à bien les négociations dans ce domaine tellement délicat, Yves Leterme devrait en principe – et selon le scénario évoqué par Guy Verhofstadt lui-même – devenir Premier ministre le 23 mars 2008.

Si l’on sait donc assez bien ce qui attend le gouvernement intérimaire en général et Yves Leterme en particulier, il est beaucoup plus difficile de dire ce qui attend la Belgique en tant que pays.