par Patrick Adam
Article publié le 24/12/2007 Dernière mise à jour le 24/12/2007 à 18:37 TU
Des soldats turcs sur une route qui mène à Yüksekova près de la frontière irakienne, le 24 décembre.
(Photo : Reuters)
Depuis le feu vert du Parlement turc au mois d’octobre, Ankara poursuit ses opérations militaires dans le Nord de l’Irak. Elles visent des positions du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan. La Turquie s’estime dans son bon droit, elle accuse le PKK d’utiliser le Kurdistan irakien semi-autonome comme base arrière pour monter des attaques contre les militaires turcs. Des opérations soutenues du bout des lèvres par les Etats-Unis.
Avec 100 000 hommes massés le long de la frontière avec l’Irak, la Turquie affiche ses ambitions : mettre en terme aux attaques menées par les rebelles du PKK. Et surtout, déloger les combattants kurdes de leurs bases arrière du nord de l’Irak. Pour autant, elle s’est jusqu’à présent abstenu d’engager une véritable invasion. Depuis le mois d’octobre, la Turquie se limite à des incursions terrestres ponctuelles et à des bombardements aériens.
Dimanche et pour la deuxième journée consécutive, l’armée turque a mené des raids dans une région montagneuse mais pratiquement inhabitée, si l’on en croit le PKK. Un porte-parole des forces de sécurité kurdes d’Irak (peshmergas) affirme que cette opération n’a fait ni victimes ni dégâts. Jabbar Yawar précise que « trois avions turcs » ont d’abord effectué « des vols de reconnaissance autour du massif de Qandil, à la limite de l’Iran et de la Turquie, avant de bombarder les montagnes de Karoukh, au nord d’Erbil, une région dans laquelle il n’y a pas de villages ». De son côté l’armée turque annonce qu’elle fera rendra public son bilan dans les jours qui viennent mais assure que les récentes opérations ont tué des « centaines de terroristes ». Elle ajoute que les opérations militaires vont se poursuivre malgré les conditions hivernales. Il y a une dizaine de jours déjà l’armée turque avait bombardé ce massif de Qandil, qui abrite le quartier général des quelque 3 500 rebelles du PKK, et une incursion terrestre limitée avait été menée le lendemain.
Le soutien américain
Face à la volonté turque d’en finir avec le PKK, les Etats-Unis sont partagés. Washington considère le PKK comme une organisation terroriste et dès lors approuve la politique turque qui vise à empêcher les activités du mouvement en Irak. Le Pentagone assure avoir été averti à l’avance des raids aériens. Lundi, c’est le président Georges Bush qui a assuré Ankara de son soutien au cours d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Les deux pays ont décidé de poursuivre le partage de renseignements. Mais au-delà du soutien dans la lutte contre un « ennemi commun », les Américains s’inquiètent des risques de déstabilisation dans la région, d’autant que Washington soutient les Kurdes d’Irak. « Nous continuons naturellement à nous préoccuper de la perte potentielle de vies innocentes pendant ces opérations militaires », explique Geoff Morrell, porte-parole du Pentagone, qui ajoute que « les Turcs, au vue de la menace terroriste du PKK, ont certains droits en matière d’autodéfense ». Jusqu’à présent, le soutien américain s’était fait plus implicite. Après avoir beaucoup fait pour réfréner les ardeurs de son allié turc, les Etats-Unis ont évité toute condamnation même si les raids menés par Ankara posent à nouveau la question de la souveraineté de l’Irak. Le chef d’état-major turc, Yasar Büyükanit souligne que « le plus important est que les Etats-Unis nous ont ouvert l’espace aérien du Nord de l’Irak ».
La politique au secours du militaire
En lutte armée contre le pouvoir central depuis 1984, le Parti des travailleurs du Kurdistan réclamait l’indépendance de la zone kurde de Turquie, mais parle désormais d’autonomie au sein d’un système fédéral. Il revendique également l’amnistie pour les rebelles et la libération de son chef Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999. Conscient que la lutte armée ne suffira pas, le gouvernement turc annonce qu’il travaille à une loi d’amnistie qui pourrait ne plus s’adresser seulement aux repentis, comme c’est le cas jusqu’à présent. D’autres projets sont à l’étude. Il s’agit de relever le niveau de vie grâce à des encouragements à investir. « Même les faucons de l’armée ont compris que les Kurdes ont un véritable problème d’intégration », diagnostique le politologue Dogu Ergil. Au mois de mai déjà, le chef d’état-major de l’armée turque avait jugé que « la lutte contre le terrorisme ne comprend pas seulement des mesures militaires, mais aussi économiques, culturelles et sociales ». En attendant, les incursions sur le nord irakien se poursuivent.