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Kenya

Violentes émeutes dans tout le pays

par  RFI

Article publié le 31/12/2007 Dernière mise à jour le 01/01/2008 à 10:33 TU

Au moins 259 personnes ont été tuées au Kenya depuis jeudi dans les émeutes qui ont accompagné la réélection du président Mwai Kibaki, annoncée dimanche après-midi mais rejetée par son adversaire Raila Odinga, qui poursuit sa contestation des résultats et appelle à « une marche pacifique » le 3 janvier. Depuis dimanche, de violentes émeutes et des scènes de pillage ont embrasé Nairobi et plusieurs villes de l'Ouest, tandis que la police peinait à réfréner la colère ambiante. Plusieurs capitales européennes ont déconseillé lundi les départs vers le Kenya.

Une foule en colère à Nairobi, le 31 décembre 2007.(Photo : Reuters)

Une foule en colère à Nairobi, le 31 décembre 2007.
(Photo : Reuters)

De notre correspondante au Kenya, Stéphanie Braquehais

A Nairobi, l’accès au centre ville relève de la gageure. Des centaines de policiers ont coupé la plupart des axes principaux et ont quadrillé le parc Uhuru, où Raila Odinga avait prévu d’organiser un meeting. Aucun de ses supporters n’a pu dépasser la frontière des bidonvilles de Kibera ou Kawangware.

Durant toute la journée de lundi, de violentes émeutes ont éclaté, après les pillages et les violences de la nuit. Plusieurs viols auraient eu lieu dans le bidonville de Mathare, selon des sources médicales. Des centaines de personnes sont mortes dans des rixes entre camps adverses, supporters de Raila Odinga contre ceux du président nouvellement réélu, Mwai Kibaki.

Les forces spéciales de la police ont tiré en l’air pour disperser les foules, mais le nombre de morts laisse à penser que la pratique du « shoot to kill », (tirer pour tuer), participant de la sombre réputation de la police kenyane, a de nouveau repris ses droits au Kenya.

Toute la matinée à Kibera, des émeutes violentes ont éclaté. Des jeunes s’en donnaient à cœur joie en pillant toutes les échoppes, fermées depuis plusieurs jours. « Nous avons faim ! Nous n’avons pas mangé depuis trois jours ! Nous sommes le peuple qui souffre, pendant que les dirigeants se remplissent les poches et le ventre », hurlait une femme, frappant le sol de sa matraque avec fureur.

Rafales de Kalachnikov

Au milieu d’un chemin en terre boueux, des sacs de farine ou de charbon sont éventrés. Les gens s’arrachent les quelques biens qu’ils peuvent trouver. Des vêtements, des pots de margarine, des sacs de farine de maïs pour préparer l’ugali, le plat national kenyan. Face à eux, des commerçants impuissants qui se font éjecter de leur échoppe, contemplent le désastre.

De temps à autre, des rafales de Kalachnikov tirées par la police dispersent la foule en délire, qui ne sait plus si elle doit pleurer ou rire. Un jeune s’approche : « Vous êtes les médias, vous voyez, je mange une banane et j’ai récupéré ces baskets toutes neuves ! », dit-il en exhibant une seule chaussure, provoquant l’hilarité générale.

Dans ce climat de fortes tensions à travers tout le pays, Mwai Kibaki s'est engagé lundi à traiter « avec fermeté » les émeutes. Des réunions ont eu lieu entre les diplomates et Raphael Tuju, l’ancien ministre des Affaires étrangères ainsi qu’entre l’ambassadeur canadien et Raila Odinga. Les discussions avaient lieu dans le même hôtel, à l’Intercontinental. Du coup, la mission d’observation a annulé sa conférence de presse, qui devait avoir lieu dans le même lieu.

Après ces rencontres, le candidat déchu, Raila Odinga n’a pas changé d’un iota sa position. Dimanche dans la soirée, il appelait le peuple kenyan à rejeter les résultats, il a répété les mêmes propos lors d’une conférence de presse : « Les dinosaures doivent accepter la défaite et retourner au musée, ils incarnent les années les plus sombres de la dictature en Afrique, l’heure du changement est arrivé. Si je rencontre Mwai Kibaki, c’est uniquement s’il accepte de se retirer ».

Raila Odinga accuse le président Kibaki d'avoir fraudé sur trois cent mille voix lors du scrutin. L'écart entre les deux candidats est d'environ deux cent trente mille voix.

Le Kenya, pays plutôt stable mais avec une tradition de violences électorales, connaît aujourd'hui son plus fort embrasement depuis la tentative de coup d'Etat avortée de 1982.

A écouter

Raila Odinga

Chef de l'opposition kenyane

« Nous voulons qu'il parte, parce que son élection n'est pas légitime... Depuis hier, il est en poste illégalement. »

01/01/2008 par David Coffee

Julius Boséré

Journaliste kenyan

« Certaines des personnes abattues avaient essayé de voler des gens et avaient mis le feu à deux stations essence. »

01/01/2008 par Laleix Gaëlle

Les Etats-Unis inquiets

« Les félicitations dimanche de Washington à Mwai Kibaki étaient prématurées, et le porte-parole du département d'Etat Tom Casey, les a qualifiées dans un rare exemple de volte-face, d'erreur... »

01/01/2008 par Jean-Louis Pourtet