Article publié le 29/12/2007 Dernière mise à jour le 02/01/2008 à 14:08 TU
Dans plusieurs bidonvilles de Nairobi, des supporters de l’opposant au président sortant, Raila Odinga, sont sortis dans la rue pour protester contre le retard pris par la commission électorale pour annoncer les résultats définitifs. Toute la journée de vendredi, Mwai Kibaki était donné largement perdant avec un écart d’un million de voix. L’écart s’est resserré dans la nuit de vendredi à samedi, donnant 3,7 millions de voix pour Raila Odinga et 3,4 millions pour Mwai Kibaki, sur un total de 7 millions de votants, soit deux tiers des participants. Samedi soir, la commission a annoncé que les résultats ne seraient proclamés que dimanche.
De notre correspondante à Nairobi, Stéphanie Braquehais
A l’entrée de Kibéra, le bidonville le plus peuplé de Nairobi, 800 000 habitants, des jeunes, vêtus de tee-shirts orange, la couleur du parti ODM, armés de machettes ou de bâtons hurlent « No Raila, No Kenya, Kibaki tu as perdu ! ». Une épaisse fumée s’envole vers le ciel, qui provient de pneus incendiés jetés au milieu de la route.
« Toute la journée hier, Raila menait avec un million de voix de plus que Mwai Kibaki. Ce matin, l’écart n’était plus de que 300 000 voix, il faut m’expliquer où sont parties les 700 000 ! », s’insurge John, 28 ans, dont l’haleine dégage de forts relents d’alcool, et qui mâche tranquillement du qat (plante euphorisante) en contemplant le désastre devant lui.
Des manifestants jettent des pierres et lancent de l’essence sur une échoppe en bois qui s’embrase en une seconde. La route est jonchée de débris de verre, de bois brûlé. « La maison appartient à un commerçant kikuyu, poursuit John. Vous voyez, le tribalisme a repris ses droits ici. Mwai Kibaki est de l’ethnie kikuyu, nous sommes Luos comme Raila Odinga, alors nous montrons notre colère contre les Kikuyus ».
Soudain, il s’interrompt. La foule se met à courir dans tous les sens à l’arrivée de convois des unités spéciales de la police kenyane, GSU (General service unit) casque sur la tête, bouclier à la main, qui s’avancent en rangée serrée. Certains policiers tirent en l’air pour disperser la foule. Un jeune homme titubant, fumant un joint avec sérénité, reste, lui, au milieu de la route et crie : « Do you want some ganja ? » (voulez-vous un peu d’herbe ?). Tout autour des bidonvilles de Kibéra et Kawangware, les rues sont désertes, des commerces aux vitres cassées ont été pillés, ainsi que de nombreuses maisons brûlées dans la matinée.
Sujet d’inquiétude
La délégation de l’Union européenne qui a déployé 150 observateurs pour le jour du scrutin a tenu une conférence de presse en début d’après midi à Nairobi.
Après avoir salué un scrutin calme, avec une mobilisation sans précédent, le retard pris par la commission électorale pour donner des résultats constitue, selon Alexander Graflambsdorff, un réel sujet d’inquiétude : « Alors que le dépouillement se poursuit, le délai dans la publication des résultats provoque la méfiance et la suspicion. Nous avons reçu des rapports faisant état de violences ici à Nairobi, à Kisumu, Eldoret et Kakamega. Les gens veulent savoir qui sera leur nouveau président et nous comprenons cela. Une fois encore, nous voudrions en appeler au peuple kenyan pour ne pas faire usage de la violence comme ils l’ont montré le jour du scrutin. »
Des émeutes se poursuivaient dans la journée de samedi à Nairobi, mais également à Kisumu dans la province de l’Ouest où une personne a été tuée par balles. Dans d’autres localités, comme à Migori, 12 personnes ont été admises à l’hôpital.