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Géorgie / Présidentielle

Stabilité espérée, mais crise possible

par Piotr Moszynski

Article publié le 03/01/2008 Dernière mise à jour le 04/01/2008 à 17:01 TU

C’est le chef de l’Etat lui-même, Mikheïl Saakachvili, qui a décidé d’organiser ce samedi les élections présidentielles anticipées de presque un an en Géorgie. Il ne prend pas vraiment de risque, car c’est bien lui qui part favori. Avec ce scrutin, il compte surtout redorer son blason après les répressions et l’état de siège qui ont suivi les manifestations de l’opposition en novembre dernier.

Les partisans de Mikheïl Saakachvili, sont venus soutenir le candidat à la présidence géorgienne à Zugdidi, ce jeudi 3 janvier.(Photo : Reuters)

Les partisans de Mikheïl Saakachvili, sont venus soutenir le candidat à la présidence géorgienne à Zugdidi, ce jeudi 3 janvier.
(Photo : Reuters)

Le président actuel de la Géorgie, le pro-occidental Mikheïl Saakachvili, persiste à justifier ses décisions de novembre par « une tentative de coup d’Etat », fomentée avec l’aide de « hauts responsables des services spéciaux russes » qui auraient été « impliqués » dans les troubles des six jours dans les rues de la capitale, Tbilissi. Il n’en reste pas moins qu’il a été confronté à la plus importante contestation populaire depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2003 sur la vague de la « révolution de la rose ». Le bilan officiel des heurts entre les manifestants et les forces antiémeutes fait état de 486 personnes « ayant demandé une aide médicale ». Le premier jour, les protestations ont rassemblé environ cinquante mille manifestants. Il est vrai que ce chiffre diminuait constamment les jours suivants, mais, à l’échelle géorgienne, il s’agissait tout de même de manifestations importantes. Elles se déroulaient sur le fond de la déception de la population, ne voyant toujours pas venir de retombées économiques de la démocratisation, ainsi que de la baisse de la popularité personnelle de Mikheïl Saakachvili. C’est surtout son départ que demandait la foule.

Atouts présidentiels

En 2004, à l’issue de la « révolution de la rose », Saakachvili a été élu sur un score qui rappelait peut-être les exploits électoraux des dirigeants soviétiques – 96% – mais qui reflétait quand même un véritable enthousiasme populaire que suscitait le leader du mouvement de contestation pacifique qui a conduit à la chute d’Edouard Chevardnadze. Le niveau actuel des intentions de vote qu’il recueille dans les sondages – 40% – illustre bien la désillusion des Géorgiens face à leur héros d’il y a trois-quatre ans. Il est vrai qu’il n’a pas su répondre à plusieurs attentes importantes. Notamment en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, mais aussi sur le système judiciaire qui – contrairement aux promesses – n’est pas devenu indépendant.

Cependant, beaucoup d’autres facteurs militent en faveur du président sortant, ce qui rend la tâche de ses six rivaux électoraux particulièrement rude. En effet, même parmi les critiques de Mikheïl Saakachvili des voix s’élèvent pour appeler à mettre fin à la spirale des crises incessantes depuis 1991 et pour souligner le besoin de stabilité. Le président bénéficie également d’un très large consensus sur la politique étrangère. La politique antigéorgienne de Moscou, qui souhaite bloquer l’influence croissante de l’Occident dans plusieurs anciennes républiques soviétiques, contribue fortement à ce que l’écrasante majorité des Géorgiens soutienne le cours résolument pro-occidental de leur pays. Saakachvili a été le seul candidat à évoquer la question d’une reconquête éventuelle des deux régions séparatistes – l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud – soutenues plus ou moins ouvertement par la Russie. Mais, dans ce contexte, cela ne peut que lui apporter des voix, surtout celles des réfugiés géorgiens chassés de l’Abkhazie. Ils sont 250 000. Sur trois millions et demi d’électeurs, cela fait beaucoup.

Campagne agitée

Le président géorgien ne peut toutefois pas dormir vraiment tranquille. La campagne électorale a été agitée, pleine de rebondissements, et personne n’est en mesure de prévoir les réactions de l’opposition à une probable défaite. A une semaine des élections, 30 000 sympathisants de l’opposition manifestaient à Tbilissi en scandant le nom du candidat désigné par neuf des dix partis qui étaient à l’origine des troubles de novembre, Levan Gatchetchiladze. Cependant, le plus grand point d’interrogation concerne le comportement du milliardaire Badri Patarkatsichvili, propriétaire de la chaîne de télévision privée Imedi. Selon les autorités, il aurait utilisé Imedi pour tenter de renverser le gouvernement pendant les émeutes de novembre 2007.

A l’approche des élections, Patarkatsichvili et les autorités géorgiennes ont échangé des accusations d’espionnage. Le parquet accuse le milliardaire d'avoir proposé 100 millions de dollars à un haut responsable de la sécurité pour provoquer des manifestations antigouvernementales à l'issue du scrutin, s'il lui était défavorable. Patarkatsichvili a reconnu avoir proposé ce pot-de-vin, mais a soutenu que c'était pour « convaincre la police de ne pas s'en prendre aux manifestants de l'opposition ». Des opposants ont affirmé de leur côté qu'un responsable du ministère de l'Intérieur avait ourdi un complot visant à assassiner Badri Patarkatsichvili. Celui-ci a retiré sa candidature le 27 décembre dernier, mais à deux jours des élections est soudainement revenu sur cette décision. C’est, selon ses propres mots, une conversation téléphonique avec le patriarche de l’église orthodoxe géorgienne Ilia II qui lui a « donné la force de ne pas retirer sa candidature ».

Il faudra beaucoup de force à la Géorgie toute entière si le scrutin de samedi ne lui apporte pas de stabilité durable et ne la préserve pas de nouvelles crises aiguës.

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