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Venezuela / Colombie

Otages : la dimension politique d’une libération

par Stefanie Schüler

Article publié le 11/01/2008 Dernière mise à jour le 12/01/2008 à 11:03 TU

Caracas, le 11 janvier. Le président vénézuélien Hugo Chavez, à l'Assemblée nationale.(Photo : Reute

Caracas, le 11 janvier. Le président vénézuélien Hugo Chavez, à l'Assemblée nationale.
(Photo : Reute

Le président vénézuélien Hugo Chavez a demandé ce vendredi aux pays d'Amérique latine et d'Europe que les FARC soient retirées de la liste des groupes terroristes et dorénavant considérées comme des forces combattantes. Une demande rejetée catégoriquement par son homologue colombien Alvaro Uribe. Après la libération, jeudi, de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez, le bras de fer entre Caracas et Bogota continue, tandis que les FARC cherchent leur reconnaissance politique à tout prix.

Pour Hugo Chavez, le jeudi 10 janvier 2008 a été son jour de gloire. Après sa défaite lors du référendum constitutionnel en décembre dernier et l’échec cuisant de la première tentative de l’opération « Emmanuel », le président vénézuélien a pu se présenter, cette fois-ci, comme pilier central d’un événement historique : la libération de Clara Rojas et de Consuelo Gonzalez des mains des FARC.  

« Allô, monsieur le président ? Je ne sais pas comment vous exprimer mes remerciements pour vos efforts humanitaires, pour tout ce que vous avez fait pour nous ». Tels étaient les premiers mots de l’ancienne parlementaire colombienne Consuelo Gonzalez, à qui on avait tendu un téléphone satellite à peine avait-elle rejoint le personnel du Comité internationale de la Croix-Rouge, encore en plein milieu de la jungle. Les images de la remise des otages à la délégation humanitaire, venue les récupérer au point de rendez-vous, ont été tournées en exclusivité par la chaîne vénézuélienne Telesur. Une scène qui a fait le tour du monde et qui a été diffusée en boucle au Venezuela.

« Allô, monsieur le président ? »

Si la présence médiatique pour la libération des deux femmes s’est faite beaucoup plus discrète que lors de la première tentative fin décembre, elle n’en a pas moins été parfaitement orchestrée.

Le même Hugo Chavez que l’on avait accusé il y a seulement quelques jours de n’avoir rien obtenu de la guérilla des FARC, mis à part de fausses promesses, s’est posé ce jeudi en médiateur incontournable dans le dossier complexe des otages. Son rôle a été salué par un véritable concert de félicitations internationales. Même à Washington, on était obligé de reconnaître -  fût-ce à contrecœur - le succès diplomatique de celui qui fait figure de bête noire des Etats-Unis. 

« Fort de ce résultat concret et bienvenu, Chavez peut désormais mettre en avant son influence dans la région et se présenter en homme de paix », estime donc Michael Shifter, spécialiste de l’Amérique latine auprès du « Dialogue interaméricain », un cabinet influent de réflexion, basé dans la capitale américaine.

Consuelo Gonzalez, à gauche avec un bouquet de fleurs et Clara Rojas, à droite du président vénézuélien Hugo Chavez, à Caracas, le 10 janvier 2008. 

		(Photo : Reuters)
Consuelo Gonzalez, à gauche avec un bouquet de fleurs et Clara Rojas, à droite du président vénézuélien Hugo Chavez, à Caracas, le 10 janvier 2008.
(Photo : Reuters)

Et c’est précisément ce que s’est précipité de faire le tonitruant chef d’Etat dès jeudi après-midi. Sur les marches du palais présidentiel à Caracas, entouré de Clara Rojas, de Consuelo Gonzalez ainsi que de leurs familles, Hugo Chavez a déclaré qu’il était « prêt à installer un camp humanitaire pour la paix au Venezuela. Entamons un dialogue de paix, et pas seulement pour les libérer. Leur libération n’est que la première étape, la seconde est la paix ».  Une tentative à peine voilée de reprendre la médiation entre la guérilla et le gouvernement colombien en main. Puis, Hugo Chavez s’est adressé directement au président colombien, Alvaro Uribe. Le message a été clair : la balle est désormais dans votre camp. « Je suis à votre disposition pour continuer à chercher un accord humanitaire », a-t-il déclaré.

Alvaro Uribe appelle les FARC à négocier

Depuis sa propriété d’El Ubérrimo, dans le nord de la Colombie, le chef d’Etat s’est vu obligé de réagir. Alvaro Uribe a donc déclaré « notre gratitude envers le président de la République sœur bolivarienne du Venezuela, Hugo Chavez, pour son effort pour la libération de nos compatriotes Clara Rojas et Consuelo Gonzalez. (…) Je dois reconnaître que le processus avancé par le président Chavez, qui a obtenu (cette) libération unilatérale et inconditionnelle (…) a été efficace ».

Cette reconnaissance du rôle incontournable de son homologue vénézuélien dans le dossier des otages n’a pas pour autant incité Alvaro Uribe à lui concéder une place officielle dans les négociations à venir avec les FARC. Car si le chef d’Etat colombien a appelé la guérilla a une « négociation simple, vive et de bonne foi » et s’est dit « prêt pour la paix », il s’est gardé d’impliquer Hugo Chavez dans cette démarche.     

C’est pourtant précisément ce que veulent obtenir les rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie. Dans leur communiqué du 18 décembre dernier, ils avaient précisé que la libération « unilatérale » de Clara Rojas et de Consuelo Gonzalez était bien un « geste » de remerciement au président vénézuélien. Les preuves de vie de huit otages, que les deux femmes libérées ont apportées ce jeudi à Caracas, ont exactement le même objectif : remettre Hugo Chavez au cœur de la médiation entre les FARC et Bogota et affaiblir au même temps le président colombien, Alvaro Uribe.

Les FARC cherchent une reconnaissance politique

Le président colombien Alvaro Uribe. 

		(Photo : AFP)
Le président colombien Alvaro Uribe.
(Photo : AFP)

Car plus encore qu’un échange humanitaire -à savoir les 44 otages dits « échangeables » contre 500 guérilleros - c’est une reconnaissance politique que les FARC cherchent à obtenir à tout prix. Dans ce contexte, Hugo Chavez leur a été, pendant les derniers mois, plus qu’utile : le 8 novembre, le président vénézuélien avait reçu à Caracas Yvan Marquez, l’un des sept membres de l’instance suprême des FARC. Une première en quarante ans de « combats » pour la guérilla marxiste, dont jamais encore un haut dirigeant avait été reçu par un chef d’Etat. Cet évènement a été pour les FARC d’autant plus important qu’il s’est déroulé devant les caméras du monde entier.

De l’autre côté, Alvaro Uribe refuse catégoriquement d’accorder à la guérilla le statut d’interlocuteur et continue à parler de « groupe terroriste ». Sa politique de « main de fer » qu’il mène contre les rebelles depuis son élection en 2002 est soutenue par la majorité des Colombiens. Pas plus tard que jeudi soir, et alors qu’il a proposé aux FARC des négociations, il s’est dit déterminer de venir à bout de ce mouvement : « Nous n’avons pas gagné cette bataille contre le terrorisme, mais nous allons la gagner ».

Des propos qui laissent entrevoir qu’on est encore loin de la paix en Colombie. La libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez ne sera pas forcément suivie d’autres libérations dans un avenir proche.   

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