par Piotr Moszynski
Article publié le 22/01/2008 Dernière mise à jour le 22/01/2008 à 21:39 TU
Mikhaïl Kassianov est le seul des cinq candidats de l'opposition qui échappe au contrôle du Kremlin.
(Photo : Reuters)
L’opposition russe n’a pas réussi à se mettre d’accord sur un candidat unique et maintenant elle risque de perdre le seul qui reste encore dans la course. Cela risque d’arriver avant même que la campagne électorale ne commence. Sans préjuger de la décision finale de la Commission électorale centrale, présidée par un fidèle du Kremlin, Vladimir Tchourov, on peut d’ores et déjà estimer que les accusations du Parquet rendent la situation de Mikhaïl Kassianov de plus en plus délicate.
Kassianov l’incontrôlable
Les reproches qui lui sont faits concernent environ 12 000 signatures collectées en faveur de sa candidature dans la région de Mariï El et 3 500 signatures collectées à Rybinsk dans le district de Yaroslav. Selon le Parquet, elles auraient été collectées « d’une manière non conforme à la loi ». Seulement deux des cinq candidats à la présidence russe sont soumis à l’obligation d’apporter au moins deux millions de signatures de soutien. Outre Mikhaïl Kassianov, il s’agit d’Andreï Bogdanov, leader du Parti démocratique, formellement indépendant, mais considéré comme loyal au Kremlin. Les trois autres – Dmitri Medvedev (candidat du parti au pouvoir), Guennadi Ziouganov (communiste) et Vladimir Jirinovski (populiste nationaliste) – sont soutenus par les formations présentes au Parlement et, conformément à la loi, n’ont pas besoin de collecter des signatures.
Selon les sondages, Dmitri Medvedev, désigné par Vladimir Poutine qui ne peut pas se représenter une troisième fois de suite, est déjà assuré d’une large victoire. C’est principalement lui qui bénéficie de l’intérêt des médias et de celui des riches donateurs. Les autres candidats ne peuvent que jouer un rôle de figurants, mais représentent une valeur inestimable pour le pouvoir en place : leur présence lui permet de parler d’une compétition électorale multipartite et démocratique. Mikhaïl Kassianov est le seul parmi les cinq qui échappe totalement, et de façon certaine, au contrôle du Kremlin. Le seul qui risque de créer une surprise, ne serait-ce que toute petite, au cours de la campagne électorale.
Mission impossible
Ainsi, les accusations de « falsification » portées contre Kassianov, tombent bien du moins du point de vue de ceux qui aimeraient le voir éliminé de la course comme tous les autres candidats de l’opposition avant lui. Est-ce que ces accusations sont fondées ? Pour le moment, le Parquet est avare en détails. En tout cas, elles ne sont pas étonnantes et étaient presque prévisibles. Non seulement pour des raisons politiques, mais aussi techniques. Déjà le 16 janvier dernier, un politologue russe Evguéni Mintchenko estimait dans le journal Kommiersant que dans le laps de temps qui leur était imparti par le législateur – même pas un mois – aucun des candidats indépendants n’était en mesure de collecter deux millions de signatures. Selon ses calculs, pour le faire, il aurait fallu que chacun d’eux réunisse entre 830 000 et 1 600 000 dollars, une armée de 50 000 collecteurs et au moins 1 000 contrôleurs. Chiffres qui semblent hors de portée pour Bogdanov et Kassianov. En réalité, d’après Mintchenko, ni l’un ni l’autre n’ont réuni les deux millions de signatures exigées. Selon lui, malgré cela la Commission électorale enregistrera la candidature de Bogdanov, « dont le Kremlin a besoin comme rempart contre un éventuel chantage de la part de Ziouganov et Jirinovski ». Si les thèses de Mintchenko correspondent à la réalité, il est en effet fort possible que les signatures aient été en partie collectées d’une manière « non conforme à la loi ». Reste à savoir quelle était exactement cette manière : une provocation des adversaires qui auraient apporté des lots entiers de signatures tellement désirées, mais falsifiées – ou un zèle excessif des activistes désespérés qui savaient leur mission impossible ? Ou les deux ?
Mikhaïl Kassianov lui-même attribue ses soucis actuels à « l'opération coordonnée des services du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice » qui « s'amplifie très rapidement ». La question est maintenant de savoir si cette « amplification » se traduira par l’annulation de la candidature du seul représentant de l’opposition indépendante russe qui reste en lice pour l’élection présidentielle. Une autre grande figure de l’opposition russe, Garry Kasparov, commence à sérieusement douter du sens même de la candidature de Kassianov. « Si – explique-t-il – Tchourov, sur un appel du Kremlin, décide qui laisser participer ou pas, comment pouvez-vous faire comme si vous vous battiez vraiment contre le pouvoir ? (…) Si vous voulez lancer un défi au pouvoir, vous ne pouvez dépendre de lui dans le processus de sélection des candidats ».
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