Article publié le 24/01/2008 Dernière mise à jour le 24/01/2008 à 13:55 TU
Dans un entretien exclusif à RFI, Staffan de Mistura, le nouvel envoyé des Nations unies en Irak estime, chiffres à l'appui, que des progrès appréciables ont été réalisés en matière de sécurité. Il estime également qu'il ne faut pas perdre de temps et que des lois cruciales doivent être votées pour ramener la concorde dans le pays.
RFI : Vous estimez qu’il y a de réels progrès en termes de sécurité en Irak. Pourquoi cet optimisme ?
Staffan de Mistura : Ce sont les statistiques, mais on le constate aussi par nous-mêmes. Les chiffres de l’insécurité ont baissé de 60%. Et c’est ce que nous disent également nos yeux, parce que je voyage, je travaille, je bouge dans la zone rouge, et pas seulement dans la zone verte [ zone ultra protégée de Bagdad Ndlr ]. Je voyage dans le pays. Je vois les magasins ouverts, je vois des quartiers, qui avant étaient noirs la nuit, s’illuminer. Je vois des gens dans les rues. Ca ne veut pas dire qu’on est en Suisse, on est en Irak. Il y a quand même 90 attaques tous les trois jours, et avant il y en avait 320. Mais, c’est une amélioration. Ce sont les Irakiens eux-mêmes qui me disent ça.
RFI : Une amélioration que vous mettez sur le compte de quoi ?
SdM : Quatre raisons à cela. Premièrement, la présence massive de forces américaines dans certaines zones a produit une réduction de la violence. Deuxièmement, il y a eu la décision de l’armistice de Moqtada Sadr. Troisièmement, le fait qu’il y a eu un engagement des tribus sunnites à travailler ensemble avec les Américains, mais avec aussi les Irakiens, pour arrêter les attaques d’al-Qaïda ou leur présence. Enfin quatrièmement, une certaine fatigue des Irakiens eux-mêmes, à voire que toute cette violence n’a rien produit à part de la douleur.
RFI : Vous vous souvenez que la «débaasification» de Paul Bremer, à l’époque, avait été beaucoup critiquée. Certains ont attribué à ce processus une partie de la montée de la violence. Est-ce que la loi qui consiste à réintégrer dans le jeu politique irakien l’intelligentsia sunnite est en bonne voie maintenant ?
SdM : Avant tout, c’est une loi nécessaire et urgente. Le 12 janvier, elle a été approuvée par le Parlement. Maintenant, elle doit être signée par la présidence. C’est une loi qui donne un message dans la bonne direction. Il faut, dans une période comme celle-ci, une année particulière comme 2008, trouver une formule dans laquelle on engage tout le monde à travailler pour un gouvernement d’unité nationale. Et sans cette loi, on aurait exclu 30 à 40 000 personnes qualifiées, qui peut-être avaient décidé, comme souvent dans les pays de dictature, d’être dans un parti simplement pour avoir du travail, mais qui ont une compétence et qui font partie de la classe moyenne irakienne. Conclusion : c’est une bonne décision, dans la juste direction. Il faut faire maintenant les autres lois.
RFI : Pensez-vous que les voisins immédiats de l’Irak jouent le jeu de la sécurisation du pays ?
SdM : Je n’ai pas assez d’informations pour pouvoir vérifier ça. Ce que je sais, c’est que les voisins immédiats ont une énorme potentialité d’aider, ou de ne pas aider, à la solution en Irak. Et donc, on travaille avec eux tout le temps pour les convaincre que leur engagement positif est crucial.
RFI : L’ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, d’une manière récurrente, accuse surtout l’Iran de ne pas jouer le jeu et de jeter de l’huile sur le feu. Ce n’est donc pas votre impression ?
SdM : Ce que j’ai entendu des Irakiens, et même d’un certain nombre de membres de la coalition, c’est que, dans les derniers mois, il y a eu des indications assez concrètes de bonnes volontés, de la part non seulement de l’Iran, mais aussi de la Syrie. Et peut-être, tout cela a-t-il contribué aussi à la réduction de la violence, et sans doute à donner la sensation qu’ils veulent dialoguer pour des formules meilleures. Donc, honnêtement, je trouve que l’engagement de l’Iran et de la Syrie et des autres pays, comme évidemment la Turquie, le Koweït, l’Arabie saoudite, est crucial. Et c’est la seule formule pour éviter que l’Irak ne tombe dans des problèmes plus graves encore.
Entretien réalisé par Toufik Bennaichouche
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