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Tchad/France

Le soutien au pouvoir en place

par  RFI

Article publié le 05/02/2008 Dernière mise à jour le 05/02/2008 à 13:14 TU

Le ministre français de la Défense, Hervé Morin était l’invité de RFI. Il s'est exprimé sur la position officielle de la France dans le conflit tchadien et a précisé les démarches diplomatiques françaises à l’ONU. En effet, le Conseil de sécurité des Nations unies a condamné hier les attaques des groupes rebelles contre le gouvernement tchadien. Dans sa déclaration, le Conseil appelle les Etats membres, à « fournir au pouvoir tchadien toute l'aide et l'assistance nécessaire pour l'aider à mettre fin à cette agression ».

RFI : Est-ce que cette déclaration qui n’est pas une résolution, va changer la nature de l'engagement des forces françaises au Tchad ?

Hervé MORIN : Non, ça ne change pas en tant que tel l'engagement des armées françaises au Tchad. Ce que cela fait, c'est donner un soutien de la communauté internationale à l'action de la France qui est un soutien absolu, puisque je vous rappelle que cette déclaration de la Présidence a été présentée par la France et trois pays africains du Conseil de sécurité, et c'est à la fois, bien entendu, un soutien à Idriss Déby, c'est un soutien de la communauté internationale à l'intégrité du Tchad, et c'est un soutien à l'action de la France, action que nous avons menée depuis plusieurs jours.

RFI : Quand le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, dit hier soir : «La France espère ne pas avoir à intervenir plus avant militairement au Tchad contre les rebelles». Est-ce que c'est une menace ?

H.M : Non, je crois que ça n'est pas une menace. C'est simplement le fait de rappeler aux rebelles qu'il y a cette espèce d'épée de Damoclès, épée de Damoclès qui est rappelée par la communauté internationale à travers cette déclaration de la Présidence.

RFI : Et quand Nicolas Sarkozy, hier en Roumanie, disait : «Si le Conseil de sécurité vote ce texte, celui qui donc a été adopté, la France sera disposée à se tenir encore davantage aux côtés de ses amis». Comment faut-il comprendre cette déclaration ?

H.M : Je crois qu'il faut la comprendre comme un message ferme adressé par la communauté internationale aux rebelles. On sait comment Idriss Déby est arrivé au pouvoir. Ce qu'on a oublié, c'est qu'entre temps il y a eu des élections, notamment des élections en 2005 ou en 2006, qui ont été des élections qui ont été contrôlées par des observateurs internationaux. Ces élections ont été considérées comme parfaitement démocratiques. Donc, il y a un pouvoir légitimement élu et que cet aspect des choses ne doit pas être oublié.

RFI : Alors, est-ce que la situation militaire est claire aujourd'hui. Le gouvernement affirme que les rebelles sont en pleine «débandade», c'est le terme qui a été employé par le ministre des Mines. Mais l'alliance rebelle affirme pour sa part que le départ de Ndjamena n'était qu'un retrait purement technique et qu'une colonne de renforts est attendue sous peu pour relancer l'offensive sur la capitale. Si cette colonne se présente, quelle sera la réaction des forces françaises ?

H.M : Ce qu'il faut savoir, c'est que la situation reste incertaine même si, de toute évidence, Idriss Déby, chaque heure qui passe, marque des points. De toute évidence, Ndjamena désormais est sous le contrôle de l'armée nationale tchadienne. De toute évidence, chaque jour, chaque heure permet de montrer qu’Idriss Déby reprend la main sur l'ensemble du territoire, que les choses s'améliorent pour lui. Il reste encore des colonnes rebelles, il reste encore des forces rebelles, il reste encore les deux leaders de ces forces rebelles. Voilà quelle est la situation. Quant à ce que ferait la France, ce sont des hypothèses pour l'instant qu'on n'imagine pas.

RFI : Parce que vous pensez que la situation ne va pas se présenter ?

H.M : Parce que nous ne constatons pas de colonnes rebelles arrivant en soutien, pour tout vous dire.

RFI : c'est-à-dire, vous ne voyez rien venir ?

H.M : Exactement.

RFI : Les autorités françaises répètent depuis plusieurs jours qu'elles ne veulent pas intervenir directement dans le conflit parce que c'est un conflit tchado-tchadien. Est-ce que vous en êtes absolument sûr ? Est-ce vous êtes sûr qu'aucune puissance étrangère n'est impliquée ?

H.M : Je rappelle que le cadre d'une intervention militaire française dans un pays, c'est un cadre qui correspond à deux cas de figure. Le premier cas de figure, c'est non pas un accord de coopération militaire comme nous avons avec le Tchad : la France a signé avec le Tchad un accord de coopération militaire selon lequel nous apportons le soutien, la logistique, la santé, la formation. Mais en aucun cas, il ne s'agit d'un accord de défense, c'est-à-dire d'un accord qui donnerait à la France l'obligation d'intervenir pour protéger la souveraineté du dit pays.

RFI : Est-ce que la frontière est bien définie ? Un soutien logistique, ça va jusqu'où ?

H.M : Bien sûr. Et le second cadre de l'intervention d'une force française, c'est le cadre d'un mandat donné par les Nations unies dans le cadre d'une résolution. Voilà quel doit être le cadre de l'intervention des forces françaises, et voilà le cadre dans lequel le président de la République a souhaité que nous inscrivions notre action.

RFI : Est-ce que vous êtes sûr donc qu'aucune puissance étrangère n'est impliquée dans ce conflit ?

H.M : Ce qui est certain, c'est que ces forces rebelles étaient du côté de la frontière soudanaise. Ce que nous pourrons savoir probablement dans les jours qui viennent, c'est exactement quelle a été l'implication des Soudanais dans notamment dans l'action militaire qui a été celle des forces rebelles.

RFI : Le Président Sarkozy a demandé à l'aviation française de survoler la frontière avec le Soudan pour vérifier qu'il n'y a pas d'incursion étrangère. Est-ce que ça a été fait ? Qu'est-ce que ça donne ?

H.M : Oui, ça a été fait, c'est fait même en permanence depuis trente six heures. On a à la fois des mirages F1 CR, c'est-à-dire des mirages de reconnaissance, et aussi des Atlantique 2 qui sont des avions de la marine nationale, de patrouille, qui donc survolent la zone, à la fois pour clairement indiquer qu'il n'y a pas de raison qu'une puissance étrangère vienne intervenir sur le territoire tchadien, puisque c'est ce qui était déclaré par Idriss Déby. Et puis, par ailleurs, ça nous permet de pouvoir contrôler et vérifier les interventions soi-disant étrangères, et pour l'instant, nous n'avons rien vu.

RFI : Nicolas Sarkozy, toujours hier, expliquait que le déploiement de la force européenne, l'EUFOR, de protection des réfugiés du Darfour, ne pourra se faire, je le cite, «que lorsqu'un minimum de paix sera revenu au Tchad». C'est une notion un peu floue «un minimum de paix» ? Concrètement, le déploiement va être retardé dans quelles proportions ?

H.M : Il a été suspendu ce déploiement jusqu'à mercredi, c'est-à-dire jusqu'à demain, puisque bien entendu, il fallait que nous y voyons un peu plus clair. Probablement que nous prendrons un peu plus de temps pour le faire. Ce sera, j'allais dire, au commandant d'EUFOR de constater si les conditions sont réunies pour continuer le déploiement. Ce qui est évident, c'est que la crise que nous venons de vivre démontre l'utilité et la pertinence de ce déploiement d'une force européenne à l'est et au sud du Tchad, notamment pour assurer la sécurité de cette zone que l'on appelle «le Darfour».

RFI : Et Nicolas Sarkozy disait «Nous aurions souhaité qu'elle se déploie avant. Et si tous les pays avaient fait preuve du même allant que la France, elle aurait été déployée». Est-ce que c'est un reproche ?

H.M : Honnêtement pour moi qui suis Européen convaincu, ça fait toujours un peu de peine de constater qu'il faille plus de quatre mois pour arriver à réunir trois mille ou trois mille cinq cents hommes avec les moyens nécessaires pour permettre à l'Europe de remplir un mandat qui lui a été donné par l'ONU, et que nous avons réclamé, nous la France au titre de l'Europe.

RFI : Mais est-ce que ce n'est pas justement parce que les alliés de la France ont le sentiment que cette force pouvait être un soutien trop direct à Idriss Déby ?

H.M : Oui, c'est toujours ce qu'on a dit, mais à côté de ça, vous aurez constaté que depuis trois ans ou quatre ans, l'ensemble de la communauté internationale, des intellectuels, réclamaient, revendiquaient une intervention internationale au Darfour. C'est la France qui a porté cette résolution, ces deux résolutions au sein des Nations unies. L'une pour la partie soudanaise, l'autre pour la partie tchadienne et centrafricaine. C'est la même zone. Ce qu'on a fait, je pense, nous l'avons bien fait. A côté de ça, il y a des éléments positifs qu'il ne faut pas du tout négliger. On voit arriver dans le cadre de ce déploiement des forces européennes qui n'ont pas l'habitude d'intervenir en Afrique. Je pense aux Irlandais, je pense aux Polonais, je pense aux Autrichiens, je pense aux Suédois, je pense à tous les pays nouveaux entrants au sein de l'Union européenne qui sont arrivés, qui participent avec enthousiasme. Et donc, il y a à la fois un nouvel élan qui n'est pas l'élan traditionnel qu'on connaissait. C'est vrai qu'on aurait aimé une présence plus importante, nos amis allemands, britanniques. Ca, ce n'est pas la peine de se le cacher.

RFI : Revenons un instant sur la situation militaire. Si on vous a bien compris, la perspective d'une nouvelle offensive des rebelles aujourd'hui est faible ?

H.M : Non, les rebelles ont encore des moyens militaires. Donc, la situation reste incertaine. La victoire d'Idriss Déby n'est pas définitivement scellée. Vous me demandiez si on voyait des colonnes supplémentaires arriver ? Je disais qu'on ne les voyait pas. Ce n'est pas tout à fait pareil.

RFI : Et puis, plusieurs dirigeants de partis politiques, d'opposition, ont été arrêtés ces derniers jours à Ndjamena. Est-ce que la France compte demander des explications au pouvoir légitime, c'est la terminologie officielle, au pouvoir légitime qu'elle soutient ?

H.M : Laissez-nous le temps déjà de terminer l'évacuation de nos ressortissants, la protection des ressortissants étrangers. Laissez-nous vingt-quatre heures ou quarante huit heures avant que nous n'abordions ces questions.

RFI : Et elles seront abordées ?

H.M : On va voir. Vous savez moi, je me méfie des rumeurs. J'en ai beaucoup entendues pendant trois jours. Etant un peu plus informé que les autres, j'ai souvent constaté qu'il y avait toujours une série de rumeurs qui ne correspondaient pas à grand chose. Donc, laissez-nous le temps d'observer les choses tranquillement avant que nous puissions répondre à vos questions.