par François Cardona
Article publié le 07/02/2008 Dernière mise à jour le 07/02/2008 à 19:43 TU
Le ministre allemand de la Défense, Franz-Josef Jung parle à ses soldats lors de sa visite au camp Marmal, en Afghanistan, le 30 janvier 2008.
(Photo : Reuters)
La tension était latente ce jeudi à Vilnius, en Lituanie, lors de la réunion informelle des pays membres de l’OTAN. Au cœur des discussions, l’engagement de l’Alliance Atlantique en Afghanistan, sous le mandat de l’ISAF (Force Internationale d’assistance à la sécurité). Cette semaine, les Etats-Unis s’étaient déjà heurtés à un refus poli, mais catégorique, de l’Allemagne. En dépit des pressions exercées par Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, Berlin n’enverra pas de renfort dans le sud de l’Afghanistan, où se déroulent les combats les plus meurtriers contre les talibans.
Pas « prêts à tuer »
L’Allemagne refuse catégoriquement que les opérations en Afghanistan de son armée, la Bundeswehr, puissent « coûter la vie [à ses soldats] et qu’ils [soient] prêts à tuer si la situation l’exige », comme l’a souligné le commandant norvégien de la force de réaction rapide, Kjell Inge Baekken. Une situation à laquelle sont régulièrement confrontés les soldats britanniques, américains, mais aussi australiens et néerlandais, engagés dans les combats contre les talibans dans le sud du pays.
Berlin a donc rappelé aux Etats-Unis que son mandat, fixé par le Bundestag, excluait un engagement dans le sud du pays. Actuellement 3 200 soldats allemands sont stationnés dans le nord de l’Afghanistan, ce qui fait de l’Allemagne le troisième pays contributeur au contingent de plus de 43 000 soldats déployés par l’OTAN, après les Etats-Unis (29 000) et la Grande-Bretagne (7 800).
Contrepartie allemande
Face au courroux de Washington, l’Allemagne à tenu à rappeler qu’elle intervenait régulièrement sur tout le territoire afghan avec ses appareils de transport Transall et ses avions de reconnaissance Tornado. Le parlement allemand autorise également son armée à opérer ponctuellement et en cas d’urgence dans le sud du pays. Le ministre allemand de la défense, Franz Josef Jung, a d’ailleurs assuré: « si nos amis sont en difficulté, nous les aiderons ».
L’Allemagne a néanmoins accepté d’envoyer des renforts dans le nord de l’Afghanistan, pour prendre en charge la force de réaction rapide – un corps de réserve – en remplacement d’un contingent norvégien. A partir de cet été, environ 200 hommes de la Bundeswehr seront donc basés dans la base de Mazar-e Sharif.
Offensives meurtrières
Toutefois cette contrepartie concédée par Berlin aux Etats-Unis ne modifie en rien la position adoptée par le Bundestag, selon laquelle ses militaires sont en Afghanistan pour participer à une mission de maintien de la paix et non à des offensives meurtrières.
Or, comme l’a martelé Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat américaine, mercredi à Londres, l’OTAN n’a plus seulement une « mission de maintien de la paix ». Désormais, c’est à « un combat contre des insurgés » auquel les militaires de l’ISAF doivent prendre part. Ce changement de mission des soldats sur le terrain ne convient pas à l’Allemagne. Les hautes instances militaires de la Bundeswehr lui préfèrent la « comprehensive approach », qui associe opérations civiles et militaires.
Le ministre allemand de la Défense, Franz Josef Jung, a enfoncé le clou en déclarant mercredi que la guerre en Afghanistan ne serait jamais gagnée uniquement grâce à des renforts de troupes : « J’ai parfois l’impression qu’on se concentre sur la force militaire aux dépens du développement et de la reconstruction. Si nous délaissons ces aspects nous commettrons une grosse faute » a-t-il assené.
« Non ! »
Depuis 2001, vingt-cinq soldats allemands sont morts en Afghanistan. L’opinion allemande adhère peu à ce conflit mené très loin de son territoire et dans lequel les soldats de la Bundeswehr pourraient prendre une part plus active. Selon un sondage Forsa pour la chaine privée N-TV, 85% des Allemands sont opposés à une extension du mandat de leur armée dans le sud de l’Afghanistan.
Une majorité de députés du Bundestag est également contre. Impossible, donc, pour la chancelière allemande, Angela Merkel, de mettre cette question si sensible au vote. D’autant que le célèbre « non ! » de Gerhard Schröder à la guerre en Irak en 2003 est encore vif dans les mémoires. L’Allemagne, contrairement à la France, ne prendra donc pas le risque de s’engager davantage dans le conflit afghan. D’autant que ces derniers mois les attaques se sont multipliées dans le nord du pays.
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