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Concurrence

Le nouveau livret A sur les fonds baptismaux

par Myriam Berber

Article publié le 11/02/2008 Dernière mise à jour le 11/02/2008 à 17:01 TU

C’est lundi 11 février 2008 que tombe l’ultimatum posé par la Commission européenne à la France pour « banaliser » le livret A, jusque-là exclusivement distribué par la Banque postale et les Caisses d’Epargne. Au nom de la libre concurrence, Bruxelles a en effet demandé à Paris de distribuer ce produit d’épargne populaire dans tous les réseaux bancaires de France. Paris devrait demander à Bruxelles un délai supplémentaire, à savoir janvier 2009, pour la mise en place de la réforme.

La Commission européenne a décidé de mettre fin au régime actuel de distribution du livret A. Bruxelles donnait à la France jusqu’en février 2008 pour jeter les bases de la banalisation du livret d’épargne. En juin 2006, Bruxelles a engagé une procédure d’infraction à l’encontre de la France. Depuis, Paris n’a eu de cesse de défendre l'importance de ce produit d'épargne qui sert à financer le logement social et aux plus défavorisés qui l’utilisent comme un compte courant.

Ce livret qui n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu est, en effet, très populaire auprès des Français. Rémunéré à 3,50%, il est aujourd’hui détenu par près de 46 millions de personnes et représente plus de 130 milliards d'euros d'épargne. L’épargne ainsi collectée est centralisée à la Caisse des Dépôts (CDC) qui les prête à des taux avantageux aux organismes constructeurs de logements sociaux. L'encours total des prêts consentis par la CDC, consacrés au logement et à la rénovation urbaine, se monte à près de 85 milliards d'euros.

Modifier les règles de centralisation de la collecte

La ministre française de l’Economie et des Finances a présenté, mercredi 6 février 2008, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, ses propositions pour le futur livret A. Sur la base du rapport établi par l’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus, Christine Lagarde souhaite distribuer le livret A par tous les établissements bancaires. A charge pour eux de reverser à l’Etat une commission de 0,4% des sommes déposées. Actuellement, la rétribution des Caisses d’Epargne et de la Banque postale est fixée à respectivement 1% et 1,3%. Christine Lagarde estime que ce taux unique de 0,4% permettra de réaliser « un milliard d’euros d’économies » pour financer le logement social.

Mais la ministre des Finances craint toutefois qu’avec la baisse de leur taux de rémunération, les banques soient moins incitées à diriger l’épargne des particuliers vers le livret A et que les sommes collectées diminuent. C’est pourquoi Christine Lagarde a retenu la possibilité pour les banques de conserver une partie des fonds de la collecte, alors qu’aujourd’hui la Banque Postale et les Caisses d’Epargne doivent en transmettre l’intégralité à la CDC.

Un « livret spécial » pour les plus démunis

Christine Lagarde souhaite également faire du nouveau livret A un « pur produit d’épargne ». Il ne pourra plus servir de compte courant pour domicilier des revenus et effectuer des retraits. Or jusqu’à présent, pour quelque 400 000 personnes rejetées par les banques, il restait l’unique outil de bancarisation. Prenant en compte cette question, Christine Lagarde propose donc la création d’un livret spécial destiné à favoriser l’accessibilité bancaire pour les personnes en difficulté. L’objectif est d’éviter l’exclusion qui résulterait de la transformation du livret A. Le taux de rémunération de ce livret spécifique devrait être supérieur de 0,4 point au livret A classique.

Les opposants à cette réforme se multiplient. Une centaine de membres des syndicats de la Banque de France, de la Caisse des dépôts, des Caisses d’épargne et de la Poste et d’associations intervenant dans le logement social dont le Droit au Logement (DAL) estiment que la banalisation du livret A entraînera le « démantèlement d’un pan essentiel du financement du logement social ». Les associations de défense des consommateurs comme UFC-Que Choisir appellent aussi les consommateurs à rester vigilant. Du côté des dirigeants de la Banque Postale et du réseau des Caisses d’Epargne, l’inquiétude est vive. Ils estiment qu’ils ne sont pas préparés à l’ouverture à la concurrence. La banalisation du livret A pourrait entraîner une baisse de ressources pour leurs établissements. Pour les Caisses d’Epargne, la diminution de leur commission de 1% à 0,4% va entraîner une chute de 6% de leur chiffre d’affaires et risquerait de conduire à la fermeture de 1 000 agences.

La ministre de l'Economie Christine Lagarde doit rencontrer, mardi 12 février 2008, la commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, pour lui demander un délai supplémentaire, à savoir janvier 2009, pour la mise en place de la réforme.

Reine-Claude Mader

Secrétaire générale de l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV)

« Il y a la remise en cause d'un des rôles que jouait le Livret A : servir de compte de dépôt pour les personnes qui ont très peu de revenus. »

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12/02/2008 par Claire Fages