par Léa Lankoandé
Article publié le 12/02/2008 Dernière mise à jour le 13/02/2008 à 13:09 TU
Six membres présumés d'al-Qaïda, actuellement détenus à Guantanamo, ont été inculpés lundi. Thomas Hartmann, conseiller militaire du Pentagone, chargé des poursuites judiciaires, a annoncé les charges retenues contre eux. Soupçonnés d'être directement impliqués dans les attentats du 11-Septembre, qui avaient fait près de 3 000 morts en 2001, ils sont notamment poursuivis pour conspiration, meurtre, terrorisme et soutien matériel au terrorisme. « Ces charges supposent un plan organisé à long terme par al-Qaïda et très sophistiqué pour attaquer les Etats-Unis », a-t-il souligné.
Khaled Cheikh Mohammed est soupçonné d'être l'organisateur des attentats du 11-Septembre. Les cinq autres inculpés sont Wallid ben Attash qui aurait entraîné les pirates de l'air ; Ramzi ben al-Shaiba et Mohammed al-Qahtani, soupçonnés d'avoir été désignés pour être pirates de l'air mais qui n'ont pas obtenu de visa pour les Etats-Unis ; Ali Abd al-Aziz Ali, le neveu de Cheikh Mohammed et Mustafa Ahmed Al Hawsawi, qui auraient financé les attentats.
Thomas Hartmann a précisé que les procureurs militaires avaient demandé que les six inculpés soient jugés ensemble par un tribunal militaire d'exception et passibles de la peine de mort. C'est la première fois qu'un tribunal militaire de Guantanamo émet un acte d'accusation contre des personnes directement impliquées dans les attentats du 11-Septembre. Susan Crawford, la juge en charge du dossier, doit approuver l'acte d'accusation. Son feu vert est indispensable à la tenue d'un éventuel procès qui ne s'ouvrira pas avant plusieurs mois.
Les tribunaux militaires d'exception
Les attaques du 11 septembre 2001 ont poussé l'administration Bush à lancer sa « guerre contre le terrorisme ». Les tribunaux militaires d'exception ont été créés peu après pour juger les prisonniers soupçonnés de terrorisme. Initialement, les règles autorisaient les militaires à exclure les accusés de leur propre procès, permettaient les déclarations faites sous la torture, et interdisaient l'appel devant une cour indépendante. La Cour suprême, la plus haute juridiction des Etats-Unis a invalidé le système en 2006, mais le Congrès a rétabli ces tribunaux en y incluant quelques droits. Les accusés pourront faire appel devant la Cour suprême. Seuls les inculpés d'origine étrangère sont jugés par ces tribunaux, dont les procès se déroulent toujours à huis clos. Aucun réel procès n'a encore eu lieu devant ces tribunaux qui sont très contestés par les associations de défense des droits de l'Homme.
Khaled Cheikh Mohammed avait reconnu lors d'une audience militaire être le cerveau des attentats du 11-Septembre. Néanmoins, ces aveux pourraient être remis en cause depuis que la CIA a reconnu, la semaine dernière, avoir utilisé la pratique du « waterboarding » durant les interrogatoires du terroriste présumé. Cette technique qui simule la noyade est considérée comme une torture par les organisations de défense des droits de l'Homme. Pour une responsable de l'organisation Human Rights Watch, « pouvoir exécuter quelqu'un avec des preuves obtenues grâce à la technique du simulacre de noyade, ou après des périodes prolongées de privation de sommeil n'est pas acceptable ». Selon Thomas Hartmann, ce sera au juge militaire de déterminer quelles preuves sont recevables.
Encadré : Khaled Cheikh Mohammed
Il était chef militaire et responsable des opérations terroristes menées en Occident pour al-Qaïda avant son arrestation en mars 2003 au Pakistan. Il a reconnu au cours d'une audience militaire être lié à une trentaine d'attentats ou projets d'attentat. Il s'est notamment attribué les attaques du 11 septembre 2001, mais également les attentats du World Trade Center de 1993, de la discothèque de Bali en 2002 et l'assassinat du journaliste Daniel Pearl, enlevé et tué à Karachi alors qu'il enquêtait sur des groupes islamistes extrémistes.
Dès leur annonce, les organisations de défense des droits de l'Homme ont dénoncé les inculpations des six membres présumés d'al-Qaïda, et le recours à ces tribunaux d'exception. Amnesty International a dénoncé le recours à un tribunal militaire spécial, dont elle a mis en doute l'équité et l'impartialité, pour juger les six hommes. L'organisation appelle la communauté internationale à « inciter les Etats-Unis à renoncer à ces tribunaux militaires d'exception et à mener des procès devant des tribunaux indépendants et impartiaux, sans avoir recours à la peine de mort ».
« Un système de tribunaux militaires défaillants »
L'organisation de défense des libertés (ACLU) a également pointé du doigt la volonté de requérir la peine capitale « malgré un système de tribunaux militaires défaillants qui n'a pas jugé un seul cas à ce jour ».
Hamilton Peterson, dont le père et la belle-mère sont décédés le 11 septembre 2001, a annoncé qu'il était favorable au procès et à la peine de mort : « Je ne vois pas comment quelqu'un pourrait considérer la peine de mort inappropriée pour le meurtre d'environ 3000 personnes », a-t-il annoncé.
Les procédures devant les tribunaux spéciaux, mis en place par George Bush, semblent s'accélérer. Les procureurs militaires semblent vouloir renforcer la crédibilité de ces tribunaux à l'approche de la fin du mandat du président en janvier 2009. Deux autres détenus, soupçonnés d'avoir travaillé pour Oussama Ben Laden ont ainsi été inculpés vendredi. Poursuivis pour complot en vue de commettre divers crimes de guerre, ils risquent la perpétuité.