Article publié le 13/02/2008 Dernière mise à jour le 13/02/2008 à 16:40 TU
Nicolas Sarkozy et Lula durant leur conférence de presse sous un petit chapiteau au bord du fleuve Oyapock au camp de la Légion étrangère.
(Photo : Frédéric Farine/RFI)
De notre correspondant en Guyane, Frédéric Farine
« Cette rencontre est historique pour nous, d'autant plus qu'un pont va relier ces deux pays. Nous attendons que les problèmes de sécurité se résolvent et que des échanges commerciaux se mettent en place », confie Françoise, habitante de Saint-Georges-de-l'Oyapock, au milieu des quelques centaines de Français et Brésiliens venus honorer joyeusement, derrière des barrières, ce rendez-vous entre Nicolas Sarkozy et son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. « J'attends beaucoup de cette rencontre puisque Sarkozy a déclaré lundi qu'il allait nettoyer la forêt guyanaise des clandestins. Ce sera une opération commando. Il faut trouver un accord avec le président Lula afin de renforcer aussi la surveillance de l'autre côté de la frontière », estime Julio venu de Cayenne, à 200 km par la route.
Vers 11 heures, Nicolas Sarkozy descend de l'hélicoptère qui l'amène de Cayenne avant de se diriger vers le ponton du fleuve Oyapock pour attendre son homologue brésilien. Quelques minutes plus tard, escorté d'une flottille d'embarcations avec des hommes en armes, la vedette de Lula fait son apparition. Le président brésilien arrive d'Oiapoque (20 000 habitants) à 4 kilomètres en amont sur la rive brésilienne.
Lula plus populaire que Sarkozy mais moins disert sur l'orpaillage clandestin
Sur la place de Saint-Georges, le nom de Lula, décontracté et en chemisette, est scandé dans une ambiance de mini-stade brésilien. Nicolas Sarkozy récolte quelques applaudissements. Les deux hommes s'enferment dans la mairie. Leur discussion accouche d'un catalogue de bonnes intentions, dévoilé au cours d'une conférence de presse sous un petit chapiteau dressé dans le camp de la légion étrangère de Saint-Georges. « Il nous faut mettre à plat un certain nombre de questions pour lesquelles les solutions nécessitent la collaboration entre le Brésil et la France : je pense au problème de la pêche, de l'orpaillage et de l'immigration. Nous seront d'une fermeté totale contre les trafics et les trafiquants », soutient Nicolas Sarkozy en précisant : « mais la politique de la France c'est l'ouverture avec le Brésil ».
« Quand on a 700 km de frontière avec un géant pareil, c’est une opportunité, ce n’est pas un risque et je n’ai pas l’intention de mettre la Guyane française sous cloche. »
A l'inverse de son homologue français la veille, Lula, après avoir indiqué que « 20 000 à 30 000 Brésiliens entrent et sortent illégalement de Guyane », n'annonce aucun déploiement immédiat de moyens dans la lutte contre l'orpaillage clandestin qui frappe la Guyane. Pourtant à Oiapoque, une vingtaine de comptoirs d'or récupèrent une grande partie de la production illicite de Guyane. Et des bases arrières de cet orpaillage clandestin sur le sol français ont été construites illégalement sur la rive brésilienne de l'Oyapock : « Plus nos polices travaillerons ensemble, plus nous échangerons des informations, mieux nous lutterons contre le trafic de stupéfiants et le crime organisé », glisse Lula, plutôt laconique sur le sujet. Une déclaration commune signée entre les deux pays à l'issue du point presse marque, pour sa part une volonté « d'intensifier de manière décisive la lutte contre l'orpaillage clandestin avec pour objectif la négociation d'un accord bilatéral au cours de la réunion d'une commission mixte » dont une réunion est annoncée le 29 mai à Cayenne.
Le pont, une volonté commune affichée
Le discours des deux présidents converge en revanche sur le pont entre le Brésil et la Guyane, dont la première pierre se fait toujours attendre : « Ce fameux pont dont on parle depuis 8 ans sans en voir la réalisation », déclare ainsi Nicolas Sarkozy, « les travaux commenceront cette année pour une inauguration en 2010. La déclaration d'utilité publique a été lancée pour réaliser les 5 kilomètres de route côté français ». Cinq kilomètres toujours à l'état de forêt primaire et qui permettront pour 14,5 millions d'euros de rejoindre le lieu prévu pour la construction du pont en amont de Saint-Georges. « 38 millions d'euros pour cet ouvrage (en fait ce sera 18 millions selon la DDE), c'est très peu par rapport au PIB de la France et du Brésil. Des photos ont été prises, des discours ont été faits et le pont n'existe toujours pas. Nous souhaitons l'inaugurer ensemble avant la fin de mon mandat », reprend Lula qui souligne ensuite que : « La France possède déjà des investissements au Brésil de l'ordre de 14 milliards de dollars. La balance commerciale entre le Brésil et la France représente aujourd'hui 7 milliards de dollars par an ».
A Saint-Georges de l'Oyapock, petite bourgade de 3065 habitants, on attend sagement l'arrivée de Nicolas Sarkozy et surtout Lula.
(Photo : Frédéric Farine/RFI)
Interrogé par la presse brésilienne sur le partenariat militaire en cours de négociation, Nicolas Sarkozy indique : « nous sommes prêts à ce qu'un des sous-marins, des hélicoptères et des avions de combat soient fabriqués au Brésil. Mais nous souhaitons que ce partenariat global aille au-delà de la livraison de matériel militaire. Notre ambition est d'agir ensemble plus largement pour la paix ».
Les deux hommes ont convenu de se revoir « fin 2008 au Brésil afin de signer un accord de partenariat stratégique dans les domaines militaire, politique, économique, éducatif et environnemental », déclare encore Nicolas Sarkozy. Le président français termine en insistant de nouveau pour que le Brésil devienne un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et pour que le G8 se transforme en G13 et accueille ce pays voisin de la Guyane. « On ne peut plus imaginer parler des grandes questions du monde sans inviter à la table des discussions un seul pays d'Afrique et un seul pays d'Amérique du Sud. C'est comme si ces deux continents n'existaient pas », estime Nicolas Sarkozy.
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« Dans deux ans, un pont reliera la Guyane française au Brésil. C’est le geste symbolique qui ressort des entretiens entre les présidents Sarkozy et Lula. »
13/02/2008 par Véronique Rigolet