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Colombie / Venezuela

Les FARC ont relâché quatre nouveaux otages

par Stéphanie Schuller

Article publié le 27/02/2008 Dernière mise à jour le 28/02/2008 à 13:17 TU

La libération unilatérale de quatre autres otages est incontestablement un nouveau succès diplomatique pour le président vénézuélien, Hugo Chavez. Mais tandis que la Colombie a ce soir les yeux rivés vers Caracas où les otages se reposent, une question se pose : qu’adviendra-t-il d’un éventuel processus de négociation entre Bogota et la guérilla des FARC, toujours au point mort.
Venezuela. Aéroport de Maiquetia, le 27 février 2008. Des membres des familles des otages colombiens libérés par les FARC sont venus les accueillir.(Photo : AFP)

Venezuela. Aéroport de Maiquetia, le 27 février 2008. Des membres des familles des otages colombiens libérés par les FARC sont venus les accueillir.
(Photo : AFP)

L'opération de sauvetage de quatre otages des FARC s’est déroulée, ce mercredi, en suivant un scénario déjà expérimenté lors de la libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez le 10 janvier : au matin, deux hélicoptères vénézuéliens, portant l’insigne du Comité international de la Croix-Rouge, sont partis de l’aéroport de Santa Domingo, à 650 km au sud-est de Caracas. Direction la jungle colombienne où ils ont récupéré les otages sur un lieu qui leur avait été indiqué auparavant par la guérilla marxiste. A bord des appareils se trouvent, outre des membres de la Croix-Rouge et des médecins, deux membres importants de l’entourage d’Hugo Chavez : il s’agit de la sénatrice colombienne Piedad Cordoba, étroite collaboratrice du président vénézuélien lorsque celui-ci était durant quelques mois le médiateur officiel entre le gouvernement colombien et les FARC, ainsi que de Ramon Rodriguez. L’actuel ministre vénézuélien sert depuis des années de pont entre Caracas et les guerilleros colombiens.

Les otages libérés

L'otage colombienne Gloria Polanco, libérée par les FARC le 27 février 2008. (Photo : Reuters)

Gloria Polanco

Gloria Polanco de Lozada,  est enlevée par les FARC le 26 juillet 2001, dans l’une des opérations les plus spectaculaires menées par la guérilla. En plein centre de Neiva, la capitale du département de Huila, 75 hommes armés, vêtus comme des policiers, attaquent un immeuble du centre ville. Ils enlèvent 14 personnes, dont la parlementaire Gloria Polanco de Lozada, et ses deux fils.

Le mari de la sénatrice, l’ex-gouverneur de Huila, Jaime Lozada, est assassiné par les FARC en décembre 2005. Gloria Polanco de Lozada passe les six premiers mois de sa détention en compagnie de ses enfants. Mais la famille est ensuite séparée. Les fils de l’ex-sénatrice sont libérés au bout de trois ans. Leur mère est la seule otage enlevée au cours de l’opération de Neiva à être encore aux mains des FARC. Récemment, ses proches ont reçu des preuves de vie, notamment par l’intermédiaire de l’ex-otage Consuelo Gonzalez de Perdomo, originaire elle aussi de la région de Huila.


L'otage colombien Orlando Beltran, libéré par les FARC le 27 février 2008. (Photo : Reuters)

Orlando Beltrán

Orlando Beltrán Cuéllar est enlevé par les FARC le 28 août 2001 dans le département de Huila. Il est alors l’un des collaborateurs de Gloria Polanco de Lozada. Ses proches reçoivent des preuves de vie à deux reprises.

 


L'otage colombien Luis Eladio Perez, libéré par les FARC le 27 février 2008. (Photo : Reuters)

Luis Eladio Pérez

Le sénateur Luis Eladio Pérez est enlevé par les FARC le 10 juin 2001 lors d’un voyage dans la région de Narino, où il se rend pour récupérer un véhicule qui lui avait été volé. Luis Eladio Pérez est très proche d’Ingrid Betancourt, avec qui il fait une tentative d’évasion. Sa famille reçoit des preuves de vie lorsque les autorités colombiennes interceptent des membres des FARC, en novembre dernier.


L'otage colombien Jorge Gechem, libéré par les FARC le 27 février 2008.(Photo : Reuters)

Jorge Eduardo Gechem

Jorge Eduardo Gechem est enlevé le 20 février 2002. Son enlèvement conduit le président Andres Pastrana à rompre le dialogue de paix engagé avec les FARC pendant trois ans. Son état de santé est très préoccupant. Dans une lettre rapportée par l’ex-otage Consuelo Gonzalez de Perdomo, il demande à être emprisonné à Cuba plutôt que de rester entre les mains des FARC, en raison de son état de santé.

La libération « unilatérale » des otages constitue pour Hugo Chavez un nouveau succès diplomatique. Une fois de plus, les FARC lui prêtent main forte pour que le tonitruant chef d’Etat vénézuélien puisse s’imposer comme personnage incontournable dans ce dossier épineux des otages. Pourtant, ces dernières semaines, le président Chavez semblait plutôt jouer la carte de la discrétion : « Je ne peux me dédier malheureusement à temps plein à cette affaire (des otages, ndlr) et donc j’y prêterai moins d’attention », avait-il même déclaré le 26 janvier à la surprise générale. Cette retenue soudaine et plutôt contre-nature pour le chef d’Etat vénézuélien pourrait s’expliquer par le revers qu’il a dû encaisser après la libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzalez.

Ce jeudi, 10 janvier, constituait en effet un jour de gloire pour Hugo Chavez. La communauté internationale et surtout le peuple colombien avaient les yeux rivés sur Caracas où le président s’est laissé ovationner en héros, entouré des deux ex-otages et de leurs familles ivres de bonheur. Mais dans ce vent d’enthousiasme, Hugo Chavez commet une erreur stratégique : le lendemain de la libération, il demande à la Colombie ainsi qu’à la communauté internationale de retirer les FARC de la liste des organisations terroristes. Si le Vénézuélien a jugé le moment propice pour lancer une tentative de reconnaissance politique de la guérilla, il s’est visiblement trompé. Il ne gagne en échange que l’incompréhension de la communauté internationale et l’indignation des Colombiens. Ces derniers organisent d’ailleurs une journée de mobilisation sans précédente contre les FARC qui réunit, le 4 février, des centaines de milliers de personnes à travers tout le pays et même à l’étranger.      

Les FARC à la recherche d’une perspective politique

Dans cette situation qui semble leur échapper, les FARC préparent alors un nouveau coup de théâtre : deux jours avant la journée nationale d’action, la guérilla annonce le 2 février, la libération prochaine de trois nouveaux otages. Gloria Polanco, Orlando Beltrán et Luis Eladio Pérez auxquels elle ajoute trois semaines plus tard le nom d’un quatrième détenu, Jorge Eduardo Gechem.

« Si les FARC sont et restent puissantes, capable de mener des actions militaires, de sabotage etc., elles  sont malgré tout très affaiblies et peuvent avoir des problèmes de direction politique qui se manifestent par certaines tensions en leur sein », constate Daniel Pécaut, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris. Ce spécialiste de la Colombie s’accorde avec d’autres observateurs pour dire que la guérilla est en effet actuellement confrontée à un certains nombre de problèmes. Affaiblie par l’offensive militaire menée par l’armée colombienne, elle semble devoir faire face à l’effondrement de ses ressources économique. « On ne sait pas très bien, quel est l’état de santé de Marulanda, le chef historique (des FARC, ndlr) », note Daniel Pécaut. « On a des éléments qui nous permettent de penser qu’il y a certaines tensions entre les dirigeants plus politiques des FARC et les dirigeants plus portés sur l’action militaire ». Dans ce contexte, « le fait de remettre d’autres otages (au président vénézuélien, ndlr) Chavez d’une manière unilatérale,  montre que les FARC tentent ainsi de définir une alliance politique entre le président Chavez et elles-même  ».

Bogota ne veut pas entendre parler de Chavez

Si les FARC tentent par tous les moyens de faire revenir Hugo Chavez dans le processus d’un échange humanitaire, rien ne laisse pour l’instant apparaître que leur démarche sera couronnée de succès. A Bogota, on ne veut pas entendre parler du chef d’Etat vénézuélien ni d’une quelconque perspective politique pour les FARC. Le président Alvaro Uribe continue au contraire à mener la ligne dure contre la guérilla qu’on lui connaît depuis son arrivée au pouvoir en 2002. Fin janvier, il a ainsi annoncé une nouvelle offensive militaire dans la jungle colombienne afin de « localiser et d’encercler les zones où sont détenus les otages » pour « obliger les FARC à négocier », bien évidemment sous les conditions fixées par le gouvernement de Bogota.

Reste maintenant à savoir, si cette nouvelle libération d’otages n’entraînera pas un renversement de l’opinion publique colombienne, qui pourrait pousser Alvaro Uribe à ouvrir des négociations politiques.

Le sort d'Ingrid Betancourt inquiète

« Selon le témoignage de Luis Eladio Perez, elle est très malade et soumise à des conditions inhumaines ; il parle même d'acharnement...»

écouter 2 min 50 sec

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A écouter

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« C’est le retour à la case départ. Les FARC ont libéré 6 otages politiquesmais veulent désormais une négociation directe avec le gouvernement colombien, et donc la création d’une zone démilitarisée... »

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