par Amélie Le Calvez
Article publié le 28/02/2008 Dernière mise à jour le 29/02/2008 à 14:46 TU
La foule attend le passage de Thaksin Shinawatra devant l'aéroport de Suvarnabhumi le 28 février.
(Photo : Reuters)
Ovations, applaudissements, banderoles, cris… la scène ressemble à un retour victorieux. Après 18 mois d’exil volontaire, Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre thaïlandais, a été accueilli jeudi par une foule d’environ 10 000 partisans. A sa sortie de l’aéroport, il s’est prosterné et a embrassé le sol.
En septembre 2006, Thaksin Shinawatra, Premier ministre depuis cinq ans, est chassé du pouvoir par un coup d’Etat militaire. Il est alors accusé de corruption et d’abus de pouvoir. Une enquête sur une transaction immobilière, suspectée frauduleuse, est ouverte. Il s’expatrie avec sa famille à Londres.
Des faits que celui-ci qualifie, aujourd’hui, comme « montés de toutes pièces. Ma réputation a été salie et je me dois de la réparer ». Déclaration faite lors de sa première conférence de presse depuis son retour d’exil. Dès son arrivée, il a dû se présenter devant la Cour suprême. Il a été libéré sous caution de 250 000 dollars avec l’interdiction de quitter le pays sans autorisation des juges.
Un retour, trois objectifs
Selon Arnaud Leveau, directeur adjoint de l’IRASEC (institut de recherches de l’Asie du Sud-Est contemporaine), Thaksin Shinawatra revient en Thaïlande avec un triple objectif. Le premier étant de mieux contrôler le Premier ministre Samak Sundaravej. Elu en décembre 2007, l’actuel gouvernement est composé d’anciens partisans du parti de Thaksin Shinawatra, le Thai rak Thai, aujourd’hui interdit et dissout.
L’actuel Premier ministre semble prendre ses aises et donne des signes d’émancipation. D’après Arnaud Leveau, « il essaye de contrôler un certain nombre de dossiers notamment la gestion de mégaprojets. Qui dit mégaprojets dit contrats importants. Ce qui déplaît à Thaksin ».
« Thaksin revient en Thaïlande avec un triple objectif… »
Banni de la politique pour une période de cinq ans, l’ancien Premier ministre ne pouvait pas s’exprimer sur un retour imminent en politique, il a ainsi déclaré souhaiter vivre comme un simple citoyen et ne plus vouloir se mêler de politique. « Je crois que dans ma vie, j’ai consacré beaucoup à mon pays et à la politique. Je ne veux plus faire de politique ». Sa relation intime avec le gouvernement actuel ne fait aucun doute. Pour exemple, le ministre des Affaires étrangères actuel est l’ancien avocat de Thaksin Shinawatra.
Aux yeux des observateurs, il est difficile d’imaginer une rupture totale avec le monde politique. « Thaksin souhaite plutôt attendre, voir comment les choses vont évoluer, comment les manifestations hostiles à son retour vont se développer et ensuite, peut-être au terme de prochaines élections, cherchera-t-il à revenir au pouvoir. Mais ce n’est pas pour aujourd’hui », estime Arnaud Leveau.
Il est probable que Thaksin Shinawatra essayera d’obtenir la libération de son argent bloqué sur ses comptes bancaires. Son accointance avec le gouvernement pourrait lui servir pour négocier la levée du gèle de ses avoirs qui s’élèvent à 1 600 000 000 dollars. La troisième raison de ce retour anticipé pourrait être la nomination des futurs membres du Conseil constitutionnel qui aura lieu au mois de juin. Pour Arnaud Leveau, si Thaksin Shinawatra « arrive à faire nommer des proches, il aura, sans doute, moins de difficulté à faire lever le gèle de ses avoirs ».
Les langues se lient
Concernant la suite de ses différents ennuis judiciaires, les enquêtes ont peu progressé. Des fonctionnaires pouvant témoigner contre Thaksin Shinawatra avaient refusé de le faire tant qu’ils ne seraient pas sûrs que celui-ci ne reviendrait pas en Thaïlande. Suite à ce retour, « les bouches vont se fermer. Il est difficile de crier au loup quand le loup est déjà là ! », pense Arnaud Leveau. L’ancien Premier ministre devra se présenter le 12 mars pour la première audience de son procès. On ne s’attend pas à de grands bouleversements.
Sur le même sujet