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Malaisie

Législatives sur fond de tensions ethniques

Article publié le 07/03/2008 Dernière mise à jour le 08/03/2008 à 03:01 TU

Le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi, pourtant impopulaire, est sûr de remporter de nouveau les élections avec sa coalition.(Photo : AFP)

Le Premier ministre Abdullah Ahmad Badawi, pourtant impopulaire, est sûr de remporter de nouveau les élections avec sa coalition.
(Photo : AFP)

Plus de dix millions d’électeurs malaisiens sont appelés aux urnes pour les élections législatives ce 8 mars. Le Premier ministre, Abdullah Ahmad Badawi, avait dissous le Parlement le 13 février dernier. Outre les tensions ethniques, le pays était ébranlé par des manifestations de rue à répétition contre la flambée des prix de l’essence et des denrées de base. Les observateurs craignent un fort taux d’abstention. Mais la coalition au pouvoir, qui gère le pays depuis une cinquantaine d’années, est quasiment assurée de remporter les élections. Elle est composée de trois partis qui représentent chacune des communautés ethniques du pays : un parti malais, un parti chinois, et un parti indien. Toutefois, une question agite les esprits : que va devenir le parti indien ? En effet, la petite communauté indienne (7% de la population), a fait entendre son mécontentement récemment, ce qui pourrait se traduire dans les votes.

De notre envoyée spéciale en Malaisie, Solenn Honorine

Cela fait plus de deux siècles que les premiers Indiens sont arrivés en Malaisie. Mais aujourd'hui encore, ils sont à la traîne économiquement ce qui révolte des gens comme Datuk Vaitilingam, un Indien de 73 ans. « On les a importés ici en tant que travailleurs, et débarqués dans la jungle, et là on leur a dit : c’est là que vous allez travailler. Ils ont rasé la jungle, construit les routes, installé les plantations, bâti les lignes de chemin de fer, de communication… tout ça, c'est le résultat du labeur des Indiens, qui étaient traités comme des esclaves par les Britanniques. Alors on leur doit une grosse dette, à la communauté indienne ».

Aujourd'hui encore pourtant, la communauté indienne reste plus pauvre que la moyenne, formée en grande partie de travailleurs non qualifiés. Ils ont le sentiment d'être les laissés pour compte dans ce pays multiracial, où la communauté chinoise est plus aisée financièrement, tandis que la majorité malaise domine la politique et bénéficie d'avantages grâce à une vieille politique de discrimination positive.

Cette frustration, la communauté indienne l'a exprimée, l'année dernière, lors de grosses manifestations – du jamais vu dans ce pays très policé. « La foule voulait dire, une bonne fois pour toutes : On en a marre de vous. On veut du changement. On veut pouvoir être respectés en tant que citoyens de ce pays. On veut jouir de nos droits, de l'égalité qui nous est promise dans la Constitution ! C'est ça que les gens voulaient dire ce jour-là, et ça a été un grand succès », rapporte K. Arumugam, un leader communautaire qui faisait partie du mouvement.

Marre d'être à la traîne économiquement, marre de ne pas être entendus. Le message est passé, mais à quel prix ? La manifestation a été dispersée au canon à eau et gaz lacrymogène, et les cinq leaders du mouvement ont été arrêtés en vertu d'une loi de sécurité nationale, qui autorise le gouvernement à les garder indéfiniment en prison, sans procès. Malgré cette intimidation, la motivation des Indiens n'a pas disparu, assure K. Arumugam. « Dès que l'on a annoncé la tenue des élections, des groupes se sont formés pour pousser les Indiens à voter en faveur de l'opposition. Parce qu'on a l'impression que le parti qui nous représente au gouvernement n'obtient aucun résultat. Alors on n'a pas le choix, il ne nous reste que la confrontation, afin de dire au gouvernement « on n'est pas satisfaits ».

Le sort du MIC, le parti indien dans la coalition au pouvoir, reste donc l'une des inconnues du scrutin de demain. Certes, comme sa base ne représente que 7% de l'électorat, même s'il s'effondre, cela ne changera pas l'issue du vote qui devrait revoir la coalition largement réélue. Mais symboliquement, le coup sera fort car les trois partis, malais, chinois, indiens, ont toujours gouverné ensemble la Malaisie indépendante, comme un symbole de l'harmonie interraciale dont se targue le pays.