par Myriam Berber
Article publié le 12/03/2008 Dernière mise à jour le 12/03/2008 à 18:46 TU
Plusieurs salariés de Renault travaillant au technocentre de Guyancourt (Yvelines) se sont suicidés.
(Photo : AFP)
Renault, PSA, EDF, Areva, IBM, ou plus récemment La Poste, France Télécom ou encore les banques HSBC ou BNP Paribas, de nombreuses entreprises françaises ont été confrontées ces dernières années au suicide d’un ou plusieurs salariés sur leur lieu de travail. A plusieurs reprises, le technocentre du constructeur automobile Renault à Guyancourt dans les Yvelines a été évoqué suite à des suicides d'employés. Trois salariés avaient mis fin à leurs jours entre novembre 2006 et février 2007 suscitant une vive émotion au sein et en dehors du groupe. Un nouveau cas vient d'être signalé.
Pour faire le point sur la question, le ministre français du Travail Xavier Bertrand a commandé un rapport. Deux experts, l’économiste Philippe Nasse, statisticien et le médecin psychiatre Patrick Légeron, viennent de remettre leur travail. Les deux auteurs préconisent de prendre réellement la mesure des souffrances psychologiques au travail, via une enquête annuelle mêlant « les conditions sociales de travail du salarié et son état psychologique », enquête qui devra «identifier les secteurs et les branches où le stress est supérieur à la moyenne ». Ces souffrances liés au travail sont à la fois morales et physiques. Il s’agit de harcèlement moral, dépression, suicide, mais également des troubles musculo-squelettiques.
Un recensement des suicides au travail
Xavier Bertand a annoncé qu’il proposerait, lors de la prochaine conférence entre le gouvernement et les partenaires sociaux sur les conditions de travail, prévue au printemps, l’idée de «négociations obligatoires pour la détection et la prévention du stress» dans les secteurs les plus touchés. L’Institut national des statistiques (Insee) devrait être chargé de la conception de cette enquête. Les investigations médicales, confiées à l'Institut national de la Santé et de la recherche médicale (Inserm), comprendront un recensement des suicides sur le lieu du travail ou dans le contexte du travail. Celui-ci sera mené par l'Institut de veille sanitaire (Invs), en liaison avec les Caisses régionales d’assurance maladie (CRAM).
La démarche des deux experts se veut également pragmatique. Outre l’enquête annuelle, ils proposent aussi d’utiliser l’ensemble «des indicateurs spécifiques» qui existent déjà sur la question, comme les études de la médecine et de l’inspection du travail. Ils préconisent également des actions concrètes de prévention, comme par exemple la mise en place de formations pour les cadres dirigeants, d’une campagne publique d’information et le lancement d'un portail internet pour informer chefs d’entreprises et salariés. L’objectif est de mettre la France au niveau des pays les plus vertueux, comme par exemple, ceux de Scandinavie et le Canada.
Les conséquences économiques du stress sont évaluées à 3 à 4% du PIB par le Bureau international du travail (BIT). Le ministre du Travail a rappelé ce coût pour la société. « Pour l’entreprise c’est une perte en terme de productivité et pour la société, c’est la prise en charge en terme d’arrêts de travail. Une étude de l’assurance maladie montre qu’un quart des arrêts de deux à quatre mois ont pour motif des troubles mentaux et comportementaux », a souligné Xavier Bertrand avant de s’engager à suivre les recommandations des deux rapporteurs. Autant pour l’enquête que pour les mesures qui pourraient être prises, la question du financement n’a pas été évoquée.