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Tibet / Chine

La « retenue » de la diplomatie française

par Alain Renon

Article publié le 25/03/2008 Dernière mise à jour le 26/03/2008 à 06:01 TU

Depuis l’aggravation des violences au Tibet, le vendredi 14 mars, la France a résolument opté pour la modération vis-à-vis de Pékin : appels à la « retenue » et au « dialogue » avec les Tibétains, repris à son compte, le 24 mars, par le président de la République, dans sa première prise de position officielle. Mais Nicolas Sarkozy a semblé hausser le ton, mardi 25 mars, en déclarant que « toutes les options », dont un  éventuel boycottage de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin, étaient « ouvertes », alors que le chef de la diplomatie parlait, quelques heures auparavant, de « répression [qui] n’est pas supportable ».

<i>«&nbsp;Pas de droits de l’homme, pas de Jeux Olympiques&nbsp;»,</i> crie ce Tibétain lors d’une manifestation dans le village de Rangpo dans le nord-est de Siliguri, le 25&nbsp;mars 2008.(Photo : Reuters)

« Pas de droits de l’homme, pas de Jeux Olympiques », crie ce Tibétain lors d’une manifestation dans le village de Rangpo dans le nord-est de Siliguri, le 25 mars 2008.
(Photo : Reuters)

Politique étrangère ou intérieure ?

« Cette répression n’est pas supportable », a déclaré Bernard Kouchner, mardi 25 mars à Paris, à la radio privée française Europe 1. C’est la première fois qu’un membre du gouvernement emploie de tels termes pour qualifier l’intervention de la police et de l’armée chinoises face aux manifestations de colère des Tibétains, à Lhassa et dans les provinces voisines de la « région autonome du Tibet ». Depuis le pic de violences du 14 mars, l’expulsion des touristes, l’envoi des renforts militaires et l’interdiction de toute la zone aux journalistes étrangers, la diplomatie française s’était limitée à faire part de sa « préoccupation », de son « souhait » d’un retour rapide au calme, en appelant Pékin à faire preuve de « retenue » dans sa gestion de la crise.

Pour autant, le changement de vocabulaire de Bernard Kouchner, apparaît moins comme un durcissement de la position de Paris vis-à-vis du pouvoir chinois que comme un changement de ton imposé par un débat national, de plus en plus vif, sur les événements au Tibet. C’est d’ailleurs en réponse à une question d’Europe 1, sur l’appel à « sortir de sa réserve » que lui avait lancé, dimanche 23 mars sur la même antenne, l’ancien ministre socialiste Jack Lang, que le chef de la diplomatie française a durci le ton, tout en écartant un boycott des Jeux Olympiques que « personne ne réclame, et surtout pas le Dalaï Lama ».

De la même manière, c’est au lendemain de critiques de l’opposition sur son « silence assourdissant » que l’Elysée a publié, lundi 24 mars, son premier communiqué. On y apprenait que Nicolas Sarkozy avait adressé un message au président chinois Hu Jintao, l’appelant à « la retenue et à la fin des violences par le dialogue ». C’est également dans la foulée de critiques acerbes émanant de sa propre famille politique, et en l’occurrence de l’ancien Premier ministre de droite Alain Juppé, comparant la modération diplomatique des dirigeants Occidentaux à une demande faite à la Chine de « tuer avec retenue », que le chef de l’Etat a lui aussi haussé le ton. Quelques heures après Bernard Kouchner, mardi  25 mars, le chef de l’Etat s’est fait beaucoup plus menaçant, en affirmant ne pas exclure un boycott personnel de la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin, le 08 août.

Diplomatie commerciale

Même si elles alimentent un débat franco-français sur la Chine et les JO – deux sondages d’opinion, publiés le lundi 24 mars, indiquent qu’une majorité de Français souhaite un boycott personnel de M. Sarkozy mais rejette le boycott des Jeux -, ces déclarations coup sur coup du président de la République et de son ministre des Affaires étrangères n’en constituent pas moins un changement de lexique diplomatique. Mais, très vraisemblablement, sans réelle conséquence dans les relations entre les deux pays. 

L’attitude de M. Sarkozy dépendra de fait de la « réponse que sera donnée par les autorités chinoises » à sa demande de « dialogue » entre Pékin et les Tibétains. Dialogue « engagé depuis plusieurs années » et dont le chef de l’Etat français souhaite qu’il « reprenne et s’approfondisse », en soulignant « la disponibilité de la France  (…) dans le cadre du partenariat stratégique franco-chinois ». En d’autres termes, une réunion sino-tibétaine, dans les quatre mois et demi qui viennent, pourrait formellement satisfaire Paris. La secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, Rama Yade, soulignait pour sa part,  jeudi  20 mars que l’éventuel boycott de la cérémonie dépendrait  « de la situation au Tibet » à ce moment-là et non actuellement.

Autant de précaution et de conditionnel qui renvoient principalement aux relations très déséquilibrées entre Paris et Pékin. Relations économiques, principalement, qui ont vu la France multiplier ces dernières années les gestes de conciliation sinon de surenchère pro-chinoise. Qu’il s’agisse des critiques virulentes envers Taïwan, Jacques Chirac, en 2004, et Nicolas Sarkozy, lors de son premier déplacement en Chine en novembre dernier, ont l’un et l’autre démontré à quel point la France était engagée dans une diplomatie commerciale avec la Chine communiste. Quitte à froisser ses partenaires nord-européens en plaidant inlassablement pour la levée de l’embargo européen sur les ventes d’armes  imposé à la Chine après la répression du printemps de Pékin, le 4 juin 1989 ; quitte à paraître aujourd’hui encore frileux sur le Tibet, quand l’Américain George Bush, le Britannique Gordon Brown et l’Allemande Angel Merkel ont reçu tour à tour ces derniers mois le Dalaï Lama, Berlin ayant aussi gelé ses pourparlers avec la Chine sur le développement économique, depuis la répression des manifestations de Lhassa.

A écouter

Nicolas Sarkozy

Président français

« Je ne ferme la porte à aucune éventualité mais je pense qu'il est plus prudent de graduer notre réponse en fonction de la réponse que donneront les Chinois, d'ici aux Jeux Olympiques. »

25/03/2008 par Corinne Rieber

Jean-François Lamour

Député UMP

« Est-ce qu'il faut boycotter la cérémonie d'ouverture ? Sincèrement, il est trop tôt pour le dire. »

25/03/2008 par Valérie Gas

Jean-Louis Bianco

Député socialiste

« Je trouve que la réaction du président de la République est beaucoup trop faible et vient beaucoup trop tard. »

25/03/2008 par Valérie Gas

Robert Ménard

Secrétaire général de Reporters sans frontières

« Le Comité international olympique doit respecter ses propres engagements. »

25/03/2008 par Nicolas Vescovacci

Robert Ménard

Secrétaire général de Reporters sans frontières

« La responsabilité est entre les mains des politiques. »

25/03/2008 par Nicolas Vescovacci