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Cuba

Timide ouverture

par Sylvain Biville

Article publié le 31/03/2008 Dernière mise à jour le 08/04/2008 à 16:47 TU

Ordinateurs, fours à micro-ondes, téléphones portables, hôtels internationaux : les Cubains ont désormais accès à ces services qui leur étaient interdits. Le nouveau président Raul Castro libère à petits pas une économie qui reste encore sévèrement encadrée.

Le téléphone portable fait son apparition dans les rues de La Havane.(Photo: Reuters)

Le téléphone portable fait son apparition dans les rues de La Havane.
(Photo: Reuters)

« La priorité de notre pays sera de répondre aux besoins de base de la population, sur le plan matériel comme sur le plan spirituel », déclarait Raul Castro le 24 février. Dans son premier discours de chef de l’Etat cubain, le frère et successeur de Fidel Castro avait promis d’éliminer « dans les prochaines semaines » certaines « interdictions excessives ». L’engagement s’est concrétisé par une série d’annonces. En l’espace de dix jours, le gouvernement a brisé plusieurs tabous en autorisant tour à tour la vente de produits ménagers, la possession de téléphones portables et l’accès aux hôtels internationaux, réservés jusque-là aux étrangers.

Ces mesures – timides – ouvrent une brèche dans une économie sévèrement administrée. A partir du 1er avril, les Cubains peuvent donc, en théorie, s’offrir un ordinateur, un lecteur de DVD, un four à micro-ondes, un téléviseur grand format (entre 48 et 61 cm), un autocuiseur, un vélo électrique ou encore une alarme de voiture, autant de produits qui leur étaient jusque là interdits. Les fréquentes coupures de courant, depuis l’effondrement du « grand frère » soviétique, étaient à l’origine de ces interdictions. Le pétrole vénézuélien généreusement déversé sur Cuba par Hugo Chavez permet aujourd’hui la mise en vente libre d’appareils électriques sans craindre une pénurie. La portée d’une telle mesure doit cependant être relativisée. Les produits désormais autorisés sont vendus en pesos convertibles en dollars, une monnaie dont la valeur est 24 fois supérieure au peso ordinaire et qui reste inaccessible pour la majorité des Cubains.

Un luxe inaccessible

Si la vente de produits ménagers peut sembler anecdotique, l’autorisation pour les particuliers de posséder un téléphone portable est une mesure d’une autre ampleur. Elle pourrait signaler la fin du strict monopole de l’Etat sur les communications. « C’est la porte ouverte à plus de contacts avec des étrangers, à plus d’échanges par textos, à une culture de communication de masse » a déclaré à La Havane le dissident Manuel Cuesta au Washington Post.

Depuis 1991, Cuba a sa compagnie de téléphonie mobile, Etesca, détenue par l’Etat et par le géant italien des télécommunications Telecom Italia. Mais l’accès au réseau était, jusque-là, réservé aux dignitaires du régime ou aux Cubains travaillant pour des sociétés étrangères. Le portable était cependant de plus en plus toléré dans le pays et l’autorisation officielle ne fait qu’entériner une situation de fait. Même si, comme pour les produits ménagers, le téléphone portable restera un luxe inaccessible pour la plupart des Cubains. Avec un salaire moyen de 17 dollars par mois, ils seront bien peu à pouvoir s’offrir un service dont le coût de départ est l’équivalent de 119 dollars, payable en pesos convertibles.

Le libre accès des Cubains aux hôtels internationaux, jusque-là réservés à la clientèle étrangère, est sans doute la mesure la plus emblématique. Cela fait plusieurs années que cette interdiction était durement ressentie dans le pays, comme une forme d’ « apartheid ». Le tourisme, exclusivement tourné vers une clientèle étrangère est l’une des principales sources de devises du pays. Il rapporte en moyenne deux milliards de dollars par an. L’ouverture du secteur au marché intérieur pourrait permettre d’augmenter le taux d’occupation des chambres en basse saison. Mais le prix des chambres, rarement inférieur à 50 dollars et payable en peso convertible, aura là encore un effet dissuasif. Les seuls Cubains ayant accès aux devises fortes sont soit ceux qui travaillent pour des sociétés étrangères, ou ceux qui reçoivent de l’argent de parents exilés, le plus souvent, aux Etats-Unis.

« Opération cosmétique »

Jacobo Machover, écrivain cubain exilé en France, enseignant à l’université d’Avignon, reconnaît, dans un entretien à RFI,  que ces différentes mesures constituent « un pas en avant ». Mais il en tempère la portée en les qualifiant d’ « opération cosmétique ». « C’est un signal d’ouverture extrêmement limité » estime-t-il, qui correspond à la volonté affichée par Raul Castro de « moderniser l’économie sans toucher aux structures politiques en place », conformément au « modèle vietnamien ».

Les Cubains restent privés de liberté d’expression. L’heure n’est encore qu’aux effets d’annonce. La mise en œuvre concrète des assouplissements promis permettra d’évaluer la réelle volonté d’ouverture du régime cubain. L’un des tests les plus attendus concerne la levée des restrictions au voyage. Toute sortie à l’étranger est actuellement soumise à la délivrance d’un permis par l’administration. Un assouplissement a été évoqué récemment par le chef de la diplomatie cubaine, mais aucun engagement n’a encore été pris par les autorités, qui redoutent un exode massif de la population.

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