Mauritanie

L’un des tueurs présumés des 4 touristes français prend la fuite

Article publié le 02/04/2008 Dernière mise à jour le 02/04/2008 à 23:10 TU

Coup de théâtre en Mauritanie. Sidi Ould Sidna, l’un des assassins présumés des quatre touristes français, le 24 décembre près d’Aleg, a réussi à s’évader. Placé sous mandat de dépôt début février, ainsi que son complice présumé Mohamed Ould Chabarnou, Sidi Ould Sidna sortait d’une audition dans le bureau du juge d’instruction, au palais de justice de Nouakchott, lorsqu’il a réussi à échapper à la surveillance des policiers chargés de l’encadrer.

De notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière

Sidi Ould Sidna s'est évadé le 2 avril 2008.
(Photo: Manon Riviere/RFI)

Les faits

« Apparemment, il aurait demandé à aller aux toilettes avant d’être reconduit au commissariat du palais de justice, explique le substitut du procureur Moulaye Abdellah Ould Baba. Le policier qui l’a accompagné à l’étage aurait alors demandé à un greffier de surveiller le prévenu, et c’est là qu’il aurait pris la fuite. Le policier et le greffier ont été entendus par le procureur et mis en garde à vue ».

L’un des avocats de Sidi Ould Sidna, Me Sy Souleimane, était présent lors de l’audition de son client par le juge chargé spécifiquement de l’instruction. Il raconte. « L’interrogatoire a duré jusqu’à 14h30 ce mercredi, jusqu’à l’heure de la prière, détaille-t-il. A la fin, nous sommes sortis et nous nous sommes dirigés vers les locaux de la Cour criminelle. Là, j’ai quitté mon client, qui devait regagner le commissariat. Il y avait un policier devant lui et un derrière lui. Quelques minutes après, les gens ont commencé à faire des va-et-vient puis les policiers nous ont annoncé, ébahis, qu’ils avaient perdu Sidi Ould Sidna ».

Le parquet offre une récompense

Dans le bureau du procureur, en fin d’après-midi, c’est le branle-bas de combat. Un comité de crise a été constitué. Difficile de parvenir à passer la porte, bien gardée par un membre de la sûreté. L’ambiance reste pourtant décontractée. Un à un, les journalistes de la presse locale et les correspondants des médias étrangers pénètrent dans les locaux du palais de justice. Ils viennent chercher le communiqué publié en fin d’après-midi par le parquet. Imprimé sur une feuille de format A4 et distribué avec la photo de Sidi Ould Sidna, on peut y lire que le parquet « demande à toutes personnes ayant des informations pouvant conduire à son arrestation d’informer le plus proche poste de sécurité ». Le texte précise qu’une récompense importante sera réservée à ceux qui pourront fournir des renseignements permettant de le localiser.

Réactions

« C’est tout simplement éberluant », confie un haut responsable de l’administration mauritanienne, précisant qu’une enquête avait immédiatement été mise sur pied pour déterminer les circonstances de cette évasion. Un avocat mauritanien, non constitué dans ce dossier, se montre abattu. « C’est une catastrophe ! s’exclame-t-il. Un tel détenu aurait dû bénéficier d’une surveillance extrême. Pour moi, cela montre tout simplement qu’il n’y a pas de justice dans ce pays ! Avec des mesures de sécurité adéquates, les choses ne se seraient sans doute pas produites de cette façon ».

Dans les couloirs du palais de justice de Nouakchott, les rumeurs fusent. « Il parait que Sidi était particulièrement décontracté aujourd’hui lors de son audition par le juge », confie une source judiciaire. « On dit aussi que le détenu serait sorti du palais de justice sans aucun problème, en disant simplement aux gens qu’il venait d’être relâché », lâche un Mauritanien vêtu d’un boubou. « Il paraît que l’un des deux policiers chargé de la surveillance du fugitif était un membre de sa famille ! », déclare un autre badaud. Sur ce point précis, impossible d’en savoir plus à cette heure. « Mais pour s’en sortir aussi facilement, il a certainement bénéficié de larges complicité », fait remarquer avec amertume un journaliste.

Salafiste présumé

Âgé d’une vingtaine d’années, Sidi Ould Sidna est un salafiste présumé bien connu des services de police. Jugé l’été dernier à Nouakchott dans le cadre des procès islamistes, il avait été acquitté. Interpellé dans un hôtel de luxe de Bissau, en Guinée, près de trois semaines après l’attaque meurtrière d’Aleg, le fugitif avait alors confirmé devant la presse qu’il avait bien « tiré contre des Français », un acte pour lequel il disait ne ressentir « aucun remord ».

Depuis le 10 février, c’est au juge d’instruction ad hoc, Mohamed Bouyah Ould Nhy, que le dossier d’Aleg avait été entièrement confié. C’est justement après une séance d’audition dans le bureau du juge que Sidi Ould Sidna a pris la fuite. Pour les besoins de l’instruction, 8 personnes sont toujours placées sous mandat de dépôt dans cette affaire, et 4 mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés.

Cette évasion mystérieuse intervient le jour même de l’arrivée à Nouakchott du couple émiral du Qatar, en visite officielle dans le pays. Elle a également lieu à moins d’une semaine du coup d’envoi du Festival international des musiques nomades, un événement majeur pour la Mauritanie et qui doit drainer vers la capitale plus de 300 artistes locaux et étrangers.