par Piotr Moszynski
Article publié le 07/04/2008 Dernière mise à jour le 09/04/2008 à 00:02 TU
Les forces de sécurité entourent l'athlète relayeur de la flamme olympique, ce lundi 7 avril 2008 à Paris.
(Photo : Reuters)
« Les réactions chinoises restent relativement modérées ce matin vis à vis de la France. Bien sûr la presse officielle fait état de ces événements en incrimimant encore une fois les séparatistes tibétains. »
Fallait-il attribuer les Jeux Olympiques à la Chine, tout en sachant que les violations des droits de l’homme s’y multipliaient depuis très longtemps et qu’il n’y avait pas beaucoup de chances que cela cesse rapidement ? On peut en discuter, mais la question a été tranchée conformément aux demandes chinoises. C’est un fait. Pour mieux comprendre la situation créée par cette décision, il faut se souvenir que déjà à l’époque où elle était prise, deux attentes totalement opposées favorisaient discrètement sa concrétisation.
Prestige ou ouverture ?
D’un côté, les autorités chinoises espéraient pouvoir utiliser les JO pour redorer leur blason, pour rehausser leur prestige aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et pour améliorer leur image entachée par de nombreuses informations sur les violations des règles démocratiques et des droits de l’homme en Chine. Bref, pour mieux légitimer leur pouvoir sans vraiment changer sa nature. Cette quête de confirmation de légitimité et de reconnaissance des autres est souvent très prononcée au sein de régimes autoritaires qui se savent contestés dans leur légitimité et peu aimés – et dont l’amour propre en souffre beaucoup.
De l’autre côté, les gouvernements, les opinions publiques et les entreprises en Occident espéraient obtenir, grâce aux Jeux, une plus grande ouverture et libéralisation de la Chine. Un grand afflux de touristes et de médias du monde entier devrait – pensait-on – constituer en soi un facteur déclencheur de changements qui pourraient faire mieux intégrer la Chine dans le processus de mondialisation, non seulement sur le plan économique, mais aussi politique et social. Un tel espoir est effectivement permis, mais l’expérience historique ne le confirme pas toujours. L’ancien président du Comité international olympique (CIO), Juan Antonio Samaranch, cite l’ouverture de la Corée du Sud au monde après les JO de Séoul en 1988 comme un exemple encourageant. Il est toutefois difficile d’oublier que l’attribution des Jeux Olympiques à l’Allemagne nazie en 1936 ne l’a en rien empêchée de continuer sur la voie du totalitarisme et des crimes de masse. L’Union soviétique, organisateur des JO-1980, n’a pas hésité à envahir l’Afghanistan quelques mois avant l’ouverture des Jeux.
Guerre de propagande
Les régimes autoritaires saisissent souvent les occasions de cette nature pour mener une guerre de propagande contre leurs adversaires intérieurs et extérieurs. Les autorités chinoises font tout ce qui est en leur pouvoir afin de priver leur propre population d’informations sur les réactions étrangères aux évènements au Tibet et sur le parcours de la flamme olympique. Les médias chinois présentent les manifestations sur le trajet londonien et parisien de la flamme comme des bourdes provoquées par « un petit nombre de séparatistes tibétains » et censurent systématiquement les télévisions étrangères diffusées dans les hôtels dès qu’elles montrent les images de ces prétendus « séparatistes ». Le journal télévisé du soir de la télévision centrale chinoise, le plus regardé dans le pays, a seulement évoqué lundi le départ de la flamme olympique à Paris, sans parler des incidents.
Cependant, la guerre de propagande chinoise sur le front extérieur semble désormais perdue. Le Tibet – considéré par la Chine comme sa province – et le Dalaï-lama, présenté à Pékin comme un agitateur irresponsable, voire criminel, sont passés au premier plan de l’actualité mondiale. La recherche d’une solution pacifique et juste du problème tibétain devient lentement mais sûrement une condition sine qua non d’un bon déroulement des Jeux Olympiques 2008. L’équipe actuellement au pouvoir en Chine est connue pour son réalisme, parfois constructif, parfois un brin cynique. Ce qui laisse espérer qu’elle s’aperçoive relativement vite que continuer sur la voie de la négation des faits ne mène nulle part et ne lui procure que des désavantages. A moins qu’elle ne tombe dans une crispation durable et définitive, très peu prometteuse pour la Chine elle-même en général, et pour les Jeux Olympiques en particulier.
Symbolique inattendue
Pour l’instant, ce qui se passe sur le parcours de la flamme olympique, fait penser à une toute autre symbolique que celle souhaitée et imaginée par les autorités chinoises. En effet, on assiste au passage d’une flamme emprisonnée, privée de toute liberté et de contact avec le monde extérieur, encerclée par les cordons et les fourgons de police, survolée par les hélicoptères de gendarmerie, surveillée tout le temps par les forces de l’ordre. En quelque sorte, comme les Chinois…
A écouter
« …Il est difficile d’accepter que le relai olympique puisse être arrêté par la violence quel qu’en soit l’objectif en utilisant cette expression, le chef de la diplomatie japonaise évite d’avoir à prononcer jusqu’au mot Tibet ».
08/04/2008 par Frédéric Charles
Ancien ministre français de la Jeunesse et des Sports
« Depuis la Tour Eiffel, ce n'est que frein, que confrontation entre deux courants (...) On a l'impression que c'est de la surenchère en permanence. »
07/04/2008 par Frédéric Gassmann
Ancien champion de basket
« On aurait pu utiliser le passage de la flamme pour prendre la parole sur les droits de l'homme, mais d'une autre manière. »
07/04/2008 par Fréderic Gassmann
A lire