par RFI
Article publié le 18/04/2008 Dernière mise à jour le 18/04/2008 à 12:46 TU
RFI : Monsieur le Président, la date des élections en Côte d’Ivoire vient d’être fixée. Ce sera pour le 30 novembre prochain. Qu’est-ce qui vous fait penser que cette fois-ci, c’est la bonne ?
Laurent Gbagbo : Mais, qu’est-ce qui vous fait penser que ce n’est pas la bonne !
RFI : Il y a eu plusieurs annonces, plusieurs reports. Est-ce que vous pensez que cette fois-ci les choses sont enfin prêtes ?
L. G : Non, il n’y a pas eu plusieurs annonces et plusieurs reports. C’est maintenant qu’on fixe une date de sélection. On avait fixé des périodes, et aujourd’hui, on pense que les choses sont bien avancées. Aujourd’hui, les gens circulent. Aujourd’hui, l’administration préfectorale est déployée sur le terrain. Aujourd’hui, l’administration fiscale est déployée etc. Ainsi donc du travail se fait et c’est en conséquence que nous avons ensemble choisi la date du 30 novembre.
RFI : Une des questions qui se pose en ce qui concerne ces élections, c’est la question du corps électoral. Combien, pensez-vous approximativement, de nouveaux électeurs vont pouvoir être inscrits sur les listes à l’issue du processus qui est en cours ?
L. G : Ca, ça n’est pas mon travail, Madame. Ce n’est ni mon travail, ni ma préoccupation. Moi, je suis candidat, je fais campagne. Le problème du nombre des électeurs, ça c’est le travail de l’INS, l’Institut national de la statistique. Comme les contradicteurs voulaient être rassurés, nous avons pris un opérateur technique en plus pour aider l’INS pour qu’ils travaillent ensemble, et le tout est supervisé par la Commission électorale indépendante. Mais ce n’est pas le travail du président de la République, ni le travail du candidat. Voilà.
RFI : Vos deux principaux rivaux potentiels dans cette élection…
L. G : Non, contradicteurs.
RFI : … ont conclu une alliance. Ca vous inquiète ça ?
L. G : Non, pourquoi voulez-vous que ça m’inquiète. Je dis toujours aux Français ceci : « Au moment du vote référendaire sur la Constitution européenne, tous les partis qui ont gouverné en France ont appelé à voter oui. Et le non l’a emporté ». Les électeurs sont libres. Je n’ai aucun souci.
RFI : Ca vous traverse l’esprit parfois que vous pourriez être mis en difficulté ou même perdre des élections ?
L. G : Un démocrate s’attend toujours à gagner ou à perdre.
RFI : Une des inquiétudes exprimées par l’opposition, c’est le problème de l’accès aux médias. Est-ce que cet accès là va être garanti ?
L. G : (Rires). Mais pourquoi on pose ce problème là. Madame, je voudrais vous dire que mes deux principaux contradicteurs ont gouverné cette Côte d’Ivoire, il ne faut quand même pas l’oublier. Et c’était moi qui étais dans la rue demandant l’accès des médias pour tous. Et eux, (rires), ils me réprimaient, ils m’arrêtaient et ils me gazaient.
RFI : Monsieur le Président, comment se passe le travail au quotidien et quelles sont vos relations avec votre Premier ministre ?
L. G : Elles sont bonnes. Vous savez, depuis que la crise a éclaté, c’est le troisième Premier ministre de ce genre que j’ai. Des trois, c’est avec lui que, assurément, je me suis entendu et que je suis allé le plus loin possible dans le travail qui consiste à ramener la paix en Côte d’Ivoire. Donc, on travaille, on travaille bien.
RFI : En confiance ?
L. G : Oui, le Premier ministre a annoncé que lui il n’est pas candidat. Je lui ai donc dit de travailler à équidistance des candidats pour qu’on puisse avancer. Et on avance. On n’est pas au paradis encore. Mais aujourd’hui, les acquis sont tels qu’on peut organiser les élections. C’est ça qui est important.
RFI : Est-ce qu’on désarme avant ou après les élections ? C’est une question qui pose problème aux forces nouvelles.
L. G : Ma réponse est claire : nous appliquons l’accord de Ouagadougou.
RFI : Alors, Monsieur le Président, on est au quatrième anniversaire ces jours-ci de la disparition de Guy-André Kieffer. Il y a un certain nombre de témoins que la justice française semble prendre au sérieux qui semble impliquer des membres de votre entourage. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
L. G : Rien du tout. Cette affaire, je m’en désintéresse maintenant parce que, au début, je crois que c’était une affaire sérieuse : quelqu’un disparaît en Côte d’Ivoire. Je croyais vraiment sincèrement qu’il fallait aider à retrouver cette personne, à retrouver des traces. Mais, j’ai vu que ça tournait à la pantalonnade, et que Guy-André Kieffer, c’était donné un prétexte pour chercher à nuire au président de la République et à ses proches. Que ceux qui jouent à ce jeu là continuent. Et quand ils vont se heurter contre un mur, ils se rendront compte que c’est du temps perdu.
RFI : Mais si la justice française demande à entendre certains de vos proches, est-ce que vous vous y opposerez ?
L. G : Madame, ce n’est pas mon problème. Et si on demande à m’entendre, on m’entendra. (rires). Mais je suppose que les gens qu’on veut entendre sont majeurs, donc on leur posera la question. Pourquoi voulez-vous que pour entendre quelqu’un, on vienne demander au président de la République. Mais je veux dire qu’ils sont mal partis. C’est une querelle Ramaël (le juge en charge du dossier) qui tourne comme Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent. Quand ils vont voir que les moulins sont vraiment à vent, je crois qu’on passera le dossier à des gens plus sérieux.
RFI : Dernière chose. Vous n’avez pas caché le fait que vous étiez satisfait que Jacques Chirac ne soit plus le président de la République française. Quels sont vos rapports avec Nicolas Sarkozy ? Est-ce qu’une visite est envisageable dans les mois qui viennent ?
L. G : Madame, les rapports entre les chefs d’Etat ne se limitent pas à des visites. Moi, je n’ai aucune visite en vue, et puis ce n’est pas important. Aujourd’hui, ce qui est important et que Nicolas Sarkozy a fait, c’est d’annoncer officiellement ce qu’on n’osait pas annoncer : c’est la mort des accords de défense et de coopération militaire qui nous résistaient depuis 1961.
C’est quand même un pas extraordinairement important entre la France et les Etats africains d’expression française. C’est quand même la mort de la « Françafrique » parce que ces accords-là étaient quand même le pilier de ce que l’on appelle la « Françafrique ». Nicolas Sarkozy annonce la fin de ces accords là, et moi, je m’en réjouis et j’applaudis. Et aujourd’hui, je prépare le dossier pour une renégociation des accords, c’est ça qui est la révolution que Nicolas Sarkozy a apportée.
Moi, je ne suis pas dans les querelles politiciennes franco-françaises, ça ne me regarde pas. Ce qui me regarde, c’est que l’Afrique va pouvoir enfin prendre ses responsabilités dans sa propre défense, et donc avoir la liberté de choisir un plan d’autodéfense et un plan de régulation de ses rapports avec l’extérieur. C’est ça.